Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Guerassimov (Sergueï Vassilievitch)

Peintre russe (Moscou 1885  – id.  1964).

Après avoir été élève à l'École Stroganov (1901-1907), puis à l'École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou (1907-1912), il voyagea à l'étranger et ses premières œuvres se ressentent de l'influence impressionniste. À partir de 1930, sa peinture s'engage dans la voie du Réalisme socialiste (la Fête au kolkhoze, 1937, Saint-Pétersbourg, Musée russe) ; la guerre oriente le choix de ses thèmes, mais c'est finalement dans le paysage (La glace fond, 1945, Moscou, Gal. Tretiakov) et dans l'illustration de livres qu'il réussit le mieux.

Guerchin (Giovanni Francesco Barbieri, dit Il Guercino, en français le)

Peintre italien (Cento 1591  – Bologne 1666).

Bien que né dans la province de Ferrare, alors satellite de Venise dans le domaine artistique, et bien que marqué dans sa jeunesse par les gloires ferraraises, par Dosso Dossi surtout, il fut très tôt attiré par la proche Bologne, où les Carrache s'étaient déjà affirmés comme réformateurs de la peinture. De cette famille de peintres, il admire en particulier Ludovico, dont il avait pu voir, à Cento même, le tableau d'autel peint pour l'église des Cappuccini. Cette toile eut un rôle déterminant dans la formation de son style, aux empâtements vibrants, soutenu et lié par un dessin invisible qui gouverne la composition sans freiner l'imagination picturale. Mais Guerchin ne se détacha pas pour cela de sa ville natale, où, sauf de brèves absences, il vécut jusqu'en 1642, fidèle à un idéal de vie simple, dédiée à l'art, à cet art qui était pour lui l'expression de sentiments sincères et ardents, dénués de prétentions intellectuelles et insoucieux des règles préétablies.

   Maître vers 1618 de ses propres moyens expressifs, il réalisa en quelques années une suite de chefs-d'œuvre que dominent le Saint Guillaume d'Aquitaine (1620, Bologne, P. N.), Saint François en extase et saint Benoît (Louvre), l'Ensevelissement de sainte Pétronille (1622-23, Rome, Gal. Capitoline) et les fresques avec la Nuit et l'Aurore (1621, Rome, Casino Ludovisi), peintures où les éclaboussures de lumière mobile qui tachent les zones de couleur chaude à la vénitienne créent des effets d'un naturalisme subjectif et pittoresque qui ne peut se comparer à celui, tragique et lucide, de Caravage, mais qui traduit, comme chez ce dernier, une conception de l'art fondée sur l'imitation de la nature. D'autre part, tout en continuant à s'en différencier par une matière, chez lui souple et ondulante, Guerchin subit certainement l'influence du grand Lombard, comme le prouvent certaines mises en pages typiquement caravagesques utilisées dans des scènes à demi-figures : tels le Fils prodigue (Vienne, K. M.) ou l'Arrestation du Christ (Cambridge, Fitzwilliam Museum). Mais son séjour à Rome (1621-1623) dans le cercle choisi du pape Grégoire XV Ludovisi, d'origine bolonaise, incita le peintre à méditer sur la signification et la valeur du Classicisme. Ce courant heureux, que soutiennent alors des peintres bolonais illustres comme Dominiquin et Guido Reni, impressionna Guerchin. De retour à Cento, il s'attache à tempérer de plus en plus son impétuosité picturale par une observance stricte des règles du dessin, par l'étude de la composition selon l'esthétique classique et enfin par l'élimination progressive de la " macchia " (tache), c'est-à-dire de cette manière particulière de construire figures et objets, nuages ou paysages, par masses contrastées d'ombre et de lumière, manière caractéristique de ses œuvres de jeunesse et raison principale de sa renommée dès ses débuts. Ce renoncement à ses tendances naturelles l'amènera à assimiler dans la plupart de ses œuvres tardives les modes les plus académiques de Reni, mais il l'incite par contre dans les moments heureux à soutenir un style qui, par sa clarté et son homogénéité formelles comme par sa monumentalité classique, se rapproche de celui d'un Sassoferrato dans ce qu'il a de meilleur : il suffit de citer le Christ apparaissant à la Vierge (1630, Cento, pin.) ou le Mariage mystique de sainte Catherine (1650, Modène, Pin. Estense), ces nobles œuvres qui semblent conçues dans la France de Louis XIII ; elles appartiennent au contraire à un artiste qui passa la plus grande partie de sa vie dans la petite ville de Cento, refusa de se rendre aux invitations personnelles des souverains d'Angleterre ou de France et dont les déplacements, sauf un bref voyage à Venise et le séjour de deux ans à Rome, se limitèrent à la région émilienne. En dehors de son abondante production picturale, Guerchin a laissé un grand nombre de dessins, qui, très appréciés dès le XVIIe s., furent convoités et acquis par des collectionneurs de tous les pays d'Europe (Windsor Castle, British Museum, Albertina, Louvre, Offices ; Haarlem, musée Teyler ; Londres, coll. Mahon ; Faschenfeld, coll. Koenig-Faschenfeld). Qu'ils soient au crayon ou à la plume, ils brillent de qualités intensément picturales, et, grâce à la spontanéité de ce moyen d'expression, ils montrent jusqu'à une époque assez tardive ce goût naturaliste propre à la jeunesse de l'artiste. Une importante rétrospective a été consacrée à Guerchin (Bologne, Francfort, Washington) en 1991-1992.

Guérin (Pierre Narcisse, baron)

Peintre français (Paris 1774  – Rome 1833).

Fils d'un marchand quincaillier du Pont-au-Change, il fut admis dès onze ans à l'école de l'Académie royale de peinture et de sculpture ; élève de Taraval, de Brenet, puis de Regnault, il concourut en 1793 pour le grand prix avec le Corps de Brutus rapporté à Rome. La suppression de l'Académie et la gravité des événements suspendirent les concours jusqu'en 1797, année pendant laquelle Guérin remporta, avec la Mort de Caton d'Utique (Paris, E. N. B. A.), l'un des 3 grands prix de peinture attribués. Au Salon de 1799, le Retour de Marcus Sextus (Louvre) connut un succès tout à fait extraordinaire pour des motifs sentimentaux et politiques. Pour répondre à l'obligation des travaux à exécuter au titre de " pensionnaire de la République ", Guérin présenta Orphée au tombeau d'Eurydice (musée d'Orléans). Des manifestations enthousiastes accueillirent, en 1802, Phèdre et Hippolyte (Louvre).

   Avant de partir pour l'École française des beaux-arts à Rome, en décembre 1803, le peintre livra l'Offrande à Esculape ou la Piété filiale (musée d'Arras), prix d'encouragement obtenu en 1800 ; le public appréciera le tableau au Salon de 1804. Guérin séjourna jusqu'en novembre 1805 en Italie : pendant ce temps, deux voyages à Naples lui apportèrent l'éblouissement d'une Antiquité imprégnée de poésie virgilienne. Au Salon de 1808 furent exposés Bonaparte pardonnant aux révoltés du Caire (Versailles) et les Bergers au tombeau d'Amyntas (Louvre) ; l'opinion du public se révéla nuancée ; il en fut de même en 1810 pour Pyrrhus et Andromaque (id.) et pour l'Aurore et Céphale (id.) ; Guérin, qui avait exécuté ce dernier tableau pour le comte de Sommariva, en effectua, pour le prince Youssoupoff, une variante (Moscou, musée des Beaux-Arts-Pouchkine), à laquelle le tableau Iris et Morphée (Ermitage) servit de pendant.

   Les circonstances ne lui permirent pas d'achever la Mort du maréchal Lannes (musée de Valenciennes). Le gouvernement de la Restauration confia à Guérin des travaux qui restèrent à l'état de projets ou d'ébauches (Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, autref. au musée d'Angers) ; celui-ci mena cependant à terme des portraits de généraux vendéens, qui décorèrent la salle des gardes au château de Saint-Cloud : Henri de La Rochejaquelein (musée de Cholet), présenté en 1817, et Louis de La Rochejaquelein (id.), en 1819 ; il peignit aussi le Prince de Talmond (château de Serrant). Énée et Didon (Louvre) attira, avec Clytemnestre (id.), l'attention générale au Salon de 1817. Un peu plus tard, Guérin réalisa, comme modèle de bannière pour les Gobelins, Sainte Geneviève bergère (chapelle du château de Compiègne), puis il termina en 1822, pour la sacristie de la basilique de Saint-Denis, une commande passée en 1811, Philippe le Hardi apporte à Saint-Denis le corps de son père, Saint Louis. Il avait ouvert un atelier, que fréquentèrent Géricault, Delacroix, Alaux, Cogniet, Scheffer, Périn, Orsel. Membre de l'Institut en 1815, il devint professeur à l'École royale des beaux-arts en 1816. Chargé d'établir, en commission, un rapport sur la lithographie, il produisit quatre essais, dont le Paresseux et le Vigilant. Nommé en 1816 à la direction de l'Académie de France à Rome, il y renonça, puis en accepta la charge en 1822 ; durant les six années de sa fonction, il ne put guère peindre. En 1829, il fut fait baron par Charles X et reprit à Paris son activité de professeur aux côtés de Gérard, Gros et Ingres, tout en ébauchant sa grande toile de la Mort de Priam ou la Dernière Nuit de Troie (musée d'Angers), dont il avait médité la composition à Rome. En février 1833, après une grave maladie, il partit pour la Villa Médicis, où il mourut le 16 juillet. Son tombeau est à Saint-Louis-des-Français.

   Pierre Guérin fit une brillante carrière de peintre d'histoire ; il connut la faveur des gouvernements sans en rechercher les commandes ; il préférait les thèmes librement choisis et longuement élaborés. Son art, formé dans un atelier qui perpétuait des traditions de métier solide, refléta d'abord les préoccupations " romaines " de la période révolutionnaire ; le Retour de Marcus Sextus termina cette phase par un appel à la réconciliation. Désormais, le peintre se consacra surtout à l'expression des passions sur des sujets empruntés à la tradition classique. Admirateur de l'Antiquité, de Raphaël et de Poussin, il fut proche de l'esthéticien Quatremère de Quincy. Son style présente des formes épurées, sur un schéma géométrique de composition, une unité faite de la convergence des composantes en vue de signifier une idée, et des effets scéniques peut-être empruntés au théâtre. La discipline que s'imposait Guérin cachait une ardeur extrême, que décela Baudelaire : la Dernière Nuit de Troie clôt dans un fantastique final l'œuvre de ce dramaturge, qui occupe une place tout à fait originale dans la peinture française du début du XIXe s. Les tableaux et dessins de Guérin sont notamment conservés à Paris (Louvre et E. N. S. B. A.), Angers, Arras, Bayeux, Bayonne, Bordeaux, Boulogne-sur-Mer, Caen, Cholet, Compiègne, Coutances, Dijon, Lille, Orléans, Rouen, Thiers (hôpital), Valenciennes, Versailles, La Orotava (hôtel de ville, île de Tenerife, Canaries), Saint-Pétersbourg, Moscou, Cambridge (Mass.), Hartford et Louisville (États-Unis).