Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Mafai (Mario)

Peintre italien (Rome 1920  – id. 1965).

Il fut avec Scipione l'un des fondateurs de l'école romaine. Après un séjour parisien qui lui fait découvrir la peinture de Modigliani, Chagall, Soutine, Pascin et Kisling, il va être ensuite influencé par la " peinture métaphysique " dont il va donner une interprétation personnelle : ses compositions intimistes, ses natures mortes et paysages rappellent Morandi, qu'il a découvert en 1930, et révèlent parfois son sens de l'histoire et de la réalité, l'expression de la vérité quotidienne demeurant une constante de son œuvre (Modèle dans l'atelier, 1938). De 1930 à 1940, ses peintures sont marquées par une véhémence tout expressionniste et mettent en évidence une inspiration fantastique soutenue par un coloris intense.

   Adoptant alors le Réalisme (1948-1953), Mafai s'oriente vers de nouveaux thèmes : " vues romaines " des bourgades populaires, places et marchés (Démolition du bourg, Rome, G. A. M.).

   Mais sa peinture reste empreinte d'accents intimistes et lyriques. Mafai se tourne ensuite vers une abstraction où les possibilités psychologiques et lyriques de la couleur constituent les éléments dominants. Ses œuvres peuvent être vues à la G. A. M. de Rome.

Maffei (Francesco)

Peintre italien (Vicence v.  1605 Padoue 1660).

Sa première œuvre datée, Saint Nicolas et l'ange (1626, Vicence, église S. Nicola), témoigne de sa formation initiale, survenue dans le climat de Maniérisme tardif de sa ville natale. Sa sensibilité le conduit ensuite à reproposer, dans la nouvelle compréhension du XVIIe s., les visions de Jacopo Bassano et de Tintoret ainsi que celle de Véronèse, dont le coloris, d'une clarté lumineuse, le frappe. Mais le changement et la révélation d'une nouvelle manière ne survinrent que grâce au contact direct à Venise avec les peintres du courant " rénové ", Fetti, Liss et Strozzi, que Maffei connut au cours d'un bref séjour (vers 1638). Ayant totalement adhéré au style baroque, Maffei produisit quelques œuvres de circonstance, comme les cinq grandes Allégories célébrant les podestats de la ville et l'Inquisiteur Alvise Foscarini, exécutés à Vicence entre 1644 et 1656 (musée de Vicence). À l'opposé des œuvres classicisantes de Carpioni, ces Allégories (et celles de la Rotonde de Rovigo) sont composées dans une couleur lumineuse et délicate qui auréole les figures vibrant dans une atmosphère mouvante, avec une tendance au " bizarre " et au grotesque, qui se révèle en particulier dans l'expression forcée des visages des autorités citadines. Une grandiose fougue baroque anime les toiles (Visitation, Repos pendant la fuite en Égypte, Assomption) de l'oratoire des Zitelle de Vicence (auj. au musée de la ville), celles de l'oratoire de S. Nicola à Vicence (1655-1657) ou les plafonds, datables de 1657, de la Ca'Rezzonico à Venise, où les figurations mythologiques se chargent des plus grandes hardiesses expressives dans une couleur qui s'embrase de lueurs imprévues. Après des séjours à Vicence, à Brescia (Miracle de saint Antoine, Brescia, S. Francesco) et à Rovigo, de 1657 à sa mort, Maffei est à Padoue, où il travaille aux plafonds de l'église de S. Tommaso ; ici, sa vision prend une signification plus monumentale et, en même temps, plus dramatique dans le choix des teintes sombres à forts contrastes, comme dans la Crucifixion, où les figures se dissolvent en plans très doux sur un fond tragiquement noir. Au contraire, Maffei se souvient de Véronèse dans la robe rose de la femme située au premier plan du Moïse faisant jaillir les eaux (Padoue, S. Giustina).

Magini (Carlo)

Peintre italien (Fano 1720  – id.  1806).

On a pu faire seulement récemment la lumière sur la personnalité de cet artiste, qui s'est particulièrement distingué dans la nature morte de tables servies. Dans sa simplicité et sa sécheresse, il y rejoint la tradition naturaliste du XVIIe s. L'œuvre la plus ancienne qu'on lui connaisse est le Portrait de Pier Luigi Lanzi (1742, autrefois Paris, coll. part.). À l'exception de 2 Natures mortes, à la pin. de Forlì, ses œuvres sont conservées dans des coll. part., pour la plupart en Italie.

Magnasco (Alessandro) , dit il Lissandrino

Peintre italien (Gênes 1667  – id.  1749).

Il apprit de son père, Stefano Magnasco, élève un peu terne de Valerio Castello, les rudiments de la peinture. À la mort de ce dernier, il fut confié à un marchand génois qui, v. 1682, l'emmena à Milan, où il fut élève de Filippo Abbiati, qui lui transmit les procédés techniques de la peinture vénitienne, fondamentaux pour la formation de son style, et lui enseigna l'art du portrait, qu'il pratiqua avec succès, mais dont il ne reste aucun témoignage. Il abandonna très vite ce genre pour peindre des scènes animées de petites figures nerveusement traitées, qui firent sa renommée. Sa première œuvre connue est un Paysage de ruines (1697, Milan, coll. part.). Magnasco interrompit son séjour à Milan de 1703 à 1711 pour voyager, notamment à Florence, où il fit un séjour prolongé au service du grand-duc de Toscane, Gian-Gaston, qui lui commanda des Paysages anecdotiques (Florence, Pitti). En 1711, il est de retour à Milan, où il exécute une décoration pour l'entrée de l'empereur Charles VI avec une rapidité et un brio que signale Ratti, un biographe contemporain. Il y restera jusqu'en 1735, travaillant pour les grands seigneurs de cette ville, les Aresi, les Carnedi et le comte Colloredo, gouverneur de Milan, pour lequel il peignit, entre 1720 et 1725, 9 tableaux (la Leçon de catéchisme à l'intérieur du Dôme ; Moines dans un réfectoire ; la Synagogue, à l'abbaye de Seitenstetten, en Autriche). Mais c'est à la fin de sa vie, après son retour à Gênes en 1735, jusqu'à sa mort, qu'il créa ses œuvres les plus attachantes, tel le Divertissement dans un jardin d'Albaro (Gênes, Gal. di Palazzo Bianco), qui rappelle curieusement Watteau. Exceptionnellement, il peint alors de grandes figures dans des tableaux religieux : le Repas d'Emmaüs (Gênes, S. Francesco in Albaro). Mais il n'eut pas, à Gênes, le même succès qu'à Milan : on jugea son art " ridicule ", et Magnasco fut employé par le paysagiste C. A. Tavella, qui lui fit exécuter bergers et ermites dans nombre de ses compositions.

   L'artiste n'eut pas d'élèves, mais quelques imitateurs, tels que " Ciccio Napoletano " ou ce " Coppa Milanese " cité par Ratti. Il s'adjoignit, d'autre part, des collaborateurs pour les parties architecturales et pour les paysages (Tavella et peut-être Marco Ricci, neveu de Sebastiano).

   S'il traita tous les sujets, ce fut toujours pour créer, avec la même fantaisie, la même humeur étrange, un monde fantomatique peuplé de moines, de vagabonds... en proie à une agitation fiévreuse, irrationnelle, comme mus par une force supérieure.

   Magnasco se situe dans la lignée de Callot et de Salvator Rosa, chez qui la réalité se mue en fantastique. C'est à la peinture génoise de Valerio Castello (qu'il rappelle dans son Saint Ambroise et Théodore de l'Art Inst. de Chicago) et de Castiglione qu'il a emprunté sa touche si particulière, ses accents lumineux, et à la peinture lombarde de Cerano et de Morazzone son inquiétude encore maniériste. Il acquit un style libre et personnel grâce surtout à la peinture vénitienne, qu'il connut par son maître, F. Abbiati, et par son ami Sebastiano Ricci, lors du séjour de ce dernier à Milan.

   Magnasco suivit une évolution continue, bannissant et éliminant peu à peu la couleur, baignant de plus en plus ses scènes dans le clair-obscur à la manière d'un Titien ou d'un Tintoret. Toute une partie de son œuvre est consacrée aux scènes de moines (le Réfectoire, musée de Bassano), de brigands (musée de Bordeaux), de bohémiens, ce qui l'a fait surnommer par Lanzi le " Michel-Ange des batailles de l'école génoise " (Banquet de noces des bohémiens, Louvre, et son pendant, Cortège nuptial des bohémiens, Berlin). Ces scènes prennent très souvent place dans des paysages marins ou forestiers (Paysage aux lavandières, Naples, Capodimonte), dans lesquels il exalte la beauté sylvestre en une vision qui annonce le XIXe s.

   Magnasco libère enfin le paysage italien de la convention où le tenaient les Romanistes. La nature déchaînée qu'il peint a parfois l'aspect de la mer, qu'il a aimée plus qu'aucun autre Italien, donnant à la marine, naguère décorative (" tempesta "), ses lettres de noblesse. Magnasco introduit la vie dans la peinture de ruines, montrant la voie à Pannini. Souvent, il invente des thèmes décrivant les mœurs du temps (Concerts dans l'atelier du peintre ; Leçons de musique) ; il annonce tantôt la verve de Hogarth, tantôt l'horreur de Goya, comme dans ses scènes de maisons de fous ou ses évocations macabres (les Voleurs chassés par les squelettes, Campo-Morto, église S. Maria Assunta). Mais ce sont surtout les thèmes religieux qui l'attirent et qui font penser au Bolonais Crespi (Saint Charles Borromée recevant les oblates, Milan, musée Poldi-Pezzoli ; Extase de saint François, Gênes, Gal. di Palazzo Bianco ; Adoration des mages, musée de Dunkerque). Les dessins présentent la même fougue, le même " expressionnisme " sombre.

   En fait, Magnasco échappe à toute classification : tantôt religieux, tantôt blasphématoire, simple décorateur ou grand sensitif, il est surtout un anticlassique, un isolé ; son grand prédécesseur est Tintoret, et il ne trouvera de successeurs qu'à Venise avec Antonio et Francesco Guardi et Giandomenico Tiepolo, qui tous imitèrent sa touche. Peintre renommé de son vivant, mais oublié dès le XVIIIe s., il n'a été remis en lumière qu'à l'aube du XXe s. Une importante rétrospective a été consacrée à Magnasco (Milan, Palazzo Reale) en 1996.