Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Sirani (Elisabetta)

Peintre italien (Bologne 1638  – id. 1665).

Fille du peintre Giovanni Andrea Sirani, élève de Guido Reni, elle est entourée de toute une légende populaire, en tant qu'incarnation de l'idéal féminin de Reni et en tant qu'enfant prodige mystérieusement enlevée par la mort à vingt-six ans ; elle est considérée comme l'initiatrice d'une sorte de " mouvement féministe " qui se développa à Bologne au XVIIe s. par son activité même et par son rôle de directrice d'une école de peinture strictement féminine. Sa production, abondante (plus de 170 œuvres), énumérée dans ses Note delle pitture, comprend surtout des tableaux religieux et des portraits, répondant à une demande locale enthousiaste, et témoigne d'une adhésion totale au style tardif piétiste de Guido Reni, avec parfois, cependant, une note personnelle (Baptême du Christ, 1658, chartreuse de Bologne) et une ébauche d'évolution dans sa dernière œuvre, la Madone et l'Enfant (1665, Bologne, coll. part.), sous l'influence des modes romaines apportées à Bologne par Cignani.

Sironi (Mario)

Peintre italien (Sassari 1885  – Milan 1961).

Il se forme à Milan au contact du groupe futuriste, en particulier de Balla et de Boccioni. Il adhère au mouvement en 1913 et dès lors participe à toutes ses manifestations, y compris en s'engageant comme volontaire avec Marinetti entre autres pendant la guerre. Ses premiers dessins (1912-1915), auxquels Boccioni consacre un de ses essais, et ses peintures sont tout à fait caractéristiques du style futuriste. Sironi y reprend le thème des " mythes modernes " : la machine, la vitesse, la mécanisation de l'objet, traite les figures humaines en robot et insère dans ses compositions des éléments mécaniques complexes sur des fonds architecturaux ; les œuvres de Sironi les plus connues de cette période sont le Camion (1915, Milan, Brera), le Cycliste (1916), la Danseuse (1917, Milan, Brera), dans lesquelles interviennent des collages. Après la guerre, il évolue vers un primitivisme qui sera marqué par la peinture métaphysique tout en continuant à porter l'accent sur l'affirmation des volumes géométriques. Il s'oriente alors vers la représentation de paysages urbains montrant des architectures arides et désertées, qui constituent le meilleur de son œuvre et dont il exécute la majeure partie entre 1920 et 1924. En 1920, il signe le manifeste " Contro tutti i ritorni in pittura " avec Dudreville, Funi et Russolo. En 1923, il se lie au mouvement Novecento, avec lequel il partage les mêmes idéaux néo-classiques, qu'il interprète à travers une poétique toute personnelle et fortement teintée de misérabilisme. Considéré comme le précurseur de l'art néo-réaliste de l'après-guerre, il traduit dans ses œuvres la solitude et le silence en représentant notamment des paysages de banlieue industrielle où se dressent des ensembles d'habitations populaires, des gazomètres et des grues, tout en réalisant des compositions plus historiques, telles que la Famille (1930, Rome, G. A. M.), d'une ampleur toute monumentale. À partir de 1933, ses compositions deviennent plus emblématiques et archaïsantes, sensibles à la métaphysique archéologique suscitée par le mouvement Novecento.

   Sironi exécute également de nombreuses œuvres monumentales, la plupart en collaboration avec l'architecte Gio Ponti (vitraux sur le thème du travail, 1931 ; décoration murale à la Triennale de Milan, 1933, et au grand amphithéâtre de la Città degli Studi de Milan, 1935 ; grand décor pour l'université de Rome, 1935 ; mosaïques pour le palais de la Presse à Milan). Les motifs archéologiques fantastiques et visionnaires (reports en trompe-l'œil sur la toile de fragments de bas-reliefs imaginaires) dominent dans ses tableaux, dont la facture apparaît influencée par ses œuvres monumentales, et composent un univers énigmatique et inquiet. Sironi connut une grande activité de décorateur de théâtre, travaillant pour d'importantes manifestations artistiques ou publiques (Triennale de Milan, 1933 ; pavillon Fiat à la foire de Milan, 1936 ; pavillon de l'" Italie d'outre-mer " à l'Exposition universelle de Paris, 1937). La plupart de ses œuvres sont conservées dans des collections privées, en particulier à Milan et à Rome. Une exposition a été consacrée à Sironi (Philippe Daverio Galleria, Milan) en 1989.

Sisley (Alfred)

Peintre britannique ayant travaillé en France (Paris 1839  – Moret-sur-Loing 1899).

Bien qu'il fût né à Paris et qu'il eût passé presque toute sa vie en France, Sisley était citoyen britannique de naissance. Son père, qui dirigeait à Paris une affaire d'exportation, l'envoya à Londres faire son apprentissage commercial de 1857 à 1861. Là, Sisley vit surtout, dans les musées, les œuvres de Constable, de Bonington et de Turner. De retour à Paris en 1862, il entra, pour étudier la peinture, dans l'atelier de Gleyre, chez qui il se lia avec Bazille, Monet et Renoir. Jusqu'en 1870, il vécut dans l'aisance grâce à son père. Après la fermeture de l'atelier Gleyre en 1864, il passa l'hiver à Paris, hébergeant des amis pauvres comme Renoir, et l'été à la campagne pour peindre des paysages influencés par Corot. Il rejoignit Monet à Chailly, peignit avec Renoir sur la Seine, puis à Marlotte, près de Fontainebleau. Ses premiers paysages, comme la Rue de village à Marlotte (1866, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.) ou la Vue de Montmartre prise de la cité des fleurs (1869, musée de Grenoble), sont encore assez sombres, mais on y constate son souci de construction, son goût pour les ciels immenses et les espaces profonds.

   Dans ses natures mortes, comme le Héron aux ailes déployées (1867, musée de Montpellier), on remarque en outre de subtiles harmonies de ton. Sisley fréquentait assez peu le café Guerbois, où ses amis se réunissaient autour de Manet, car il était timide et solitaire. Pourtant, dès 1870, il éclaircit sa palette et posa des touches juxtaposées : ses Péniches sur le canal Saint-Martin (1870, Winterthur, coll. Oskar Reinhart), par exemple, montrent une façon d'observer les reflets dans l'eau et de les peindre en touches rapides, proche de celle que Renoir et Monet venaient d'inaugurer à la Grenouillère.

1870-1880 : l'Impressionnisme

Ruiné par la guerre de 1870, Sisley connut dès lors une existence précaire, puis se retira dans les environs de Paris, d'abord à Louveciennes, peignant des paysages creusés par la perspective d'une route, comme Chemin de Sèvres, Louveciennes, (1873, Paris, musée d'Orsay), observant le changement des saisons dans un même site, comme dans Louveciennes en automne (1873, Tōkyō, coll. part.) et Louveciennes en hiver (1874, Washington, Phillips Coll.), et participa à la première Exposition impressionniste avec 5 paysages. Il obtint pourtant l'aide du marchand Durand-Ruel, de Duret, du chanteur Faure, qui l'emmena à Londres pendant l'été de 1874. Il peignit des régates (les Régates de Molesey, Paris, musée d'Orsay), dont le mouvement et l'animation sont rares dans sa peinture, et de nombreuses vues de la campagne anglaise, comme le Pont de Hampton Court (Cologne, W. R. M.). De Louveciennes, il alla à Marly, où il peignit de nombreuses vues de l'abreuvoir situé en face de sa maison et devint le chroniqueur du village, comme dans la Forge à Marly (1875, Paris, musée d'Orsay), vue d'intérieur assez rare dans son œuvre, ou l'Inondation à Port-Marly (1876, id. et Rouen, musée des Beaux-Arts), présentée à la deuxième Exposition impressionniste où figurent des œuvres de 18 participants, avec 7 autres tableaux. En 1877, il participa également à la troisième Exposition impressionniste, où il montra 17 toiles, mais il ne connut guère de succès et s'abstint pendant quelques années.

   Installé à Sèvres en 1877, puis à Louveciennes, il continua à brosser de nombreux tableaux en plein air où prédomine le ciel. Toujours bien équilibrées, ces œuvres sensibles sont encore d'une facture légère et aérée (la Neige à Louveciennes, 1878, Paris, musée d'Orsay).

1880-1899 : Moret-sur-Loing

Après 1880, l'artiste alla vivre près de Moret-sur-Loing, puis à Moret même, de plus en plus isolé. Sous l'influence de Monet, sa technique se modifia, sa touche s'élargit et ses œuvres s'empâtèrent. À son exemple, mais dans un esprit différent, il exécute de nombreuses séries des paysages environnants, tout d'abord à Saint-Mammès : la Croix blanche à Saint-Mammès (1884, Boston, M. F. A.), Saint-Mammès et les coteaux de la Celle, matin de juin (1884, Tōkyō, coll. Ishibashi), Saint-Mammès (1885, Paris, musée d'Orsay). Ce sont ensuite essentiellement des vues de Moret : le Pont de Moret — Effet d'orage (1887, musée du Havre), les Meules de paille à Moret — Effet du matin (1891, Melbourne, N. G.), le Canal du Loing (1892, Paris, musée d'Orsay), l'Église de Moret (1893, musée de Rouen), l'Église de Moret après la pluie (1894, Detroit, Inst. of Arts).

   Une exposition particulière chez Durand-Ruel en 1883, puis une autre chez Georges Petit en 1897 ne rencontrèrent aucun succès, et l'artiste continua à vivre d'une manière misérable. Atteint d'un cancer, il cessa toute activité à partir de 1897, et ce n'est qu'après sa mort, deux ans plus tard, que sa renommée commença à grandir.

   Sisley est une des figures principales du mouvement impressionniste. Fervent adepte de la peinture de plein air et des tons clairs, il aima, à l'instar de Corot et de Pissarro, les paysages d'Île-de-France ; mais il se distingue d'eux par un souci de composition et d'équilibre presque monumentaux, contrastant avec la familiarité discrète des sites élus. Une exposition a été consacrée à l'artiste (Londres, Paris, Baltimore) en 1992-93.