Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Cibot (Édouard)

Peintre français (Paris 1799  – id. 1877).

Élève de Guérin et de Picot, il débute au Salon de 1827 et se spécialise dans les sujets d'histoire de France (plusieurs tableaux commandés pour Versailles). Son art austère et délicat est à son meilleur dans les épisodes de la vie des peintres (Raphaël et Pérugin, 1843, musée de Moulins) et de grandes figures du passé (Anne de Boleyn à la Tour de Londres, 1835, musée d'Autun). Il est l'auteur de peintures murales à Saint-Leu-Saint-Gilles à Paris et d'une grande Charité (1853) au musée d'Amiens. On lui doit aussi d'étonnants paysages réalistes (Vue prise à Bellevue, 1852, Louvre).

ciel

Partie concave du dais ou du baldaquin venant en couronnement de certains retables (notamment en Provence et dans la région des Alpes) pour les protéger. Souvent peint, le ciel prolonge la composition picturale du retable.

Cignani (Carlo)

Peintre italien (Bologne 1628  – id. 1719).

Fortement influencé à ses débuts par son maître, l'Albane, il exploite à l'extrême les possibilités expressives du classicisme de type bolonais, qu'il charge d'inflexions sentimentales. Son idéal de perfection formelle se réalise dans la plénitude insistante des formes. Bien plus que dans ses œuvres de chevalet (Flore, Modène, Pin. Estense ; Joseph et la femme de Putiphar, Dresde, Gg ; la Charité chrétienne, Turin, Gal. Sabauda ; Jésus et saint Jean, Rome, G. N., Gal. Corsini), aimables dans leurs sujets souvent raffinés, qui lui valurent une grande renommée tant en Italie qu'à l'étranger, c'est dans les fresques (en particulier celles de S. Michele in Bosco à Bologne et celles de la coupole du dôme de Forli) qu'il sut, dans ses formes épanouies, faire renaître la vision " illusionniste " d'Annibale Carracci.

Cignaroli (Giambettino)

Peintre italien (Salò, près de Vérone, 1706  – Vérone 1770).

Après avoir subi l'influence de Balestra, il séjourna à Venise (1735-1738), où il exécuta des fresques au palais Labia, à côté de Tiepolo, et en 1737 le Martyre de saint Félix et saint Fortunat pour le dôme de Chioggia, qui lui apporta la célébrité. De Venise, il retint surtout le chromatisme de Ricci et les compositions lumineuses de Piazzetta. De retour à Vérone en 1739, il s'y installa pour ne plus guère s'en absenter. S'il peignit quelques fresques (la Lutte d'Apollon et Marsyas en 1739 et le Sacrifice d'Iphigénie en 1741 à la Villa Pompei à Illasi ; l'Aurore à la Casa Fattori en 1748) inspirées de Balestra et de Piazzetta, il produisit surtout un grand nombre de tableaux : la Mort de saint Joseph (1740, dôme de Mantoue), Sainte Hélène (1741, Vérone, Castelvecchio), la Fuite en Égypte (1742, Bergame, S. Maria Maggiore). Ce n'est qu'après 1744, avec San Procolo visitant San Fermo et San Rustico (Bergame, Duomo) et la Vierge à l'Enfant entre saint Jérôme et saint Alexandre (Bergame, chiesa dell'Ospedale) qu'il atteignit à un nouveau classicisme, aux expressions pathétiques, qu'admira Joseph II lors de sa visite à Vérone en 1769, en réaction contre les baroques autrichiens. D'ailleurs, dans les dix dernières années de sa vie, il adhéra à la nouvelle peinture d'histoire classicisante (la Mort de Rachel, Venise, Accademia). Professeur, puis directeur de l'Académie de Vérone, il fut appelé à Turin en 1766 pour y réorganiser l'Académie de la ville. Il écrivit une Lettera sul colorire qui donne un bon résumé de son art.

Cigoli (Ludovico Cardi, dit il)

Peintre italien (Cigoli 1559  – Rome 1613).

Élève à Florence d'A. Allori et de Buontalenti, Cigoli travaille comme architecte et organisateur de fêtes à la cour des Médicis (1589). Il prolonge, dès ses débuts (Martyre de saint Laurent, 1590, Cenacolo di S. Salvi), certaines des recherches luministes de Corrège et de Baroche, en particulier dans ses dessins, aux lignes fluides, largement ombrés (études pour le grand Martyre de saint Étienne du palais Pitti, v. 1597). Opposé à Caravage lors du concours proposé à Rome par Mgr Massimi (Ecce Homo, Florence, Pitti), il s'établit définitivement dans cette ville en 1604 et travaille pour le pape Paul V ainsi que pour le cardinal Scipion Borghèse (Histoire de Psyché, 1610-1613, fresques transférées à la Pin. capitoline). Parmi ses œuvres, on peut encore citer le Martyre de saint Pierre martyr (Florence, couvent de S. Maria Novella), Saint François (Florence, Pitti), Saint Antoine et le miracle de la mule (1597, Cortone, église S. Francesco), Saint Jérôme (1599, Rome, S. Giovanni de Fiorentini), Vierge et saints avec le pape Pie V (1601, Paris, N.-D.-de-Bonne-Nouvelle), Nativité (1602, Pise, M. N.), la Fuite en Égypte (musée de Chartres), le Sacrifice d'Abraham et la Déposition de croix (Florence, Pitti), enfin Joseph et la femme de Putiphar (1610, Rome, gal. Borghèse) et quelques portraits (Autoportrait, Offices). Longtemps admiré, puis négligé ou discuté, l'art de Cigoli, peintre, dessinateur et architecte, est depuis quelques années (une grande exposition lui fut consacrée en 1958) l'objet de nouvelles études. On voit mieux aujourd'hui combien, par certains côtés, il annonce les recherches baroques.

Cima (Giovanni Battista) , dit Cima da Conegliano

Peintre italien (Conegliano v. 1459  – id.  1517-1518).

L'histoire de la formation artistique de Cima reste problématique, en l'absence de documents et de références précises. Sa première peinture signée, la Vierge et l'Enfant entre saint Jacques et saint Jérôme (1489, musée de Vicence) révèle, par la rigueur volumétrique et la gamme chaude des couleurs, un goût assez proche de celui de Bartolomeo Montagna. Malgré cette influence, Cima établit déjà dans cette œuvre les bases d'un style auquel il restera fidèle. La lumière claire adoucit l'austérité anguleuse des vêtements et la dureté des visages de Montagna, tandis que l'invention de la " pergola " prépare aux fraîches images des futurs paysages de Cima. L'influence de Montagna cesse de se manifester au moment où, certainement avant 1492 (date à laquelle sa présence est attestée à Venise), le peintre provincial, ayant pris contact avec la culture artistique de Venise, rencontre Alvise Vivarini et Giovanni Bellini et est impressionné par la " pala " de S. Cassiano d'Antonello de Messine. Selon Pallucchini (1962), le polyptyque de l'église paroissiale d'Olera est le premier fruit de l'activité vénitienne de Cima, qui va se précisant dans les œuvres suivantes : la Sainte Conversation de la Brera et la Vierge avec des saints (1493) de la cathédrale de Conegliano, dont la structure suit l'exemple des retables de S. Cassiano d'Antonello (fragment à Vienne, K. M.) et de S. Giobbe de Giovanni Bellini : organisation architecturale complexe, trône s'élevant devant un arrière-plan ouvert, effort pour disposer des figures solides selon un rythme et un ordre qui puissent suggérer le dialogue. Mais la poésie de Cima s'épanouit quand il peut rassembler Vierges et saints dans le paysage des douces collines de Conegliano, à la fois réelles et imaginaires (Sainte Conversation, Lisbonne, fondation Gulbenkian). Dans ce dialogue sentimental entre créatures et nature, la lumière réchauffe et polit les personnages du Baptême du Christ (1494, Venise, S. Giovanni in Bragora), figures sereines dans l'atmosphère limpide d'un paysage auquel la nostalgie de l'artiste revient sans cesse, faisant couler le Jourdain au milieu des collines trévisanes. La minutie des détails, la limpidité de la lumière, la beauté toute classique des personnages, qui correspondent à une typologie constante dans la production de Cima, se retrouvent dans la Vierge à l'oranger (v. 1495, Venise, Accademia), qui offre un des plus beaux paysages peints par l'artiste, celui du château de Salvatore di Collalto, alors que le château Saint-Ange de Rome sert d'arrière-plan au Saint Sébastien de Strasbourg qui, avec le Saint Roch de la même collection, une Sainte Hélène à Londres (N. G.) et une lunette, composaient le retable peint pour San Rocco à Venise.

   À l'invention, due à Giovanni Bellini, des " saintes conversations " en plein air correspond l'influence de Carpaccio dans les architectures polychromes de certaines scènes de petit format comme l'Ambassade du sultan du musée de Zurich ou le Miracle de saint Marc des musées de Berlin. Le tempérament méditatif de Cima, souvent plus enclin à réfléchir sur des thèmes anciens qu'à en inventer de nouveaux, le pousse à composer de nombreuses Vierges à l'Enfant, dont la plus réussie est sans doute celle de l'église S. Maria della Consolazione d'Este (Padoue), datée de 1504 : la saine rusticité de Marie éclate dans les timbres violents des rouges, des bleus et des jaunes comme dans le volume monumental de l'image qui se détache avec une force surprenante sur le paysage de l'arrière-plan. On peut aussi dater v. 1505 le Saint Pierre martyr avec les saints Nicolas et Benoît (Milan, Brera), aux pures architectures, et la Vierge et l'Enfant entre saint Michel et saint André (Parme, G. N.), où, parmi les ruines ombragées, sous la lumière chaude de l'après-midi, évoluent des personnages méditatifs et mélancoliques, dont se détache, dans une attitude absorbée, l'élégante silhouette de l'archange Michel. La lumière zénithale immobilise contre le ciel les trois personnages de l'Incrédulité de saint Thomas (Venise, Accademia), insérés dans le vaste cadre d'une grande arcade au premier plan, mais en même temps elle paraît dissoudre, dans un horizon exceptionnellement bas, les savoureuses petites silhouettes des personnages qui se déplacent au loin en un fabuleux voyage entre le village juché sur la colline et le calme sous-bois de buissons et de feuillage.

   C'est déjà l'idylle de Giorgione ; ce rapprochement permet d'ailleurs de suggérer que le sens " géorgique " de la nature et le dialogue muet entre des personnages rêveurs, propres à Cima, aient pu constituer les véritables signes précurseurs des plus hautes visions de Giorgione (Pallucchini, 1962). La modification des proportions et le grand jardin ombragé de la Nativité du Carmine, à Venise, confirment les rapports d'inspiration avec le monde giorgionesque ainsi que le choix de nouveaux sujets humanistes et mythologiques. Endymion dormant et le Jugement de Midas (1505-1510 Parme, G. N.), le Duel au bord de la mer (Berlin) et Bacchus et Ariane (Milan, musée Poldi-Pezzoli) sont conçus avec une sensibilité chromatique proche du sentiment tonal. Cependant, le langage de Cima, tout en s'inspirant parfois des solutions les plus géniales de ses contemporains, ne se transforme pas et continue de trouver en lui-même la possibilité de se renouveler, ainsi qu'en témoigne le Saint Pierre en chaire (1516, Brera), où, délaissant la peinture tonale et les autres nouveautés du cinquecento, il revient à la mise en page du siècle précédent et aux images immobiles d'une beauté toute antique.