Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Delvaux (Paul)

Peintre belge (Antheit, province de Liège, 1897  – Veurne 1994).

Il suit les cours de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles de 1920 à 1924 et subit d'abord l'influence de l'Expressionnisme allemand, notamment celle de De Smet, dont le rapproche sa conception du nu et de l'atmosphère particulière, faite de silence et de réserve, dans laquelle il se situe (Nu couché, 1934). Le nu et les lieux de sa révélation allaient devenir le thème par excellence de Delvaux. Il doit respectivement à De Chirico et à Magritte le sens d'un espace inquiétant à force de lumineuse évidence et la situation incongrue des figures, mais, dès 1937 (les Nœuds roses, musée d'Anvers), l'essentiel de son art est fixé. Dans un cadre strictement défini, où le jardin, la zone urbaine du nord, la ruine ou l'édifice antiques (son premier voyage en Italie a lieu en 1938) composent habilement leurs motifs : des femmes nues fort véridiques semblent attendre que le mâle les sorte de leur apparente léthargie ; celui-ci, souvent présent dans le tableau et correctement vêtu, les ignore totalement ou les examine avec des attitudes de vieil entomologiste, selon un type de savant emprunté à Jules Verne (le Congrès, 1941, coll. de l'État belge). La reconnaissance d'autrui ne s'exprime en désespoir de cause que dans une relation sexuelle à demi explicite, mais rarement avec netteté comme dans la Visite (1939), où un jeune garçon entièrement nu pénètre dans une pièce au milieu de laquelle, assise, une femme nue, tenant ses seins, attend. Delvaux a trop abusé de ces contrastes, somme toute faciles, entre personnages nus et vêtus, dont, en Belgique, Van den Berghe avait déjà tiré de plus virulents effets (suite de gouaches sur le thème de la Femme, 1925) ; de même, dans les compositions religieuses (Crucifixions, Mise au tombeau, 1951, Bruxelles, coll. de l'État belge), il délègue aux squelettes remplaçant les personnages le soin d'émouvoir le spectateur par leur seule présence. En revanche, les œuvres où est représentée la gare nocturne, désuète et provinciale, au milieu de laquelle n'ose pénétrer une fillette interdite, gagnent beaucoup en vertu poétique (Trains du soir, 1957, Bruxelles, M. R. B. A.). Apparenté au Surréalisme par son érotisme latent, son métier sec et académique, aux Naïfs par son sens des valeurs et son exactitude, Delvaux se situerait plutôt, de même qu'un Balthus, dans le vaste courant du " Réalisme magique ", qui, durant l'entre-deux-guerres, jeta une passerelle entre le fantastique du Surréalisme et la démarche plus mesurée des peintres dont le regard ne quittait point ce côté-ci du miroir. Les peintures murales, d'un style très néo-classique, réalisées chez Gilbert Périer à Bruxelles en 1954, comptent parmi les meilleures créations de l'artiste. Delvaux est représenté dans les musées belges ainsi qu'à la Tate Gal. de Londres, à Paris (M. N. A. M.) et à New York (M. O. M. A.). En 1978, commande lui est passée d'une peinture murale pour décorer le métro de Bruxelles. Une fondation se constitue en 1979 en Belgique en vue de la création d'un musée Paul-Delvaux qui a ouvert en 1982 à Saint-Idesbald.

Delville (Jean)

Peintre belge (Louvain 1867  –Bruxelles 1953).

Élève de l'Académie de Bruxelles, exposant depuis 1885, il obtint le prix de Rome en 1895. Dès 1892, il fréquentait à Bruxelles le cercle Pour l'art, puis celui de l'Art idéaliste (v. 1896). Il participa avec Donnay et Levêque à la revue la Ligue artistique (1895-1904) et publia, en 1900, à Bruxelles, la Mission de l'art, appel sacré à la spiritualisation de l'art et à la régénération purificatrice de l'artiste. À Paris, il se lia d'amitié avec le sâr Peladan, dont il partageait les rêveries ésotériques, et exposa régulièrement aux Salons de la Rose-Croix. Ses toiles sont directement inspirées par les œuvres des poètes symbolistes et les Grands Initiés d'Édouard Schuré (Orfeo, 1893). S'il se souvenait toujours des visions étranges et de la palette phosphorescente de Gustave Moreau (la Fin d'un règne, 1893), il se rattachait aussi, d'une part, au lyrisme préromantique de Blake et aux fantasmagories d'Antoine Wiertz (Arcangelo, 1894), d'autre part aux évanescences de Khnopff et de Lévy-Dhurmer (Portrait de Mme Merrill, 1892). L'artiste exécuta en 1898, pour la Sorbonne, une vaste décoration, l'École de Platon, qui ne fut jamais mise en place (musée d'Orsay), et peignit en 1914, pour le palais de justice de Bruxelles, plusieurs grands panneaux allégoriques. Ses toiles les plus célèbres, les Trésors de Satan (1895, Bruxelles, M. R. B. A.) et l'Homme-Dieu (1901-1903, musée de Bruges), au graphisme épuré, au somptueux coloris froid, rejoignent certaines recherches du Surréalisme.

   Écrivain autant que peintre, Delville se présente comme un initié qui, pour lutter contre le désordre moral auquel il associe le scepticisme, doit éveiller son entourage à la conscience des mystères en renouant avec d'anciennes traditions ésotériques. De son œuvre littéraire, il faut citer le Dialogue entre nous (1895), la Grande Hiérarchie de l'occulte et surtout le Frisson du Sphinx (1897). L'œuvre peint est encore confidentiel, les principales toiles et études se trouvant dans la famille de l'artiste. Révélation de l'exposition Il sacro e il profano nell'arte dei Simbolisti à la G. A. M. de Turin, en 1969, Jean Delville fut consacré par les manifestations symbolistes (Peintres de l'imaginaire, Paris, 1972 ; le Symbolisme européen, Rotterdam, Bruxelles, Baden-Baden et Paris, 1976).

Demachy (Pierre Antoine)
ou Pierre Antoine de Machy

Peintre français (Paris 1723  – id. 1807).

Il apprit de Servandoni (1755) l'art du paysage composé mis à la mode par Pannini : il fut reçu à l'Académie en 1758 (Temple en ruine, Louvre). Plus qu'Hubert Robert, il se spécialisa dans le genre des tableaux d'architecture et des décorations murales (Paris, Palais-Royal, perdu). Mais ses compositions, comme celles de Clérisseau, paraissent plus géométriques et donnent une impression de liberté moindre, jusque dans le travail de la pâte, moins brillant, plus égal que celui de son jeune rival. Les paysages parisiens sont de précieux documents iconographiques (Vues de Paris, musées de Rouen et de Strasbourg : Paris, musée Carnavalet). Enfin, l'artiste, dans un esprit proche du Préromantisme, qui devait toucher aussi H. Robert, usa souvent d'effets de jeux de lumière dans la nuit (Palais-Royal la nuit et Incendie de la foire Saint-Germain, 1762, Paris, musée Carnavalet).

   Demachy est représenté dans les musées d'Amiens, d'Angers, de Carcassonne, d'Épinal, de Rouen, de Strasbourg, de Valenciennes et du Louvre (3 toiles).