Radziwill (Franz)
Peintre allemand (Strohhausen an der Weser 1895 – Varel-Dangast 1983).
Individualiste et en partie autodidacte — il avait, en effet, appris le métier de maçon et suivi des cours d'architecture à Brême —, il fut d'abord séduit par les peintres de Die Brücke et par Chagall, dont l'irrationalité lui plaisait (les Lampes, 1920). Au début des années 20, il séjourne souvent à Berlin : élu membre de la Libre Sécession, il fréquente les cercles expressionnistes, se lie avec Dix et se joint au Novembergruppe avant de se retirer à Dangast, dans le golfe du Jade. Il s'applique dès lors à rendre la réalité en peignant des natures mortes et étudie, au cours de voyages aux Pays-Bas, la technique des maîtres néerlandais anciens (surtout Rembrandt, Vermeer et Van Goyen). À Dresde, où il travaille en 1927-28 dans l'atelier de son ami Dix, il découvre les peintres romantiques Carus et Friedrich. En 1933, il est nommé professeur à l'école des Beaux-Arts de Düsseldorf et participe à l'exposition des " Nouveaux Romantiques allemands " à la Kestnergesellschaft de Hanovre. Destitué en 1935 de ses fonctions d'enseignant par les nazis, il part pour l'Amérique du Sud et l'Afrique. En 1937, certaines de ses œuvres sont visibles à l'exposition de l'Art dégénéré.
C'est en 1925 que Radziwill trouve son style définitif, qui se rattache au Réalisme magique. Par le ciel et les murs qui se fendent, l'irréel pénètre dans la réalité tranchée des villages, des canaux, des rivages et des intérieurs (le Mur bleu, 1928). D'étranges corps célestes, sphères organiques ou disques purement décoratifs, planent au-dessus d'un monde immobile, conférant aux objets hétérogènes et sans contexte un caractère insolite (la Grève, 1931, Münster, Westfälisches Landesmuseum). Les avions en forme d'insecte, les tombeaux, les cercueils et les bateaux sont autant de motifs récurrents, visant à rendre une réalité frôlée par la catastrophe (la Chute mortelle de Karl Buchstätter, 1929, Essen, Museum Folkwang). Le monde magique de Radziwill rayonne par son coloris intense. D'une touche lisse, semblable à celle des maîtres anciens, il définit l'objet par la couleur, qui crée aussi l'impression.
Ses œuvres sont conservées dans divers musées d'Allemagne, notamment à Hambourg, Cologne, Essen. Des expositions rétrospectives ont été organisées à Cologne (1968) et à Brême (1970).
Raeburn (sir Henry)
Peintre écossais (Stockbridge, près d'Édimbourg, 1756 – Édimbourg 1823).
Son père était artisan lainier et lui-même fut d'abord forgeron. Son premier contact avec le monde des artistes date de l'époque où il put copier les œuvres du portraitiste David Martin, ancien élève de Ramsay. On compte, parmi ses premiers maîtres, David Deuchar, spécialiste de l'eau-forte et de la miniature, qui lui donnait une leçon d'une heure chaque soir après son travail. Il est probable que Raeburn s'initia à la technique de Romney et de Reynolds par le truchement des graveurs à la manière noire, qui diffusaient alors largement leurs œuvres.
Il partit pour Rome en 1784, où il rencontra Gavin Hamilton, et il revint à Édimbourg en 1787, où il s'établit comme portraitiste et connut immédiatement le succès. Il reçut la charge de miniaturiste de Sa Majesté en Écosse. Il se lia très tardivement avec le milieu artistique londonien, exposa pour la première fois à la Royal Academy en 1792 le Garçon au lapin, son morceau de réception (Londres, Royal Academy). Il ne sera élu R. A. qu'en 1815. Les contacts épisodiques et tardifs avec les ateliers londoniens, malgré le bon accueil qui lui fut réservé en 1810, s'expliquent par sa place enviable dans la société d'Édimbourg, opposée pour le monde des lettres de l'époque à la prédominance de Londres. Anobli en 1822 par le roi George IV lors de la visite de celui-ci à Édimbourg, Raeburn fut nommé l'année suivante, peu avant sa mort, King's Limmer d'Écosse, consécration exceptionnelle d'un des portraitistes les plus prolifiques de son époque avec les 1 000 portraits qu'on lui attribue. Le style de Raeburn, dont les peintures sont rarement datées, a peu évolué au cours de sa carrière. L'artiste s'était créé un langage pictural à la touche très libre, supprimant des détails et usant de contrastes audacieux d'ombre et de lumière, susceptible de donner cet étonnant chef-d'œuvre qu'est le portrait de Sir John et lady Clerk, propriétaires de Penicuik House (1792, Dublin, National Gallery of Ireland).
Très souvent, ses œuvres répètent les poses stéréotypées des portraits londoniens, attirant toutefois l'attention par une certaine simplicité : Mrs. Barbara Murchinson (1793, musée de Budapest). La rutilance des plaids écossais et les paysages des Highlands leur donnent une note d'exotisme et de pittoresque : portrait de MacNab (v. 1795, autref. coll. Mrs. Baillie Hamilton) ou du Colonel Alastair Macdonell of Glengarry (1812, Édimbourg, N. G.). Habile à portraiturer les enfants, Raeburn a peint très curieusement, dans un grand effet de contraste lumineux, le portrait de son Fils monté sur un poney (id.).
La majeure partie de la production de cet artiste, surnommé à juste titre le Lawrence écossais, protégée par l'isolement de la province, se trouve encore conservée dans les collections privées ou publiques d'Écosse. La N. G. d'Édimbourg conserve plus de 40 portraits de sa main, dont le très curieux Reverend Robert Walker patinant sur le Duddington Loch (1784). L'Art Gal. de Glasgow en possède une dizaine. Raeburn est moins bien représenté à Londres — au Courtauld Inst. et à la Tate Gal. : Bryce MacNurdo —, et une partie importante de son œuvre se trouve aujourd'hui dispersée dans les collections américaines. En France, le Louvre conserve un portrait d'officier, celui du Major Lee Harvey et celui de Miss Nancy Graham.
Raffaelli (Jean-François)
Peintre français (Paris 1850 – id. 1924).
Élève de Gérôme, il exposa pour la première fois au Salon de 1870. Après quelques recherches d'un statisme dépouillé, peut-être marqué par Legros (la Famille de Jean-le-Boiteux, paysans de Plougasnou, 1876, Le Quesnoy, hôtel de ville), Raffaelli peint des ouvriers ou des pauvres de la banlieue parisienne (le Chiffonnier, 1879, Reims, musée Saint-Denis) dans des œuvres naturalistes qu'il définit lui-même comme " portraits types de gens du peuple ". Il ne généralise jamais mais caractérise volontairement l'être humain (les Déclassés ou les Buveurs d'absinthe, 1881). Son regard se nuance de tendresse lorsqu'il observe les trottins et les petites ouvrières, les rémouleurs et les maraîchers. Sa facture, souple, fut très influencée par la technique des impressionnistes : il rencontrait ces derniers au café Guerbois et, poussé par Degas, participa très largement à leurs expositions en 1880 (40 œuvres) et 1881 (33 œuvres), ce qui accentua les dissensions au sein du groupe. Il exposa aussi à Bruxelles, aux manifestations des Vingt (les Forgerons buvant, 1884, Douai, musée de la Chartreuse). Certaines de ses toiles atteignent, par leur jeu de blanc et de gris, à des effets vigoureux d'un misérabilisme émouvant (les Vieux Convalescents, 1892, Paris, musée d'Orsay), d'autres trahissent une verve presque satirique (les Invités attendant la noce, av. 1888, id.). Il fut aussi le paysagiste des faubourgs, évoquant avec simplicité une rue enneigée, un jardinet ou un mur d'usine, un réverbère sous la pluie. Dans ses portraits (Portrait de Clemenceau ou le Meeting public, 1885, Versailles, musée du Château) comme dans ses intérieurs de café (les Bohèmes au café, 1885, Bordeaux, musée des Beaux-Arts), il emprunte souvent à Degas ses recherches de mise en page et sa technique du pastel ; cependant, sans doute influencé par les toiles claires et légères de Berthe Morisot, Raffaelli sut aussi délaisser les sujets populaires au profit de portraits familiers un peu conventionnels, à la touche aérienne et au charme heureux (les Deux Sœurs, 1889, musée de Lyon ; le Réveil, Birmingham, City Museum). Caricaturiste âpre et illustrateur de talent (Types de Paris, 1889) il exécuta des eaux-fortes raffinées (les Croquis parisiens de Huysmans, Germinie Lacerteux des Goncourt).