Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Rinke (Klaus)

Artiste allemand (Wattenscheid, Ruhr, 1939).

Des études de peinture décorative à Gelsenkirchen (1954-1957) puis de peinture murale à l'École Folkwang d'Essen mène Rinke, durant un long séjour en France, de 1960 à 1964 (Paris et Reims), à la réalisation de peintures abstraites composées de formes géométrico-organiques imbriquées. C'est à Düsseldorf, en 1964, qu'il fabrique ses premiers objets en trois dimensions en polyester (cylindres, containers) [Peinture plastique dans l'espace], répondant au désir de créer des formes complètement abstraites, éliminant tout élément descriptif, et induisant une expérience sensible de l'espace. La volonté de pénétrer les processus du réel, en dépassant sa simple représentation, aboutit à un abandon de la peinture. Rinke se préoccupe dorénavant des expériences sensorielles premières telles que la durée, l'écoulement de temps, la distance, le volume ou la gravité.

   Une volonté de réconciliation entre l'art et la vie l'amène, à partir de 1969, à utiliser son propre corps comme moyen d'expérimentation et de représentation, travaillant les relations temps/espace/corps sous forme de happenings (Changement de position, 1972) ou de séquences photographiques (Partition sur la démonstration de base, 1972). Ses œuvres se composent fréquemment de formes géométriques simples comme le cercle, de lignes géométriques et de fils à plomb (Triptyque de la pesanteur, 1971), de pendules. L'eau, matière fluide et instable, intervient régulièrement comme moyen spécifique de description du temps (l'écoulement) et de la gravitation, dans ses œuvres (Douze tonneaux d'eau puisée au Rhin, 1969 ; Tout autour de moi, vidéo, galerie Gerry Schum, 1971), sous forme de bidons, de tuyaux ou de flaques. En 1974, Rinke est nommé professeur à l'Académie de Düsseldorf. Des dessins aux lignes courbes et fluides, qui apparaissent en 1978-1980, " souvenirs de formes embryonnaires ", sont issus de motifs vus lors d'un voyage en Australie. En 1981-82, de grands dessins au graphite, suite dite " de Néanderthal " déploient de grandes formes arrondies ou osseuses, motifs que Rinke développe avec des couleurs vives en 1984-85. En 1985, il réalise dans le forum du Centre Pompidou à Paris un environnement monumental, l'Instrumentarium, qui synthétise l'ensemble de son répertoire formel. Son œuvre a fait l'objet d'expositions nombreuses : 1976, Paris, musée d'Art moderne de la Ville de Paris ; 1978, Hambourg, Kunsthalle ; 1986, Reims, Palais du Tau.

Rinsema (Thijs)

Peintre néerlandais (Drachten 1877  – Smallingerland 1947).

Ami de Théo Van Doesburg et de Kurt Schwitters, Thijs Rinsema est l'une des principales figures du dadaïsme néerlandais. Avec son frère, le poète Evert Rinsema, dont les œuvres ont été éditées par De Stijl en 1920, il tenait une boutique de cordonnier à Drachten (Frise). La chronologie de son œuvre, peu abondante, reste mal fixée. S'il réalise avec Van Doesburg quelques pièces de mobilier en 1920 (Centraal Museum, Utrecht), il semble que la visite de Kurt Schwitters à Drachten en 1923 ait été déterminante pour lui. Cette année-là, il exécute de nombreux collages dans l'esprit même de l'artiste dadaïste allemand. Il connaît ensuite une phase cubo-puriste : Odol (1922-1930, musée de Dordrecht), où les lignes et les formes simplifiées jouent un grand rôle, ou encore Composition au pistolet (1925, Leeuwarden, Museum Princessehof), qui peut évoquer les " compositions aux nombreux objets " de Fernand Léger. Rinsema connaît une période plus constructiviste proprement dite en 1925, marquée par l'esthétique du Stijl, mais qui reste figurative : avec sa série des " footballeurs " et des " chevaux avec cavalier sautant une haie ", il cherche à exprimer le rythme dans des compositions jouant sur les aplats, les couleurs primaires et les formes stylisées (Composition avec cavalier, Museum Princessehof, Leeuwarden). Après 1930, il se consacre à une peinture plus réaliste (Portrait de Marlene Dietrich, 1938).

Riopelle (Jean-Paul)

Peintre canadien (Montréal 1923-manoir MacPherson, île aux Grues, Québec, 2002).

Riopelle quitte en 1944 l'École du meuble de Montréal, où il étudiait, pour se consacrer exclusivement à la peinture. Ses débuts sont marqués par l'art traditionnel, qu'il abandonnera par la suite. En 1946, il participe avec F. Leduc à la première exposition des " automatistes ", disciples de Borduas, à Montréal. Après avoir visité Paris, où il expose en 1947, et New York, où on le retrouve à l'Exposition surréaliste internationale, il quitte l'Amérique pour s'installer à Paris en 1948. Il continue à rencontrer F. Leduc et se lie avec Mathieu. Les toiles de Riopelle, qui est reçu par André Breton et ses amis, voisinent, dans l'exposition " l'Imaginaire ", avec celles de Wols, de Bryen, de Mathieu, d'Ubac. Plus soucieux de s'exprimer dans l'action que dans les colloques littéraires, Riopelle s'éloigne du groupe des surréalistes. Installé avec sa famille à Saint-Mandé, l'artiste traverse une période difficile de 1948 à 1954. Depuis 1946, date de sa rupture avec l'art figuratif, il substitue aux premiers paysages nocturnes, traversés par un mince réseau de lumière, une vision plus monumentale de la nature. Après l'utilisation de la technique tachiste, superficielle chez ce peintre (Boisées, 1949), une deuxième phase, v. 1950-51, qualifiée d'" égoutture dirigée " (Composition, 1950-51), devait aboutir à une plus parfaite maîtrise des matériaux : à la peinture directement appliquée avec le tube, Riopelle préfère l'utilisation du couteau, qui transforme, à la manière cézannienne, la surface peinte en un jeu de mosaïques coloré (Chevreuse, 1954, Paris, M. N. A. M.). Le paysage est évoqué à travers des plans de couleurs qui s'enchevêtrent (Pavane, 1954, Ottawa, N. G. ; Rencontre, 1956, Cologne, W. R. M.). Plus tard, en brisant la structure en mosaïque, il réintroduira la calligraphie de lignes serpentines par des réseaux de veines bleues, mauves et noires (Lunes sans l'autre, 1967). En même temps, son intérêt pour la sculpture l'amène à recréer dans sa peinture des formes plus figuratives : les surfaces se font plus larges, la pâte devient plus épaisse et est utilisée dans son relief (Dédorés, 1968 ; Poule d'eau, 1970). La fréquentation du Grand Nord est à l'origine des œuvres des années 1970-1975 : inspiration des jeux de ficelles esquimaux ou des moments naturels (Fonte, 1973), suivie en 1977-78 par une série de grands tableaux en noir et blanc, les Icebergs. En 1983, des formes animales, les Oies, prennent place, constituées des couleurs de peinture superposées à des fonds abstraits. Les toiles les plus récentes, en 1989, multiplient les effets de projection de peinture et de pochoir, ponctués régulièrement par des formes tirées de son bestiaire, mis en relation avec des entrecroisements de lignes. En 1990, son œuvre a fait l'objet d'une rétrospective à la fondation Maeght à Saint-Paul de Vence. Riopelle est représenté dans les grands musées canadiens, à Paris (M. N. A. M.), à Cologne (W. R. M.), à Londres (Tate Gal.) et à New York (M. O. M. A.).