Viti (Timoteo)
Peintre italien (Urbino 1467 – id. 1523).
Il se forma dans l'atelier de Francia à Bologne, où il étudia attentivement aussi les œuvres de Costa. De cette première phase émilienne témoigne la toile de la Vierge à l'Enfant avec les saints Crescenzio et Vitale (Brera). De retour à Urbino vers 1495, Viti fut influencé par le jeune Raphaël (panneau avec les Saints évêques Thomas de Canterbury et Martin, 1504, Urbino, G. N. ; Conception de la Vierge avec saint Sébastien et saint Jean-Baptiste, Brera ; Noli me tangere, Cagli, confrérie de S. Michele). Son rôle d'intermédiaire entre l'école bolonaise et Raphaël est assez discuté.
vitrail et peinture
Les arts précieux et les disciplines architecturales
Si dans la Schedula diversarum artium du moine Théophile (première moitié du XIIe s.) on pressent les rapports étroits qui existent pour l'expression de la forme entre les techniques décrites, il faut reconnaître que l'établissement du schéma d'un vitrail, tracé sur une table enduite de craie, met une distance entre les sources d'inspiration — manuscrits, peintures murales, orfèvrerie rehaussée d'émaux — et l'élaboration du vitrail. Beaucoup d'historiens de l'art ont fait une part peut-être excessive aux miniatures des manuscrits. Fischer introduit son chapitre du " Vitrail au XIIIe siècle " par l'étude des manuscrits de Blanche de Castille et de l'époque de Saint Louis. Mais J. Porcher signale, à juste titre, le choc en retour, en citant des manuscrits picards dont les miniatures imitent, dans la présentation et dans le chromatisme, les vitraux à médaillons contemporains.
Ainsi qu'Arthur Lane, Wentzel n'hésite pas à affirmer que les innovations importantes, pour le XIIIe s. et le début du XIVe, sont le fait de maîtres verriers contemporains, à Chartres, à Canterbury ou à Bourges. Toutefois, les grands exemples indiqués nous font donner la priorité à une nouvelle ordonnance, issue d'une conception d'ensemble des architectes maîtres d'œuvre, assignant deux échelles de figuration, qui sont le vitrail narratif présenté par médaillons superposés ou entrecroisés dans les bas-côtés et les déambulatoires, et les grands personnages sous leur Jérusalem céleste dans les fenêtres hautes. Aussi serons-nous plus proches du sujet en recherchant ce qui échappe à la contrainte de l'architecture et ce qui concerne la stature de la figure humaine. Louis Grodecki a montré que Nicolas de Verdun avait introduit à la fois un équilibre et une économie de modelé que l'on retrouve au premier quart du XIIIe s. dans le vitrail de la Vie de saint Étienne à la cathédrale de Laon. Mais ce " classicisme " a été précédé au XIIe s. par une multiplicité de recherches : le vitrail objet, comme l'Histoire des reliques de saint Étienne (v. 1165), conservé à la cathédrale de Châlons, qui a le sombre éclat de l'émail ; la Vierge de la Trinité de Vendôme, qui n'est pas sans parenté avec les Vierges en mandorle de la peinture murale.
En pays germaniques, l'influence des arts mineurs, une certaine liberté à l'égard de l'environnement architectural se sont maintenues bien au-delà du XIIe s. ; les vitraux du maître Gerlach (v. 1160, musée de Münster) sont significatifs de cette facture minutieuse, où abondent les niellés à l'imitation de l'orfèvrerie. Gerlach est représenté le pinceau à la main.
Limpidité et lisibilité
Il ne s'agit plus de phénomènes marginaux quand on aborde l'étude du vitrail en Italie. Les leçons des écoles du Nord sont contestées, même dans la disposition si conformiste des vitraux de S. Francesco d'Assise, qui s'échelonnent du milieu du XIIIe s. au début du XIVe : le Maître de la Vie de saint François se détache de l'ordonnance franco-germanique par l'isolement des personnages sur les fonds. Plus tard, le Maître de la Vie de sainte Madeleine introduit dans sa bordure des motifs purement toscans. Mais l'œuvre la plus significative est encore la rose du chœur de la cathédrale de Sienne, pour laquelle la date de 1287 a pu être avancée, sans que son projet puisse être attribué à Duccio. Tout est entièrement nouveau dans cette verrière, où seuls 2 personnages encadrés d'une mandorle évoquent le vitrail germanique. Les encadrements sont aussi discrets que dans les compositions picturales de Giotto à l'Arena. Les personnages s'inscrivent avec aisance sur des fonds d'une très grande limpidité. Même si l'on tient compte d'une certaine dégradation, les modelés sont transparents. Nous sommes en présence du premier vitrail moderne.
Un mouvement international se dessine dès la fin du XIIIe s. et dans les deux premiers tiers du XIVe s., que l'on appelle " art de cour " et que son caractère maniériste distingue. Les courants anglo-normand et parisien se rejoignent. Westlake a rapproché les vitraux de la cathédrale d'Exeter et de Merton College à Oxford des vitraux de Saint-Ouen de Rouen. Ailleurs, comme à Königsfelden en Suisse, les influences germaniques et siennoises se retrouvent : des éléments d'architecture sont vus en perspective comme dans les fresques toscanes. La gamme chromatique s'adoucit : le Saint Barthélemy de Saint-Père de Chartres (v. 1300) s'inscrit sur un fond de grisaille. Mais l'œuvre la plus significative reste le vitrail de la Vierge et du Chanoine Raoul de Ferrières (v. 1325) à la cathédrale d'Évreux : le hanchement de la Vierge est une caractéristique du XIVe s. ; mais la taille des morceaux de verre, la limpidité des draperies, l'économie du trait marquent le point d'équilibre d'une nouvelle monumentalité. Celle-ci prend toute son autorité dans les baies hautes, à peu près contemporaines, du chœur de Saint-Ouen de Rouen, jusqu'à imposer le même parti dans les baies exécutées au XVe s. Simultanément s'impose une nouvelle gamme chromatique : fonds vert d'eau, pourpres légers, bleu lin. Cette gamme, qui se maintiendra en France et en Angleterre, notamment à Bourges et à York, jusqu'au début du XVe s. (cathédrale de Bourges, Vitrail des Trousseau), apparaît déjà dans les manuscrits anglais de l'école de Saint Albans. À Saint-Ouen de Rouen, les scènes du Songe de Lucius (déambulatoire nord) marquent dans la facture le même assouplissement ; les modelés transparents sont limités par un trait mince ; l'ampleur souple de la draperie du lit de Lucius fait événement. Marcel Aubert écrit : " Le rôle de la grisaille grandit à cette époque, d'autant plus que la couleur va en s'atténuant. Les traits sont exécutés au pinceau, les ombres et le modelé, obtenus par des hachures plus ou moins serrées, et plus souvent par des demi-teintes passées à la brosse, au blaireau, griffées et hachurées au bois ou à la pointe pour laisser passer lumière et ton pur. " Dans l'école normande et l'école parisienne, les bordures et les architectures s'animent de personnages et de monstres, qui doivent certes beaucoup à l'école parisienne de miniaturistes de la première moitié du XIVe s., marquée par la longue carrière de Jean Pucelle. Vers le milieu du XIVe s., le Saint Jean écrivant l'Apocalypse de la cathédrale de Beauvais fait intervenir un paysage complet, image du monde introduite dans la miniature, la tapisserie et probablement la peinture murale à la cour des premiers Valois.
Le point d'équilibre
Si le passage se fait aisément dans le vitrail français du dernier tiers du XIVe s. aux deux premiers tiers du XVe s. — et cela est bien sensible dans les cathédrales d'Évreux et de Bourges —, on assiste, en Italie, dès le premier tiers du XVe s., et particulièrement à Florence, à un point d'équilibre qui n'aura pas de lendemain et qui nous met directement en présence des grands peintres de ce temps. On peut citer à ce propos ce texte de Cennino Cennini : " Les maîtres qui travaillent le verre, et qui ont assurément plus d'expérience manuelle que de savoir, ont recours aux peintres. " Cennini ajoute à l'intention de ces derniers : " L'artiste qui a exécuté le dessin sur le papier devra peindre ensuite les fragments de verre que lui apportera le verrier. Celui-ci procurera de la couleur faite de limaille de cuivre, et le peintre, de son pinceau de vair, ira retrouvant au fur et à mesure les ombres. "
L'architecture de Brunelleschi restait accueillante au décor : fresque, céramique ou vitrail. La coupole de Sainte-Marie-des-Fleurs présente dans ses grands oculi des compositions de Ghiberti, d'Andrea del Castagno, de Donatello : l'aisance et la simplicité de ces compositions sont à l'échelle de la coupole. Il en est de même de la facture ; celle des bordures de la verrière de Ghiberti est bien de la main d'un peintre. Par contre, à S. Maria Novella, Ghirlandaio, dans la verrière de la Circoncision, joue de la technique du vitrail comme de la marqueterie, créant ainsi une sorte d'impasse plastique qui exclura le recours au vitrail dans les édifices de Bramante et de ses contemporains.
Le problème des esquisses et des cartons de vitraux se pose avec l'introduction du moulin à papier, qui fonctionne en Champagne dès la fin du XIVe s. : J. Biver nous renseigne sur l'usage quasi industriel qu'en firent les maîtres verriers troyens dès le milieu du XVe s. Un autre support de ces dessins grandeur d'exécution était la toile : Pierre Villate, en Avignon, présentait un dessin sur toile à l'approbation de son client. Léonet de Montigny fut chargé d'établir les " patrons peints en toile ", grandeur d'exécution, pour les verrières réalisées par E. Guyot et G. de Granville dans le haut chœur de la cathédrale de Rouen. Nous sommes en présence, un peu partout, d'un complexe d'élaboration qui vaut en tout cas pour les suites prestigieuses, connues autrement que par les textes, rattachées aux grands centres royaux et princiers. En France, nous ne pouvons nous appuyer, pour le règne de Charles V, que sur Sauval : le sculpteur Jean de Saint-Romain aurait exécuté des cartons de vitraux en étroit accord avec Raymond du Temple, architecte du roi.
Les ensembles que nous ne trouvons plus à Paris, Émile Mâle, puis Jean Lafond les reconnaissent dans la suite de la cathédrale d'Évreux dès l'extrême fin du XIVe s. avec la verrière de Bernard Cariti, et surtout avec le vitrail dit " de Pierre de Mortain ". Le style de Beauneveu — qui marque la longue période d'autonomie de l'école de Paris et, pour le premier quart du siècle, de l'école de Bourges, par rapport au milieu international — a son sommet dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux, comme dans les vitraux provenant de la chapelle du duc de Berry, présentés dans la crypte de la cathédrale de Bourges. Les traits principaux de ces verrières sont la lisibilité des cadres architecturaux, le rôle apaisant des fonds damassés légers, l'ampleur des draperies, que rompt seule à Évreux l'étrange vêture armoriée de Pierre de Mortain. Mais on ne saurait trop insister sur les rapports des volumes avec la sculpture contemporaine : P. Pradel a rapproché la pierre tombale de Pierre de Mortain et son effigie dans cette verrière.
Il faudra attendre, à Bourges, le célèbre vitrail de la chapelle Jacques-Cœur, antérieur de peu à 1450, pour, avec Louis Grodecki, constater l'introduction, dans l'art du vitrail, des conquêtes de la perspective eyckienne et en même temps le point d'équilibre de cette conception encore monumentale de l'espace.
Nous serions au même niveau à Dijon, encore que nous ne possédions que des fragments des vitraux de la chartreuse de Champmol. Mais nous rejoignons tous les courants qui s'exercent des Flandres à tous les pays germaniques, où l'influence bourguignonne est déterminante dans la première moitié du siècle. Nous resterions au cœur du domaine français si nous pouvions, avec certitude, attribuer à Jean Fouquet certains vitraux de Notre-Dame-la-Riche à Tours et au Maître de Moulins la Légende de sainte Catherine, peinte au sommet du vitrail des ducs à la collégiale de Moulins, dont la liberté échappe au parti pris de stylisation propre aux maîtres verriers. Cette aisance n'est pas exceptionnelle dans le vitrail français : elle éclate dans les Travaux des mois, peints dans les lobes de la rose nord de la cathédrale d'Angers, exécutée par A. Robin (1451-52).
Au nord et à l'est de la France, une telle détente, dans une technique qui porte structurellement à la stylisation, n'est sensible, pour l'école de Cologne par exemple, qu'à travers une influence française. Dans les pays germaniques et en Angleterre, le traitement des volumes et, par voie de conséquence, le jeu des modelés sont oblitérés : en Allemagne, par la complexité et le foisonnement des compositions ; en Angleterre, et notamment dans les magnifiques ensembles d'York, par une certaine égalité des valeurs colorées. Il y a, à ce parti, des exceptions charmantes, comme la verrière offerte à l'église de Caudebec par le capitaine anglais Foulques-Eyton, qui a la grâce des broderies anglaises, si répandues dans tout l'Occident à cette époque. Deux peintres se libèrent de cette exaspération du Gothique finissant, de cette " antiperspective " due à la multiplicité et à la compression des effets architecturaux : Hans Tieffenthal, dans la Légende de sainte Catherine à Saint-Georges de Sélestat (v. 1430), et Lucas Moser à la Besserer Kapelle de la cathédrale d'Ulm. On a pu parler d'un art de miniaturiste pour les ajours de cette chapelle, mais le vitrail de Sélestat nous mène beaucoup plus loin, aux toiles peintes franco-bourguignonnes du début du XVe s. et aux " Paradisentafeln " contemporains. La somptuosité un peu mièvre de la Vie de sainte Catherine évoque davantage Gentile da Fabriano que Pisanello — message qui apparaît dès les miniatures des frères Limbourg.