Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Millet (Jean-François) (suite)

Pastels et paysages après 1860

On constate plusieurs changements importants après 1860. D'abord presque exclusivement peintre de figures, Millet se tourne, de plus en plus, vers le paysage, en partie grâce à son long compagnonnage avec Théodore Rousseau, qui était avec lui le chef de file de l'école de Barbizon. Les paysages peints par Millet représentent les vastes terres cultivées près de Barbizon (l'Hiver aux corbeaux, 1862, Vienne, K. M.) et plus souvent les villages et les collines couvertes de pâturages sur le littoral de son Cotentin natal (Hameau Cousin, musée de Reims ; l'Église de Gréville, 1871-1874, Paris, musée d'Orsay), tableaux dont la perspective impressionnante et la densité spirituelle impliquent la présence de l'homme et son étroite communion avec la nature. Des séjours de l'artiste à Vichy, de 1866 à 1868, datent ses petits dessins de paysages les plus connus, exécutés à l'encre et à l'aquarelle, merveille de sensibilité évocatrice. Un autre aspect du changement des années 60 consiste dans la production de grands pastels. À partir de 1865 env., Millet réalisa dans cette technique de très beaux paysages et des études de paysans, que beaucoup regardent comme le sommet de son art (Boston, M. F. A.) et qui illustrent ses dons exceptionnels de dessinateur. Sur un dessin préliminaire à la craie noire, il pose les couleurs en accents séparés qui leur permettent de garder leur autonomie (annonçant ainsi Van Gogh), tandis que les blancs construisent des formes denses et synthétiques.

Les dernières années et l'héritage de Millet

Les pastels de Millet correspondent aussi à une période de succès dans sa vie, grâce à des achats réguliers qui le libérèrent des conditions difficiles de ses débuts. La Légion d'honneur, en 1868, consacre une reconnaissance officielle. Il passe à Cherbourg la période de la guerre franco-prussienne et de la Commune, brossant quelques-uns de ses plus beaux paysages. Au cours de ses dernières années à Barbizon, son activité embrassa toutes les techniques. Il exécuta alors des paysages d'un violent lyrisme (le Coup de vent, musée de Cardiff), l'étonnant nocturne de la Chasse aux oiseaux (1874, Philadelphie, Museum of Art) et l'admirable suite des Quatre Saisons (le Printemps, Paris, musée d'Orsay ; l'Automne, Metropolitan Museum ; l'Été, M. F. A. de Boston ; l'Hiver, les bûcheronnes, musée de Cardiff). Sa santé l'empêcha d'accepter la commande d'une peinture décorative au Panthéon en 1874, et il mourut quelques mois plus tard à Barbizon.

   Millet, sa vie durant, puisa son inspiration dans Virgile, La Fontaine et la Bible et l'exprima dans une nostalgie orgueilleuse du terroir en des formes qui transposaient les pulsions créatrices issues du passé, émanant à la fois du Classicisme français et de la tradition des Pays-Bas, particulièrement celle de Bruegel. Son rôle fut de transmettre ce flux créateur à Pissarro, à Van Gogh, à Seurat, à Léger, matérialisé dans des formes qui révèlent sa dette envers l'histoire et la morale, mais surtout la puissance et l'harmonie d'un des plus grands talents de peintre du XIXe s.

Minardi (Tommaso)

Peintre italien (Faenza 1787  – Rome 1871).

Il s'inspire d'abord du naturalisme du XVIIe s. dans des œuvres particulièrement réussies, tel son Autoportrait (1807, Offices), que l'on considère comme son chef-d'œuvre. Sous l'influence des Nazaréens, et principalement d'Overbeck, il élabore ensuite une conception mystico-formelle de l'art, fondée sur l'étude exclusive de la fin du XVe s. ombrien. Déployant une grande activité théorique et didactique, il prend la tête du courant " puriste ". Son œuvre est alors marquée par la monotonie d'une mise en page classicisante : Madone au rosaire (1840, Rome, G. A. M.).

Minderhout (Hendrick Van) , dit " Den groenen ridder van Rotterdam "

Peintre néerlandais (Rotterdam 1632  – Anvers 1696).

Il fut actif de 1652 à 1672 à Bruges, où il est inscrit à la gilde de Saint-Luc en 1663. En 1672, il s'installa à Anvers et y resta jusqu'à sa mort ; il peignit tantôt des marines descriptives, claires et précises, telle la Vue du port de Bruges (1653, musée de Bruges), tantôt des marines composées dans un goût italianisant, comme le Port du Levant du musée de Rouen ou celui du musée d'Anvers (1675).

 
Il eut deux fils : Antoon, peintre de marines, et Willem Augustin, peintre d'architectures.

mine de plomb

Nom usuel donné au crayon de graphite naturel, ou plombagine. Employé en Allemagne dès le XVIe s. pour l'écriture, le graphite n'a remplacé les pointes de métal qu'après l'exploitation des gisements anglais du Cumberland. Il avait un effet alors voisin de celui de la pointe de plomb, laissant un trait gris à reflets métalliques. Les Italiens ne s'en servaient que pour les esquisses. Au XVIIe s., Flamands et Néerlandais l'utilisèrent dans les dessins (Téniers, Cuyp), souvent associé à la pierre d'Italie. En France, E. Le Sueur le mêlait à des lavis d'encre de Chine. Il faut attendre le XVIIIe s. pour que la mine de plomb soit utilisée dans les portraits, parfois rehaussés d'aquarelle (A. de Saint-Aubin). La Révolution orienta les travaux de Conté (1755-1805) vers la recherche d'une plombagine artificielle. L'ingénieur français mêla du graphite naturel pulvérisé à de l'argile et soumit le tout à la cuisson, donnant ainsi naissance au crayon moderne. En variant la quantité d'argile et le temps de cuisson, on parvient à une gamme très large de tons, tous très solides. David utilisa le crayon de Conté pour ses esquisses et études. Au XIXe s., Ingres et ses disciples (Flandrin, Chassériau, Mottez, puis Corot et Degas) surent en tirer le meilleur parti. (Voir GRAPHITE.)

miniature

L'origine du mot miniature est discutée : vient-il de minium, couleur rouge employée par les peintres d'enluminures, ou de minus (" plus petit ") ? Il importe de ne pas confondre la miniature, œuvre d'art en soi, encadrée ou décor de boîte ou de bijou, et l'enluminure, décor d'un livre ; de ne pas confondre, non plus, les miniatures et les peintures à l'huile sur bois ou sur métal, qui peuvent également être de format minuscule et présenter une exécution minutieuse analogue. Depuis son origine (début du XVIe s.) jusqu'à sa décadence (milieu du XIXe s.), la miniature a surtout illustré le domaine du portrait, mais les paysages et les scènes diverses sont également fréquents.

Technique

Au XVIe s., les peintres de miniatures travaillent à la gouache sur parchemin ; celui-ci est tendu sur un carton. Au XVIIe s. se développe la technique de l'émail sur métal, illustrée notamment par Petitot au XVIIe s. et d'autres artistes suisses jusqu'au début du XIXe s.

   Le XVIIIe s. voit le triomphe de la miniature à la gouache sur ivoire ; ce dernier peut être employé en plaques très minces qui permettent au peintre de jouer sur sa translucidité, de peindre au verso pour intensifier certains tons ou d'y placer une feuille d'argent, appelée " paillon ", qui accentue la luminosité de la surface. À la fin du siècle et au XIXe s. se généralise l'emploi du vélin, plus souple que le parchemin, qui est tendu sur un carton ou sur une plaque de tôle ; en même temps se répand la technique de l'aquarelle, appréciée pour ses effets de transparence et ses tons clairs.

Le XVIe et le XVIIe siècle

C'est à l'Angleterre que semble se rapporter l'origine du portrait en miniature. Lucas Horenbout, peintre de cour d'Henri VIII, et sa fille Susanna ont exécuté de tels portraits ; Dürer acquit en 1521 à Gand une miniature de cette dernière. Hans Holbein exécuta, pendant ses deux séjours en Angleterre (1526-1528, 1532-1543), des petits portraits qui déterminèrent un véritable engouement à la Cour. Nicholas Hilliard et son élève Isaac Oliver furent, à la fin du siècle et dans les premières années du XVIIe s., les plus brillants et raffinés parmi les nombreux portraitistes que compta la cour d'Élisabeth Ire. Au XVIIe s. doit être noté le nom de John Hoskins, puis celui de son élève Samuel Cooper, dont l'art remarquable de vigueur et de finesse psychologique doit beaucoup à l'influence de Van Dyck. Les premiers portraits en miniature français sont généralement donnés à Jean Clouet et à son fils François. La technique de la miniature sur émail, perfectionnée par les Toutin (Jean Ier et ses fils Henri et Jean II), trouva son apogée au XVIIe s. avec les œuvres de Jean Petitot, de Genève, Louis du Guernier, Louis de Châtillon et avec celles de Jean-Philippe Ferrand, auteur d'un traité technique, l'Art du feu ou de peindre en émail (1721). Dans un autre domaine, Nicolas Robert, puis Jean Joubert s'illustrèrent notamment dans les planches de sciences naturelles (vélins du Museum d'histoire naturelle). Nombreux sont les peintres sur émail d'origine suisse : outre Jean Ier Petitot, le plus grand, qui travailla pour Charles Ier en Angleterre, puis pour la cour de France et regagna la Suisse après la révocation de l'édit de Nantes, citons Jean II Petitot, Paul Prieur, actif à Copenhague, et les Huaud, actifs à Berlin.

   Dans les Pays-Bas, au XVIe s., fréquentes sont, outre celles qui représentent des portraits, les miniatures qui figurent des scènes religieuses et mythologiques ou des paysages (Hans Bol, son élève Joris Hoefnagel et Jacob Hoefnagel, le fils de ce dernier). Cette tradition se maintiendra au XVIIe s. (Richard Van Orley).

   Il faut mentionner le centre de miniature que constitue Strasbourg au XVIIe s. (F. Brentel, puis son élève J. W. Baur) et le foyer suédois (Pierre Signac).