Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Serra (Richard)

Artiste américain (San Francisco 1939).

Après des études à l'université de Californie, puis à Yale où il fut l'élève de Josef Albers, Richard Serra entre en contact avec des artistes de New York (Rauschenberg, Stella, Reinhardt...), et découvre l'Arte povera lors d'un séjour en Italie (1964). Dès son retour à New York (1966), il entreprend une série de sculptures en caoutchouc vulcanisé (Belts, 1966-1967, coll. Panza di Biumo). Il poursuit l'année suivante son exploration des matériaux en jetant, à même le mur, du plomb fondu (Splashings). La sculpture porte en elle la trace de sa solidification, devient mémoire de son propre processus de fabrication. À l'encontre de tout procédé illusionniste, Serra cherche ainsi à réaliser une œuvre qui livre d'emblée les enjeux de sa production ; il s'affirme à ce titre comme une des révélations de l'exposition-manifeste de Berne : " Quand les attitudes deviennent formes " (1969). Avec la série des Prop Pieces, il commence à exploiter les propriétés physiques de l'acier (Prop, 1968, New York, Whitney Museum) et, dans des sculptures à grande échelle, va progressivement concentrer ses recherches sur le rapport interactif du spectateur à l'œuvre. Il redéfinit ainsi l'espace entier de certaines galeries (Circuit, 1972 ; Octagon for Saint Eloi, 1991, installé à l'entrée de l'église romane Saint-Martin de Chagny, Saône-et-Loire) par l'agencement de plaques d'acier monumentales. Présent aux Biennales de Paris (1971) et de Venise (1980), et aux Documents 5 et 7 de Kassel (1972 et 1982), il a exposé dans de nombreux musées, notamment au Stedelijk Museum (Amsterdam, 1977), au M. N. A. M. (Paris, 1983), au Kunstsammlung Nordrhein Westphalen (Düsseldorf, 1992).

Serres (Dominic)

Peintre britannique d'origine française (Gascogne 1722  – Londres 1793).

Après avoir connu la vie rude d'un marin, Serres arriva en Angleterre vers 1758, comme prisonnier de guerre, et se consacra à la peinture. Membre fondateur de la Royal Academy, il fut nommé peintre de marines auprès de George III. Il dessina ses navires avec un soin extrême, mais fut moins habile que Brooking à rendre les effets de mer et de lumière : Gibraltar secouru par sir George Rodney, janvier 1780 (Londres, Royal Academy), Bateaux dans la tempête (Londres, Tate Gal.).

Sert y Badia (José María)

Peintre espagnol (Barcelone 1876  – id. 1945).

Fils d'un dessinateur de tapisseries et d'étoffes, il travailla d'abord dans l'atelier paternel. Naturellement attiré par la peinture murale, il séjourna en Italie (1900), étudiant les fresquistes, pour s'installer ensuite à Paris, où s'affirma sa vocation de décorateur, en marge des courants artistiques, espagnols ou internationaux. José Maria Sert fut adopté par la haute société parisienne, pour laquelle il exécuta des ensembles (salon de musique pour la princesse de Polignac, salle à manger pour le baron de Wendel) qui transposent les décors de villas vénitiennes de Tiepolo. Mais il conquit aussi l'amitié de Claudel, dont il illustra le Soulier de satin (1928-29) et qui célébra son lyrisme baroque en des pages brillantes (" Positions et propositions ", " L'œil écoute "), mais peut-être avec quelque excès d'optimisme. C'est en effet l'époque où Sert entreprit la décoration de grands édifices, églises ou monuments publics : à Genève, le palais des Nations ; en Espagne, l'ensemble de la cathédrale de Vich (Vie et passion du Christ, présidé par les figures colossales de saint Pierre et de saint Paul, " piliers de l'Église "), achevé en 1930, incendié en 1936, et que l'artiste voulut refaire après la guerre civile, travaillant jusqu'à sa mort à une nouvelle version modifiée. D'autres décorations historico-allégoriques furent consacrées à la gloire des routiers catalans, les " Almugavares " (salon des Chroniques à l'hôtel de ville de Barcelone), et du peuple basque (chapelle du couvent de S. Telmo, aujourd'hui au musée, à Saint-Sébastien). La peinture de José María Sert, quelque peu emphatique et boursouflée, semble s'être démodée rapidement. Mais on ne peut lui dénier un dynamisme, une invention décorative et parfois une puissance dramatique qui assurent à cet isolé une place non négligeable dans l'art du XXe s.

Sérusier (Paul)

Peintre français (Paris 1864 Morlaix 1927).

Sérusier, qui doit à sa formation académique une mention au Salon de 1888 pour un Tisserand breton, rencontre Gauguin, à Pont-Aven, à la fin de l'été 1888. Il peint sous sa direction un paysage simplifié qui devient le Talisman (Paris, musée d'Orsay) de ses amis de l'académie Julian (où il est massier) : Bonnard, Vuillard, Denis, Vallotton et Ranson. Cultivé, curieux de doctrines théosophiques et de langues anciennes, Sérusier devient dès lors le théoricien enthousiaste du groupe des Nabis. À Pont-Aven et au Pouldu, avec Gauguin, en 1889-90, puis en 1891 à Huelgoat, avec Verkade, qui partage ses idées mystiques, Sérusier adopte les tons somptueux et sourds de Gauguin, reprend ses motifs (les Lutteurs, la Barrière fleurie, Paris, musée d'Orsay), précisant d'un graphisme plus aigu la mélancolie du modèle (Marie Lagadu, 1889), l'étrangeté d'un paysage (Rochers de Huelgoat, 1891, Stuttgart, Staatsgal.) ou d'un site breton (l'Offrande, v. 1891, coll. part.). Il participe, en 1891, à la première exposition des Nabis chez Le Barc de Boutteville. Décorateur du Théâtre d'art et du Théâtre-Libre, puis collaborateur de Lugné-Poe au théâtre de l'Œuvre à partir de 1893 (il réalise en 1896, avec Bonnard, les décors d'Ubu roi de Jarry), Sérusier accentue alors le caractère décoratif de ses œuvres : les Trois Bretonnes (v. 1893, Genève, Petit Palais, fondation Oscar Ghez) ; la Mer au Pouldu (1895). Mais son admiration pour les primitifs italiens (voyage en Italie, en 1893 avec E. Bernard, en 1855 et 1899 avec M. Denis) et l'expérience de Beuron, où il retrouve Verkade en 1897 et en 1899, renforcent sa foi dans les " saintes mesures " et la logique du nombre d'or. Soucieux de répandre en France les idées du père Didier Lenz, l'artiste abandonne en partie, après 1900, les sujets bretons pour des peintures allégoriques et religieuses, grises nostalgies des sincérités médiévales : la Tapisserie (1924, Paris, M. A. M. de la Ville). Il enseigne à partir de 1908 à l'académie Ranson et publie ses réflexions en 1921 dans l'ABC de la peinture. Sérusier est représenté à la Tate Gal. de Londres, à la N. G. d'Ottawa, aux musées de Varsovie, de Quimper, d'Albi, de Nantes, de Saint-Germain-en-Laye, dans les coll. Paul Josefowitz et Samuel Josefowitz, et le musée d'Orsay à Paris conserve, grâce à la coll. H. Boutaric, le plus important ensemble d'œuvres de l'artiste.