Cavallini (Pietro)
Peintre italien (Rome v. 1240/1250 –Rome v. 1340/1350).
On sait par les documents qu'au cours de sa longue carrière il exerça son activité dans les plus importantes églises romaines et napolitaines, exécutant les commandes pour de grands personnages tels que Pietro di Bartolo Stefaneschi, Charles et Robert d'Anjou. Les sources littéraires (Ghiberti, Vasari) mentionnent plusieurs œuvres perdues (décoration pour la basilique de San Paolo fuori le Mura ; à Saint-Pierre, les Évangélistes et Saint Pierre et Saint Paul ; décoration pour San Francesco a Ripa). Parmi ses œuvres subsistantes, la plus ancienne est, à Rome, la décoration en mosaïque (qui porte son nom) de l'abside de S. Maria in Trastevere (1291), avec 6 épisodes de la Vie de la Vierge et la Présentation à la Vierge, par saint Pierre, du donateur Stefaneschi. Peu de temps après, Cavallini réalise les fresques de l'église S. Cecilia in Trastevere. La grande scène du Jugement dernier, redécouverte en 1901 derrière les stalles du chœur et seule conservée de cet ensemble, constitue certainement son œuvre la plus importante et la plus achevée. À Naples (1308), il travaille pour la famille d'Anjou.
La participation de l'atelier de Pietro Cavallini et surtout de graves altérations successives ne permettent pas de déterminer exactement la part qu'il prit personnellement dans l'exécution d'une fresque du Dôme (Arbre de Jessé, chapelle S. Lorenzo) et dans telle ou telle partie de l'immense ensemble des fresques de l'église S. Maria Donnaregina (Jugement dernier, Apôtres et Prophètes). Une grande partie de ses œuvres romaines, mentionnées par Ghiberti et par Vasari, sont perdues, ainsi que la mosaïque exécutée v. 1321 pour la façade de la basilique S. Paolo à Rome et dont il ne reste presque rien.
Cavallini occupe une place de premier plan dans la peinture italienne de la fin du duecento et du début du trecento aux côtés de Giotto, de Cimabue et de Duccio. Formé encore à la culture byzantine, comme il était naturel pour un peintre de sa génération, il n'en a pas assimilé passivement les maniérismes les plus courants ; il a tenté, au contraire, d'en recréer librement les formes les plus hautes et aussi les plus anciennes. En choisissant ce mode d'expression, il suit la voie de la grande peinture romaine du Moyen Âge, jouissant de la même expérience artistique que le " troisième Maître d'Anagni ". Sur ce tronc majeur de l'art romain, il eut le génie de greffer l'apport des expériences les plus hardies de son temps, d'abord celle de Cimabue (à Rome en 1272), puis celle de Giotto. Il est satisfaisant de voir un rapport établi en ce sens entre les deux artistes plutôt que d'adopter la thèse qui désignerait Cavallini comme le " maître romain de Giotto ". Toutefois, dans chacune de ces hypothèses, la confrontation de leurs œuvres révèle la réelle grandeur de Cavallini en face de Giotto. L'ampleur et la solidité formelles données aux figures des fresques de S. Cecilia constituent en effet, par rapport aux mosaïques de S. Maria in Trastevere, un pas en avant qui ne peut s'expliquer sans l'influence de Giotto. Chez Cavallini, la couleur donne à chaque forme son autonomie ; les ombres intenses et pénétrantes mettent les figures en relief et leur confèrent une solennelle placidité. La création d'une réalité physionomique peut exprimer en même temps la ferveur sacrée ou un bonheur humain. Ces éléments de l'art de Cavallini marquent son œuvre de la plus haute poésie et d'une puissance expressive tout à fait personnelle. Les peintures romaine, napolitaine et ombrienne du XIVe s. lui doivent beaucoup.
Cavallino (Bernardo)
Peintre italien (Naples 1616 – id. 1656).
Il fut le plus lyrique et le plus sensible des maîtres napolitains du XVIIe s. et acquit rapidement un style qui influença fortement de très nombreux peintres de l'époque. Nettement marqué à ses débuts par l'œuvre de Massimo Stanzione (Rencontre d'Anne et de Joachim, musée de Budapest ; Martyre de saint Barthélemy, Naples, Capodimonte), il reçoit l'enseignement du vieux maître en l'affranchissant de toute tendance académisante. Il l'adapte en fait aux modes de la nouvelle vague caravagesque, suscitée à Naples par le passage de Velázquez et par la diffusion de la culture romaine des " bamboccianti ", dont Aniello Falcone s'était fait le propagateur. Dans le petit format, cher au groupe des derniers caravagesques, auquel il réduit les scènes, il reste fidèle, du moins au début, à la thématique de Stanzione et de ses émules, en particulier le Maître de l'Annonce aux bergers avec lequel il collabora occasionnellement : scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament (Abigaïl et David, Milan, Castello Sforzesco ; Esther et Assuérus, Offices ; Songe de saint Joseph, musée de Varsovie) ou même scènes mythologiques (l'Enlèvement d'Europe, Liverpool, Walker Art Gal.). Ses œuvres, surtout les plus anciennes, offrent une anthologie de citations caravagesques en un format réduit qui implique d'ailleurs un adoucissement pictural des contrastes lumineux et une présentation nettement théâtrale, excluant toute accentuation naturaliste.
Vers 1635-1640, la peinture napolitaine subit l'influence de Van Dyck ; la connaissance directe de quelques-unes de ses peintures dut sans doute avoir une action déterminante, ainsi que la présence de l'un de ses disciples (Pietro Novelli, dit Monrealese). Cavallino évolua rapidement, sous son influence et celles de Vouet, Stanzione et Artemisia Gentileschi, vers un style plus pictural. Au violent contraste des ombres et des lumières de ses premières œuvres, il substitue un tissu pictural toujours plus précieux, un élégant chromatisme, des raffinements de pénombre, des accords inhabituels et suggestifs (Loth et ses Filles, Paris, Louvre). Son unique œuvre, datée de 1645, la Sainte Cécile (en dépôt à Florence, Palazzo Vecchio), permet de situer le départ de ce processus, qui s'affirme de plus en plus par la suite. Cavallino éclaircit sa palette et travaille ton sur ton avec les clairs ; le dessin conduit les figures aux limites d'un charme alangui qui porte déjà en lui toute la grâce du XVIIIe s. Cette manière de réagir au nouveau goût par une peinture plus nettement baroque prévaut à Naples entre 1640 et 1650. Les figures isolées, les portraits caractérisés se font plus nombreux ; exprimant une nouvelle réalité quotidienne, ils se chargent d'un témoignage sur l'actualité qui n'entrave d'ailleurs pas l'expression lyrique (Cantatrice, Naples, Capodimonte ; Joueuse de Clavicorde, Lyon, M. B. A. ; Sainte Cécile, Boston, M. F. A. ; Judith, chef d'œuvre de sa maturité, Stockholm, Nm).
Les compositions à nombreuses figures, désormais presque des scènes de genre (deux scènes de la Jérusalem délivrée, Munich, Alte Pin. ; Découverte de Moïse et Abigaïl, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum), peuvent se situer sur le même plan de recherche, préfigurant les raffinements aristocratiques de la peinture " arcadienne ". La peinture napolitaine trouve avec Cavallino, peu avant la grande peste de 1656, l'exaltation lyrique la plus haute pour toute la période de son évolution, qui va du luminisme au naturalisme. À ce moment, pourtant, Cavallino n'est qu'un isolé. En comparaison des réussites du style néo-vénitien et du Baroque romain, les recherches intimes, les résonances un peu mystérieuses, les notations de grâce alanguie, qui rendent sa peinture si personnelle, apparaissent pourtant comme archaïques et déjà dépassées.