Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Ligozzi (Jacopo)

Peintre italien (Vérone 1547  –Florence 1626).

Formé auprès de son père, élève de Domenico Brusasorzi, on ne connaît de sa première activité que certaines œuvres (Trinité avec des saints, Vérone, S. Eufemia). Il est appelé à Florence par le grand-duc Francesco Ier en 1577 et demeure, jusqu'à la fin de sa vie, attaché à la cour des Médicis. Il est membre de l'Académie de Saint-Luc en 1578. Il est essentiellement connu comme miniaturiste au service du naturaliste Aldovrandi et de Francesco Ier (plantes et animaux, exécutés a tempera, Offices et musée de Cleveland, qui traduisent bien l'orientation de sa culture et ses curiosités tournées vers l'art nordique). Une suite de dessins d'allégories macabres, d'une exécution minutieuse, rehaussés d'or sur papier coloré, témoigne d'une fantaisie insolite, influencée par les " chiaroscuri " allemands, tels ceux de Burgkmair ou de Baldung Grien (Louvre ; Albertina ; New York, Pierpont Morgan Library). Ses œuvres religieuses, en revanche, sont en accord avec l'esprit " Contre-Réforme " de Baroche ou de Santi di Tito (Martyre de sainte Dorothée de Pescia, église S. Francesco ; Déposition de Volterra, 1591). Son activité de peintre officiel de la cour grand-ducale à Florence est représentée par les peintures sur ardoise du Salone del Cinquecento au Palazzo Vecchio (les Délégués de Florence auprès de Boniface VIII et le Couronnement de Cosmela, 1591-92), pour lesquelles il existe un dessin aux Offices, par les fresques du cloître d'Ognissanti (1600) et par le portrait de François Ier de Médicis (Offices). Ligozzi collabore en outre avec Buontalenti dans l'organisation d'apparati princiers. Ses œuvres plus tardives sont influencées par les recherches luministes de Caravage (Miracle de saint Rémond, Florence, S. Maria Novella ; Circoncision, église S. Anastasia de Lucques, et Visitation, en 1596, dôme de Lucques).

Limborgh (Hendrick Van)

Peintre néerlandais (La Haye 1681  – id. 1759).

Élève d'A. Van der Werff à Rotterdam en 1669, il travailla surtout à La Haye, où il fut maître de la gilde en 1706 : il peignit des sujets mythologiques (l'Âge d'or, Louvre ; Amours jouant, Rijksmuseum ; Achille reconnu par Ulysse, Rotterdam, B. V. B.) dans la manière minutieuse et académisante de son maître.

Limbourg (Pol, Herman et Jean de) , dit les frères de Limbourg

Miniaturistes franco-flamands (XIVe s. – av.  1416).

La connaissance de l'œuvre des frères de Limbourg repose tout entière sur une découverte de L. Delisle, qui proposait, dès la fin du siècle dernier, d'identifier les célèbres Très Riches Heures du musée Condé de Chantilly, acquises en 1855 par le duc d'Aumale, avec un article de l'ultime inventaire des collections de Jean de Berry dressé en 1416, où ce manuscrit, resté inachevé en raison de la mort du duc et de ses peintres et qui fut complété plus tard par Jean Colombe pour le duc Charles de Savoie, est décrit en ces termes : " Plusieurs cayers d'unes très riches heures, que faisoient Pol et ses frères, très richement historiés et enluminés. " Cette mention, recoupée avec d'autres sources documentaires, s'est révélée déterminante pour la reconstitution de la carrière et de l'activité des Limbourg.

   Originaires de la Gueldre par leurs attaches familiales, sur lesquelles de récents travaux ont jeté une lumière nouvelle, Pol, Herman et Jean de Limbourg appartenaient à une famille d'artistes : leur père, Arnold, était sculpteur, et ils avaient pour oncle Jean Malouel, peintre du duc de Bourgogne Philippe le Hardi. Dès 1399, un document révèle la présence de deux des frères, Herman et Jean, encore " jeunes enfants ", dans l'atelier d'un orfèvre parisien. En 1402, leur réputation était suffisamment établie pour que Philippe le Hardi les eût engagés à son service exclusif afin d'enluminer une " très belle et notable bible ". Rien ne s'oppose à l'identification de cette première commande, dont l'exécution dut être interrompue par la mort du duc de Bourgogne en 1404, avec une Bible moralisée, dont les 3 premiers cahiers sont de la main des Limbourg (Paris, B. N., ms. fr. 166).

   Bien qu'aucun document ne permette de l'affirmer, il paraît probable que les trois frères passèrent assez vite au service de Jean de Berry à la mort de leur premier employeur : on sait, en effet, qu'ils enluminèrent pour le duc de Berry une charte, auj. disparue, datée de 1405. Ce n'est, cependant, qu'à partir de 1409 que se multiplient les mentions témoignant de la faveur obtenue par les Limbourg, et surtout par Pol, qui paraît avoir été le plus doué des trois, auprès de leur nouveau mécène : don d'immeubles, octroi du titre envié de valet de chambre, cadeaux précieux récompensent leur activité auprès du duc. Cette faveur ne se démentira pas jusqu'en 1416, année de la mort de Jean de Berry, que les Limbourg semblent avoir précédé dans la tombe quelques mois auparavant, balayés par une épidémie de peste.

   Au mécénat de Jean de Berry se rattachent les deux œuvres majeures des Limbourg : les Belles Heures (New York, Cloisters) et les Très Riches Heures (Chantilly, musée Condé), auxquelles il convient d'ajouter diverses enluminures insérées dans deux autres livres d'heures exécutés antérieurement pour le duc : ainsi la peinture figurant le duc partant en voyage des Petites Heures (Paris, B. N., ms. lat. 18014) et celles qui illustrent les prières aux anges et à la Trinité dans les Très Belles Heures de Notre-Dame (Paris, B. N., ms. nouv. acq. lat. 3093). À l'exception des Très Riches Heures, sûrement datées entre 1413 et 1416, la chronologie de ces œuvres reste mal assurée. Elle paraît même devoir être révisée en ce qui concerne les Belles Heures, datées généralement de 1410-1413, mais dont le style, décidément plus proche de celui de la Bible historiée de la B. N. que de celui des Heures de Chantilly, implique une datation plus précoce. La place que ces Belles Heures occupent dans l'inventaire de 1413 prouve d'ailleurs qu'elles étaient achevées dès 1409 et avant les Grandes Heures de Jacquemart de Hesdin. Il est probable que les feuillets ajoutés aux Très Belles Heures ainsi que le Livre d'heures de la coll. Seilern (Londres) ont vu le jour à la même époque, tandis que la peinture des Petites Heures semble se placer à la fin de la carrière des frères Limbourg.

   Dès les premières œuvres, le style des Limbourg apparaît comme profondément original : rien ne saurait vraiment leur être comparé dans la production des ateliers d'enlumineurs parisiens de l'époque. Peut-être leur condition de peintres (il n'est pas exclu, en effet, que Jean de Berry les ait employés occasionnellement à des travaux de peinture monumentale) explique-t-elle ce relatif isolement : c'est en tout cas avec les très rares peintures de chevalet conservées de cette époque, notamment avec les tableaux attribués à leur oncle Jean Malouel (Grande Pietà ronde, Louvre) et à Henri Bellechose, que leur art présente le plus d'affinités. Cet art a pour composantes une acuité d'observation héritée de leur ascendance septentrionale et un sens de la composition monumentale certainement acquis au contact d'œuvres italiennes qu'ils ont pu étudier dans les collections de Philippe le Hardi et de Jean de Berry, sans avoir à se déplacer en Italie : la diversité des sources de leurs italianismes, Sienne, Florence, mais aussi l'Italie du Nord, semble le confirmer. Ce qui reste unique dans l'œuvre des Limbourg, outre la qualité presque féerique du coloris, est leur science de plus en plus approfondie de la représentation de la nature dans ses aspects changeants et divers, et qui fait de leur ultime chef-d'œuvre, les Très Riches Heures, un monument capital de la peinture européenne, échappant aux définitions du style gothique international, dont il constitue cependant l'une des expressions les plus raffinées.