Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

galeries peintes (suite)

Le XVIIIe siècle

France

Après la mort de Monsieur (1701), le nouveau duc d'Orléans commande à Antoine Coypel le décor de la galerie du Palais-Royal sur le thème de l'Histoire d'Énée (détruite en 1781-1783). La galerie fut réalisée en deux temps, ce qui explique le manque de liaison dans les sujets de la voûte et des murs : les peintures de la voûte (1702-1705 ; détruites) et des murs (1714-1717 ; Louvre et différents musées de province). En fait, l'Histoire d'Énée, que Coypel avait peinte en 7 épisodes à la voûte, constituait une suite cohérente en elle-même. Un décor de pilastres, de pyramides, de trophées, réalisé par Oppenord, enrichit les murs latéraux. On lui substitua dix ans plus tard une série de 7 toiles, également par Coypel, sur le même sujet. La largeur de la voûte était divisée par 6 doubleaux fictifs, qui retombaient sur des cariatides. Une grande percée centrale (Vénus suppliant Jupiter) était encadrée de 2 peintures décoratives en camaïeu verdâtre et de 6 " quadri riportati ". On retrouve l'association de percées inscrites dans des architectures fictives et de " quadri riportati ", mais la prépondérance de la percée assure la transition entre les galeries compartimentées de la période antérieure et les nombreuses œuvres unifiées du XVIIIe s., dans lesquelles l'architecture fictive sera presque totalement éliminée. De l'importante œuvre décorative de Charles de La Fosse tout a pratiquement disparu. Pierre Crozat se fit construire en 1704, par l'architecte Sylvain Cartaud, un palais somptueux rue de Richelieu et chargea La Fosse de peindre sa galerie (démolie durant la seconde moitié du XVIIIe s.). Le peintre peignit au plafond une fresque sur le thème de la Naissance de Minerve et de l'Exaltation des Arts et des Sciences. Une fois de plus, Brice nous sauve d'une complète ignorance : " Cette galerie qui a 10 toises de long sur 22 pieds de large est d'une très belle proportion. Elle est richement décorée, d'un goût sûr et sans ornement superflu. Le plafond, peint avec toute l'intelligence imaginable, est un des beaux ouvrages de La Fosse, qui mit la dernière main en 1707. " Quatre ans de travail aboutirent à un chef-d'œuvre, influencé par Rubens et la galerie de Médicis.

   Des 150 plafonds et décorations d'hôtels et de châteaux que nous connaissons par des documents, pour le premier quart du XVIIIe s. en Europe, évoquons quelques-unes des décorations exécutées par des Italiens à Paris au début du siècle. Paolo de Matteis, par exemple, pendant ses trois ans passés à Paris (1702-1704), orna plusieurs galeries, pour Antoine Crozat, pour Jean Thévenin, pour le marquis de Clérambault. Champion du " fa presto ", Pellegrini peignit une galerie de 40 m de long en 80 jours. En 1720, le Vénitien obtint la commande du plafond de la galerie de la Banque royale à Paris, au grand dépit de Lemoyne, qui avait espéré le contrat. Le plafond, peint à l'huile, fut perdu deux ans après son exécution, ce qui fait douter de l'opinion communement admise selon laquelle le plafond de Pellegrini aurait exercé une influence déterminante sur la peinture française contemporaine.

   Les galeries, au cours du siècle, passent de mode. Les petites pièces se multiplient ; on aménage des galeries plutôt qu'on en construit (de Cotte transforme la galerie Dorée de l'hôtel de La Vrillière). Les rares galeries construites sont disposées de façon transversale dans le corps du bâtiment (hôtel de Lassay à Paris) ou sur le côté du bâtiment (hôtel de Soubise, rue de l'Arcade à Paris). Elles tendent d'ailleurs à devenir de grands salons. L'heure est aux petits châteaux de plaisance, comme Marly, La Ménagerie, Meudon, où l'on préfère, à la grande peinture d'histoire, aux grands programmes décoratifs, des dessus-de-porte et des tableaux de chevalet.

Italie

À Rome

Soulignons que l'on se heurte à une difficulté de vocabulaire. Le mot galerie continue à être employé au XVIIIe s., mais certaines pièces que les Italiens appellent " salone " (différent de " sala ") sont manifestement des galeries.

   La galerie des miroirs du palais Doria Pamphili est située dans l'aile du palais, donnant sur le Corso. À l'intérieur, la voûte fut décorée de fresques peintes par Aureliano Milani (1732) sur le thème de la Chute des géants et de l'Histoire d'Hercule ; les deux murs longitudinaux sont percés de fenêtres, et les trumeaux recouverts de grands miroirs installés dans des cadres dorés. La décoration riche et opulente de l'ensemble offre un exemple typique du goût des grandes familles romaines de l'époque.

   Le casino de la Villa Albani renferme au premier étage une galerie (toujours appelée ainsi, mais qui a en fait les dimensions d'un salon) ; le cardinal Alessandro Albani commanda à Mengs le décor de la voûte ; le peintre y peignit à fresque, en 1756, le Parnasse.

   Sur le Corso, le palais Rondinini possède une galerie qui occupe seulement la moitié de la largeur d'une aile. Gamelin décora en 1772 le plafond sur le thème de la Chute de Phaéton. Il ne compartimenta pas la voûte, préférat un traitement unitaire de la surface, avec des effets de lumière et des raccourcis. Les murs des petits côtés sont creusés d'une grande niche, entourés de statues ; tableaux et sculptures ornent les longs murs. Il faut remarquer qu'à la limite de la galerie est une pièce parmi les autres, et que d'autres salles du même palais Rondinini, comme la " stanza " di Flora, la salle de Bal, le salon (jadis chambre de l'alcôve), sont presque aussi importantes de dimensions et aussi richement décorées.

Hors de Rome

Les entreprises décoratives sont nombreuses et dispersées ; citons, entre autres, le " salone " du palais Citterio à Brignano Gera d'Adda (Bergame), le " salone " du palais Durini à Milan (sans aucun doute une galerie), le " salone " de la Villa Burlamacchi à Gattaiola (Lucques), la galerie du palais Giugni-Fraschetti à Florence, la " sala dei Fiumi " dans le palais ducal de Mantoue (sur les murs, représentations des Fleuves de la province de Mantoue peints par Giorfio Anselmi, 1776, et au plafond une Allégorie en l'honneur de Marie-Thérèse), la " galleria Beaumont " du palais royal de Turin.

   Un très grand peintre aborda la décoration des galeries. Il s'agit de Giambattista Tiepolo, qui peignit les galeries du palais de l'archevêché à Udine et du palais Clerici à Milan. La décoration de la galerie d'Udine est une des plus importantes entreprises de Tiepolo jeune. Il peignit dans le même palais le grand escalier et la " sala Rossa ". Dans la galerie, plafond et murs sont peints à fresque (1727). Sur le mur principal sont peints l'Ange apparaissant à Sarah, Rachel cachant les idoles (entouré de 2 médaillons) et les Anges apparaissant à Abraham ; entre les scènes, 2 prophétesses (statues feintes) ; sur les trumeaux du mur opposé, 4 prophétesses (également statues feintes) ; Tiepolo peignit la voûte en collaboration avec G. Mengozzi-Colonna pour les parties d'illusionnisme et de perspective. Les 3 scènes Sacrifice d'Abraham, Hagar dans le désert, Rêve de Jacob correspondent aux 3 scènes du mur principal. Tiepolo raconte l'histoire en 6 épisodes principaux : il les fait alterner avec des scènes secondaires (grisailles) ; ainsi, il n'appesantit pas l'ensemble.

   Le plafond du " salone " du palais Clerici à Milan date de 1739. La commande fut passée par le marquis Giorgio Clerici, général de l'impératrice Marie-Thérèse. Les murs des longs côtés sont décorés de tapisseries et de glaces. Le plafond, peint à fresque, est de vastes dimensions (22 m sur 5,40 m). Au centre est représentée la Course du char du Soleil dans l'Olympe. Le soleil, irradiant la lumière, domine l'espace central occupé par les divinités de l'Olympe. Tiepolo a peint le long des bords du plafond des groupes importants de figures (Allégories des Quatre Continents), voulant donner un aspect aérien à sa voûte.

Le XIXe siècle

L'histoire de la décoration des galeries au XIXe s. constitue un autre chapitre. Les initiatives privées diminuent : un des rares exemples à citer est celui de la décoration du château de Dampierre : le duc de Luynes passe commande à Ingres du décor d'une grande pièce située au premier étage. Ingres ne réalise que 2 grandes compositions : l'Âge d'or et l'Âge de fer (1842-1849, peintes à l'huile sur le mur), ornant les tympans qui occupent la partie supérieure des petits côtés de la galerie ; avec l'architecte Duban, Ingres surveille la décoration des murs, confiée à plusieurs de ses élèves (Pichon, Flandrin).

   L'État prend le relais : chaque roi, chaque régime, conscients de leur rôle de mécène, ont autant souci du somptuaire que Paul III ou Louis XIV. Bien souvent, on aménage dans un bâtiment déjà existant : décor de la galerie de Diane aux Tuileries sous le premier Empire : décor de la galerie de Diane au palais de Fontainebleau, avec au plafond des peintures de Blondel et aux murs l'un des plus importants ensembles de tableaux " troubadours " de l'époque, réalisé entre 1818 et 1826 pour Regnier, Granet, Richard, Bouton, Revoil, Laurent. Delacroix décora les voûtes de 2 bibliothèques (qui ont la forme de galeries) au Sénat (palais du Luxembourg) en 1845-46 et à la Chambre des députés (Palais-Bourbon) en 1846-47. La galerie des Batailles au château de Versailles (avec la célèbre Bataille de Taillebourg par Delacroix : Salon de 1837) est une des belles réalisations du musée de l'Histoire de France de Louis-Philippe, consacrée " à toutes les gloires de la France ". On restaure, on complète également des galeries : à l'hôtel de La Vrillière, où les frères Balze remplacent les originaux de Perrier par des copies sur toiles marouflées ; à la galerie d'Apollon du Louvre, où Delacroix, assisté de Pierre Andrieu, peint le compartiment du centre en 1850-51 (Apollon vainqueur du serpent Python).

   La galerie, pièce plus longue que large, se retrouve sous d'autres noms, mais bien souvent avec la même fonction, dans des bâtiments publics : foyer à l'Opéra, salle des fêtes à l'Hôtel de Ville, salle des Pas-Perdus au palais de Justice. Et en ce siècle qui eut la passion du décor monumental, il semble naturel que l'architecte prévoie pour les peintres des surfaces à recouvrir : la galerie reste par définition, pour eux, un morceau de choix. À l'Opéra de Paris (construit par Charles Garnier, 1862-1875), la voûte du grand foyer est ornée de peintures allégoriques dues à Paul Baudry, Félix Barrias et Élie Delaunay ; à l'Hôtel de Ville, reconstruit entièrement après l'incendie de 1871, la décoration de la grande salle des fêtes (qui a la forme d'une galerie) fut confiée à Benjamin Constant, Gervex, Aimé Morot et Gabrier Ferrier ; Constant représenta au centre la Ville de Paris conviant le monde à ses fêtes ; dans le même bâtiment, la galerie Lobau fut également décorée. Mais la plus célèbre galerie du siècle reste celle des Illustres, au Capitole de Toulouse, décorée par Benjamin Constant et Jean-Paul Laurens.