Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Aved (Jacques)

Peintre français (Douai 1702  – Paris 1766).

Il s'initia à l'art du portrait auprès de Bernard Picart, exilé à Amsterdam, et en apprit la manière française de A. S. Belle (1721), qui le mit en relation avec Boucher, Carle Van Loo et Chardin. Il fut reçu à l'Académie en 1734 (Cazes, De Troy, Versailles). Ses portraits d'apparat (Comte de Tessin, 1740, coll. part.) et ses turqueries (Saïd Pacha, 1741, Versailles ; Marquise de Sainte-Maure, 1743, coll. part.) témoignent de sa souplesse d'adaptation au modèle. Mais le plus souvent, à la différence d'un Largillière qu'il imite dans ses drapés, et peut-être sous l'influence de Chardin, il dépouille ses compositions pour en augmenter l'intensité psychologique : Autoportrait (musée de Douai), ou réaliser un beau morceau de peinture : Madame Crozat (1741, musée de Montpellier). Aved traite les accessoires en autant de natures mortes : Rameau (v. 1728, musée de Dijon). Selon Grimm, ses portraits sont moins bons après 1750 ; c'est peut-être que, seul parmi ses contemporains, il est resté " le Batave ", toujours soucieux de vérité à la manière des Hollandais, malgré l'évolution du goût vers la sensibilité d'un Greuze : Guillaume IV (1751, Rijksmuseum). La solidité, la belle matière, les jolis tons de ses œuvres lui assurent jusqu'à la fin de sa carrière une clientèle nombreuse et d'un niveau social élevé : Maréchal de Clermont-Tonnerre (1759, coll. part.) ; la fortune qu'il en tira lui permit de collectionner des tableaux des peintres du Nord.

Avercamp (Hendrick)

Peintre néerlandais (Amsterdam 1585  – Kampen 1634).

Il fut surnommé, à cause de son infirmité, le muet de Kampen (" de stomme van Campen "). Il dut passer son enfance à Kampen, où son père, apothicaire, habitait dès 1586, mais il alla sans doute se former à Amsterdam. On peut en effet l'identifier avec le " muet " qui habitait dans cette ville en 1607, chez le peintre Pieter Isaacsz, ancien élève de Cornelis Ketel et de Hans von Aachen et auteur de portraits de corporation (1596 et 1599, Rijksmuseum).

   Toutefois, l'art d'Avercamp ne fut aucunement influencé par Isaacsz et paraît bien plutôt marqué par le milieu amsterdamois de Gillis Van Coninxloo et des émigrés flamands comme Vinckboons et d'autres paysagistes proches de Bruegel de Velours. De tels peintres en effet procède la formule, chère à Avercamp, des paysages d'hiver à l'horizon relevé de façon très archaïque et animés par une foule de petits personnages alertes et multicolores qui témoignent encore d'un sentiment décoratif et maniériste du paysage et du coloris ; le jeu linéaire et gratuit des branches d'arbres, sombres sur un fond clair, si analogue à celui dont usent un Joos de Momper ou un Gysbert Lytens, confirme cet état d'esprit. Il y a pourtant loin du fantastique maniériste d'un Coninxloo ou d'un Savery à la " gentillesse " toujours sage d'Avercamp. Celui-ci réserve une attention nouvelle à la description réaliste de ses foules, réduit les arbres à un simple jeu de coulisses, observe avec rigueur les lois de la perspective décroissante et ne se sert des taches de couleurs vives des costumes que pour mieux souligner le parti d'unification monochrome de ses Vues d'hiver, où les valeurs de la neige blanche, de la glace gris-vert et du ciel clair jouent finalement le premier rôle. Ainsi se trouvent en germe chez Avercamp, comme chez son contemporain Esaïas Van de Velde, les deux grandes orientations de la peinture néerlandaise : la scène de genre et le paysage. Ainsi, tels paysages en tondo (Londres, N. G.) annoncent directement les premières œuvres de Van Goyen. Dans ses tableaux plus tardifs, Avercamp précisera justement cette évolution moderne en fondant davantage le ciel et l'horizon, en allongeant le format, qui devient toujours plus rectangulaire, en soumettant les couleurs locales à la tonalité atmosphérique de l'ensemble, tandis que ses dessins, la plupart conçus comme des œuvres achevées — le plus souvent aquarellés et dont la production se multiplie — témoignent d'une attention de plus en plus intelligente à la réalité et à l'observation anecdotique du petit peuple hollandais ; c'est ce qui a fait à juste titre leur grand succès et leur rapide célébrité (au XVIIIe s., Ploos Van Amstel en a gravé des fac-similés).

   Les tableaux d'Avercamp sont assez nombreux, mais varient peu dans leur sujet ; ceux qui sont datés s'échelonnent de 1601 à 1632, la plupart ayant été peints à Kampen, car l'artiste y était retourné avant 1613. Un exemple a contrario curieux, qui mérite d'être cité rapporte un événement du temps mais en l'intégrant au monde de l'artiste : c'est le Roi et la Reine de Bohême sur le vivier gelé à La Haye (Haarlem, musée Teylers). De bons exemples de sa manière se trouvent dans les musées de Rotterdam, de La Haye, d'Amsterdam, de Londres et de Cologne.

 
Son neveu Barend (Kampen [ ?] 1612/13 – id. 1679) fut doyen de la gilde de Kampen en 1656, 1662, 1677 ; il prolongea d'une façon rétrograde et sur le plan local la formule mise au point par son oncle presque au début du siècle. Mais la facture de ce suiveur dévoué est quelque peu sèche et lourde : Scène de patinage à Kempen (Louvre, legs de Croÿ).

Avery (Milton)

Peintre américain (Altmar, État de New York, 1893  – New York 1965).

Né dans l'État de New York d'une famille de fermiers, il passe toute sa jeunesse dans le Connecticut. De 1913 à 1916, il étudie avec Charles Neoll Flagg à la Connecticut League of Art Students. En 1925, il s'établit à New York et épouse Sally Michel, elle-même peintre et illustratrice, dont on retrouve l'image dans maints de ses portraits. Il passe ses étés sur le littoral du cap Cod, où il prendra les thèmes de ses plus belles marines. Son style s'affirme dans les années 30. S'il évoque par ses thèmes et par son " climat " l'art d'un Winslow Homer et d'un Ryder, il se dégage néanmoins du " provincialisme " au contact des fauves français. Matisse, qui connaît une grande exposition en 1931 au M. O. M. A., l'influence profondément ; on retrouve ses traits les plus distinctifs dans ses œuvres : simplification abrupte des formes, ramenées à leur rythme essentiel, aplatissement des volumes, grandes plages délimitées par des cernes selon un schéma dynamique rigoureux, palette vibrante où dominent des tons rares et précieux : carmins, mauves, orangés (Girl Writing, 1941, Washington, The Phillips Collection ; Swimmers and Bathers, 1945, New York, Metr. Museum). Essentiellement portraitiste et paysagiste, il atteint au début des années 60 une sorte d'abstraction colorée (Dunes and See II, 1960, New York, Whitney Museum) qui ne sera pas sans influencer Adolph Gottlieb et Mark Rothko, qui furent ses amis très proches. En 1960, une grande rétrospective de son œuvre se tint au Whitney Museum de New York. L'art de Milton Avery marque le lien le plus net entre la peinture réaliste traditionnelle du début du siècle aux États-Unis et les grands courants abstraits de l'immédiat après-guerre. Ses principales œuvres sont : Seated Blonde (1946, Minneapolis, Walker Art Center), Green Sea (1954, New York, Metropolitan Museum), Poetry Reading (1957, M. W. Proctor Inst.), Sea Grasses and Blue Sea (1958, New York, M. O. M. A.). Une exposition lui a été consacrée aux États-Unis (Allentown, Art Museum) en 1996.