Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Crespi (Giuseppe Maria) , dit lo Spagnuolo

Peintre italien (Bologne 1665  – id. 1747).

Il se forma auprès de D. M. Canuti, puis dans l'atelier de Cignani (1684-1686). Pendant deux autres années, il fut en rapport étroit avec G. A. Burrini, qui contribua certainement à l'orienter vers l'étude de la peinture vénitienne. Il séjourna deux fois à Venise et visita également Parme, Urbino et Pesaro. Les gloires de la tradition locale eurent également un rôle considérable dans sa formation, tel l'art de Ludovic Carrache et celui de Guerchin, qu'il s'exerça même à copier. Sa première œuvre datable est le tableau d'autel de l'église de Bergantino (province de Rovigo), de 1688, auquel fait suite, de façon tout à fait cohérente, la toile de 1690 représentant Saint Antoine abbé tenté par les démons (Bologne, S. Nicola degli Albari), baroque dans sa mise en page scénographique, mais reposant sur des qualités picturales certaines et incontestables. Le chef-d'œuvre de ces années est la décoration à fresque de deux salles du palais Pepoli Campogrande de Bologne (1691) : là, tout pathétique dans les gestes ou les expressions, toute violence luministe s'est apaisée dans cette version humaine et profondément cordiale de thèmes mythologiques pourtant assez contraignants ((Hercule sur le char tiré par les heures et le Banquet des dieux). Le réalisme de certains détails est le signe d'une attitude nettement opposée aux tendances classicisantes de l'école bolonaise, représentées à cette époque par Cignani, Franceschini et Creti.

   Durant la dernière décennie du seicento, Crespi peignit des chefs-d'œuvre tels que la Jeune Fille à la tourterelle (Birmingham, City Museum) ou la Musicienne (Boston, M. F. A.), d'un naturalisme tout à fait direct. Au début du XVIIIe s., il exécute pour le prince Eugène de Savoie l'Éducation d'Achille (Vienne, K. M.), œuvre dont on peut rapprocher d'autres peintures importantes, telles qu'Énée, Charon et la Sibylle (id.), Tarquin et Lucrèce (Washington, N. G.), Les Troyennes aveuglent Polymnestor (Bruxelles, M. R. B. A.) et le tableau d'autel représentant l'Extase de sainte Marguerite (Cortone, musée diocésain), commandé par le prince Ferdinand de Toscane. Crespi offrit à ce dernier, en 1708, le Massacre des Innocents (Offices), peint deux ans auparavant, et, en échange, il reçut l'hospitalité à la cour de Florence. En 1709, l'artiste fut de nouveau l'hôte, avec sa famille, de Ferdinand de Toscane, qui le reçut pendant six mois dans sa villa de Pratolino. C'est là qu'il exécuta la célèbre Foire de Poggio a Caiano (Offices), qui témoigne non seulement de souvenirs bassanesques, mais aussi de l'intérêt de Crespi pour la peinture de genre hollandaise, qu'il avait pu étudier dans les collections médicéennes. Si la Foire est une " tranche de vie " d'une grande habileté scénique, la série des Sacrements (Dresde, Gg), peinte v. 1712 pour le cardinal Ottoboni, révèle une méditation sur l'art de Rembrandt. Cet ensemble de 7 toiles est le chef-d'œuvre de Crespi et l'une des réussites majeures de la peinture italienne du XVIIIe s. Dans cet esprit d'adhésion intime à la réalité est également conçu le trompe-l'œil des Livres de musique (Bologne, conservatoire de musique). Les Scènes de la vie d'une cantatrice et celles de Bertoldo, respectivement illustrées par ses tableaux de la Puce (plusieurs variantes : Offices, Louvre) et par les petites peintures sur cuivre de la Gal. Doria-Pamphili à Rome, dénotent de nouveau son goût pour le genre où il est passé maître (la Laveuse de vaisselle, Florence, Pitti, donation Contini Bonacossi ; la Masure, Bologne, P. N.). Crespi transmit ce goût à des artistes tels que Piazzetta et Pietro Longhi, qui passèrent quelque temps dans son atelier à Bologne.

   Son activité tardive fut surtout consacrée à l'exécution de nombreux tableaux religieux (la Vierge et l'Enfant avec trois saints, 1722, cathédrale de Sarzana ; 1728-29, Bergame, S. Paolo d'Argon), aux coloris plus ternes et à la facture plus lourde. Mais il peignit encore quelques œuvres de grande importance, telles que les tableaux pour le cardinal Ruffo (David et Abigaïl, Moïse sauvé des eaux, Rome, palais de Venise), l'admirable Confession de la reine de Bohême (Turin, Gal. Sabauda) et le Portrait du cardinal Lambertini (Vatican), dernier exemple d'une série de portraits singulièrement pénétrants : le Porteur de lettres (musée de Karlsruhe), le Général Pallfy (Dresde, Gg), une Famille, le Chasseur (Bologne, P. N.). Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (Bologne) en 1990.

Creswick (Thomas)

Peintre britannique (Sheffield 1811  – Londres 1869).

Après avoir étudié à Birmingham, il s'établit à Londres en 1828 et commença à exposer régulièrement à la Royal Academy, dont il devint associé en 1842, puis membre en 1851. Il apparaît, dans ses paysages très réalistes, plus comme le continuateur des traditions de John Glover que comme un disciple de Constable. Il peignait d'après nature, ce qui, dans son art, touchait particulièrement la critique, comme le montre l'exemple de Ruskin. Sa touche était plutôt mince et sèche dans une dominante de tons bruns : Paysage de Cornouailles (1842, Londres, V. A. M.), Un après-midi d'été (1844, id.). Creswick, également aquafortiste de talent, fut l'un des paysagistes les plus populaires du milieu du siècle.

Creti (Donato)

Peintre italien (Crémone 1671  – Bologne 1749).

Il se forma pendant quelque temps dans l'atelier de Pasinelli à Bologne, puis, pendant plus de vingt ans, vécut et travailla auprès des comtes Fava dans leur palais de la via Galliera. De 1688 date le Portrait de jeune garçon avec deux bougies (Londres, coll. part.) ; de 1705, le tableau d'une Vieille femme qui raconte à une petite fille la fable de Psyché (Bologne, coll. part.) ; de 1708, la fresque représentant Alexandre tranchant le nœud gordien, au palais Pepoli Campogrande de Bologne ; de 1713, la fresque commémorative de G. B. Sbaraglia à l'Archiginnasio ; vers 1725 sont exécutés les tableaux pour le cardinal Ruffo (le Bal des nymphes, Rome, palais de Venise ; Salomon et la reine de Saba, Salomon encense les idoles, musée de Clermont-Ferrand) ; de 1729 datent les Allégories pour l'Anglais McSwiny (Tombeaux de Locke, Boyle et Sydenham, Tombeau du duc de Marlborough, Bologne, P. N. ; Tombeau de J. Addison, Tombeau du marquis de Wharton, Rome, villa Wolkonsky ; Tombeau de Charles Montagu, Rome, coll. part.). De la fin de sa vie date une série de grands tableaux d'autel dans les églises de Bologne : S. Domenico (1734), S. Pietro (1737 et 1740), Santuario della Beata Vergine di S. Luca, S. Paolo Maggiore. Parmi ses autres œuvres, on peut encore citer la série des Planètes (Vatican), les 4 toiles de la Vie d'Achille (Bologne, Coll. Comunali d'Arte, qui conservent d'autres toiles de Creti) et Philippe de Macédoine et Alexandre (Washington, N. G.).

   Par son style, Creti participa au début des tendances néo-vénitiennes de Pasinelli, de Burrini et de G. M. Crespi, puis il s'orienta vers un classicisme délicat et mesuré, marqué par le goût d'une gamme de tons froids (bleu et bleuté), dans lequel reprenaient vie les idéaux de Reni, de l'Albane et de Cantarini ; il se rapprochait ainsi de Franceschini, qu'il surpassa par un plus grand sens poétique.