Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

byzantine (peinture) [330-1453] (suite)

Les enluminures des XIe et XIIe siècles

Vers la fin du Xe s. et au début du XIe, les miniaturistes ont adapté à l'esthétique byzantine la manière antique qu'ils avaient assimilée. Un Ménologe (calendrier liturgique) et un Psautier, exécutés tous deux pour Basile II (976-1025), nous offrent d'excellents exemples de cette transformation. Dans le Ménologe (Vatican, gr. 1613), recueil hagiographique illustré par une équipe de 8 peintres dont chacun a signé de son nom, les édifices et le paysage sont comme un rideau de fond et ne créent plus un espace réel ; les formes s'amenuisent, le mouvement est atténué. La différence avec les peintres du Xe s. est plus sensible encore lorsqu'on compare les scènes de la vie de David du Psautier de Basile II (Venise, B. N., gr. 17) avec celles du Psautier de Paris. Les allégories ont disparu, les personnages, disposés sur le même plan, n'ont plus la même ampleur. Ces peintures, comme celles d'autres commandes impériales, sont néanmoins d'une très grande qualité technique. Un recueil des sermons de Jean Chrysostome (Paris, B. N., Coislin 79), illustré pour Nicéphore III Botaniate (1078-1081), est orné de plusieurs portraits de l'empereur et de l'impératrice. Dans la miniature où l'empereur est debout entre Jean Chrysostome et l'archange Gabriel, l'expression d'idéal ascétique de la figure du saint contraste avec la persistance du canon classique de l'archange.

   Une autre miniature de ce manuscrit représente l'empereur entouré des grands officiers de la Cour, debout dans l'attitude hiératique que commandait le cérémonial. Ici, la préférence est accordée à l'effet décoratif, aux riches vêtements, mais les anges vus à mi-corps derrière le trône gardent encore une certaine souplesse d'attitude et, malgré une tendance au linéarisme, un certain sens du volume.

   Le linéarisme et l'abstraction sont plus marqués dans d'autres œuvres du XIe s. Dans un Psautier copié au monastère de Studios à Constantinople en 1066 (British Museum, 19.352) et un Évangile exécuté probablement dans le même atelier (Paris, B. N., gr. 74), les figures grêles n'ont plus ni poids ni volume, mais les silhouettes sont élégantes et dessinées avec une grande sûreté de trait. Le modelé est réservé aux visages ; on perçoit mieux encore dans les agrandissements photographiques la réelle habileté du peintre à varier les expressions. La résille de fins traits d'or qui recouvre les vêtements imite l'art des émailleurs et accentue le chatoiement des couleurs. Le récit évangélique est illustré dans ses moindres détails, en bandes intercalées dans le texte. Cette même disposition, en un cycle narratif tout aussi étendu, se retrouve dans un évangéliaire du début du XIIe s. (Florence, bibl. Laurentienne, Plut. VI-23). Non seulement l'iconographie des scènes n'est plus la même, mais le style aussi est différent : les personnages ont une apparence plus solide, les draperies sont modelées, les attitudes plus variées. Dans l'ensemble, la miniature de l'époque des Comnènes marque un retour aux modèles classiques, sans toutefois les imiter à la manière du Xe s. L'ornement commence aussi à occuper une plus grande place et ajoute à l'attrait de ces œuvres, d'une exécution technique parfaite et d'une grande élégance. Un des meilleurs représentants de ce groupe est un évangéliaire de la bibl. de Parme (Palat. 5).

   La majeure partie des manuscrits qui nous sont parvenus datent des XIe-XIIe s. Les Octateuques (8 premiers livres de l'Ancien Testament) ont reçu une illustration narrative aussi détaillée que les Évangiles de Paris et de Florence, et, comme dans ces derniers, les miniatures sont intercalées, en bandes, dans le texte. Les Psautiers continuent à être illustrés, les uns avec des miniatures marginales, les autres avec des miniatures de pleine page. Parmi les écrits des Pères de l'Église, la préférence a été donnée aux Homélies de Grégoire de Nazianze. On a également illustré la Cosmographie de Cosmas Indicopleustes, auteur du VIe s., et un ouvrage mystique, l'Échelle sainte de Jean Climaque, autre écrivain du VIe siècle. C'est à l'époque des Comnènes qu'on créa une suite de miniatures pour les Sermons sur la Vierge, attribués au moine Jacques du monastère de Kokkinobaplos et qui représentent les épisodes légendaires de la vie de Marie.

La décadence (XIVe-XVe s.)

L'art de la miniature ne semble pas avoir joui de la même faveur qu'aux siècles précédents. L'intérêt des humanistes pour les auteurs anciens se manifeste par les exemplaires des œuvres médicales d'Hippocrate, des Idylles et petits poèmes de Théocrite et de Dosiades, dont les miniatures sont inspirées par des modèles antiques : on possède aussi de cette époque un Évangile bilingue, en grec et en latin, illustré de nombreuses miniatures (Paris, B. N., gr. 54).

L'expansion de l'art byzantin

Au cours de l'existence millénaire de l'Empire byzantin, son art rayonna dans les pays conquis ou limitrophes et s'étendit bien au-delà de ces limites. En Italie du Nord (Ravenne, Castelseprio), à Rome, plus tard en Italie méridionale et en Sicile, cette influence fut très grande. Des artistes venus de Constantinople y introduisirent le répertoire iconographique et les procédés artistiques en vigueur dans l'Empire ; ils formèrent d'autres artistes, qui continuèrent à travailler dans la même tradition, en l'interprétant parfois selon leur génie propre. Depuis qu'on commence à connaître l'art de la période des Paléologues, surtout les œuvres du XIIIe s., on comprend mieux ce que fut la " manière grecque " et le rôle que cet art a joué dans les débuts de la Renaissance italienne. Les produits des industries de luxe de Byzance étaient très recherchés, et c'est par l'intermédiaire de ces objets que l'influence byzantine se propagea en Europe occidentale. Pour décorer sa grande basilique, Didier, abbé du Mont-Cassin, avait non seulement fait venir des mosaïstes de Constantinople, mais aussi commandé, en 1066, des portes de bronze décorées de figures damasquinées et niellées, comme l'avait fait avant lui un riche marchand d'Amalfi : ces portes servirent de modèles aux sculpteurs italiens. Dans les principautés latines du Levant fondées par les croisés, l'influence byzantine apparaît dans les manuscrits illustrés à Jérusalem ou à Saint-Jean-d'Acre.

   En Orient chrétien, le christianisme fut le principal véhicule de transmission. Les Slaves convertis, Bulgares, Serbes de Yougoslavie et Russes, se mirent à l'école de Byzance, et leur art dérive directement de celui de l'Empire byzantin. Il en fut de même en Géorgie, pays orthodoxe, et dans une moindre mesure en Arménie, dont l'Église était indépendante. À partir du XIVe s., l'influence byzantine pénétra aussi en Roumanie.

   Il est certain que Byzance ne fut pas toujours insensible aux formes d'art étrangères. Dans le domaine des arts décoratifs, les motifs créés par les Perses sassanides, qui se perpétuèrent dans l'art musulman, furent souvent imités, et les apports orientaux tiennent une grande place dans l'ornementation byzantine. Après le XIIe s., on peut relever certains effets des rapports plus étroits avec les Latins, surtout dans la sculpture, mais, d'une manière générale, Byzance a été la grande initiatrice et elle a plus donné qu'elle n'a reçu.