Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Sabatini (Lorenzo)

Peintre italien (Bologne v.  1530  – Rome 1576).

Le style de Sabatini, contemporain de Prospero Fontana et de Bartolomeo Passerotti, les deux peintres les plus actifs de Bologne au moment des débuts des Carrache (v. 1570-1575), est souvent difficile à distinguer, comme le remarque déjà Malvasia dès 1678 dans la Felsina Pittrice, de celui d'un autre peintre bolonais, Orazio Sammacchini. Sabatini, appelé souvent " Lorenzino da Bologna ", fut formé par Pellegrino Tibaldi. Le passage dans l'atelier de ce " Michel-Ange réformé ", qui donna une orientation romaine du Maniérisme bolonais et révéla aux Bolonais le style de Michel-Ange, fut de grande importance. Le véritable maître de Sabatini fut en réalité le Florentin Giorgio Vasari, avec qui il travailla à partir de 1565 d'abord à Florence, à la décoration du Palazzo Vecchio, à l'occasion du mariage de Francesco Ier de Médicis et de Jeanne d'Autriche (1566) ; Sabatini, sous la direction de Vasari, décora à fresque le corridor qui relie la salle " dei Cinquecento " à celle " dei Duegento " de figures allégoriques de la Justice et de la Prudence, avec décorations de grotesques et d'emblèmes médicéens. L'élection du cardinal bolonais Buoncompagni, en 1572, pape sous le nom de Grégoire XIII (1572-1585), favorisa la venue à Rome de nombreux Bolonais, dont celle de Sabatini. Il travailla, toujours sous la direction de Vasari, et avec Sammacchini, dont il subit de plus en plus l'influence, à la décoration de la Sala Regia au Vatican (1573-1575). La mort de l'artiste l'année suivante devait l'empêcher d'assumer la nouvelle responsabilité que lui confia le pape, à savoir la supervision de toutes ses entreprises artistiques à Rome (Baglione).

   Si les tableaux de la jeunesse de l'artiste dépendent pour beaucoup de la tradition locale (Vierge à l'Enfant et saints du Museo di S. Stefano de Bologne), les œuvres de la maturité (Ascension de la Vierge, Bologne ; la Vierge, l'Enfant Jésus et le petit saint Jean-Baptiste, Louvre) offrent une version noble et monumentale de l'art de Raphaël et de Michel-Ange. Ce retour novateur aux principes de la Renaissance devait être aussi le fait, mais dans un langage fort différent, des Carrache. Dessins et fresques trahissent par contre une nette influence de Vasari.

   L'importance de Sabatini sur la fin du siècle n'est pas négligeable puisqu'il forma Denys Calvaert ; certaines de ses compositions furent gravées par Agostino Carracci.

Sablet (Jean-François)

Peintre français d'origine suisse (Morges, Suisse, 1745  – Nantes  1819).

Fils de Jacob Sablet, peintre et marchand de tableaux, il vient à Paris en 1768, où il est l'élève de Vien. Il reste en France (sauf un bref séjour à Rome en 1792 et 1793) et, en 1805, s'installe définitivement à Nantes. En 1808, il est chargé de la décoration de la Bourse : 6 grandes grisailles en bas relief, relatant la visite de l'Empereur (disparues, dessins au musée Dobrée). Il reste connu surtout pour ses portraits de petits formats, remarquables par la sincérité de leur expression, la précision et la finesse de la touche émaillée : Portrait de Dobrée père (Nantes, musée Dobrée), Autoportrait (1805), P.-R. Cacault, les nombreux portraits des familles Crucy et Peccot (musée de Nantes).

 
Son frère Jacques (ou Jacob-Henri) (Morges 1749 – Paris 1803) fut aussi l'élève de Vien à partir de 1772 et vécut longtemps à Rome (1776-1793), où il remporta, en 1777, un 2e prix de l'Académie Saint-Luc. Occasionnellement peintre d'histoire (Allégorie de la Ville de Berne, musée de Berne ; le Dix-Huit Brumaire, musée de Nantes), il se fit une renommée de peintre de genre avec des costumes italiens (Scène de famille italienne et Danse napolitaine, château de Drottningholm). Il eut un talent original pour les portraits dans le style des " conversation pieces " : le Peintre dans son atelier (1781), les 2 Portraits de famille (musée de Lausanne), Double Portrait dans un cimetière (1791, musée de Brest), souvent sur des fonds de paysage avec des ruines romaines et d'une grande fraîcheur de vision. Par la finesse du métier, la vivacité du chromatisme, le goût des petits formats et d'un certain intimisme bourgeois, les frères Sablet s'inscrivent dans le courant des peintres de genre et des portraitistes de la fin du XVIIIe s., tels Drolling et surtout Boilly, qui, tout en montrant leur goût pour la manière " hollandisante ", furent sensibles à la leçon néo-classique. Les œuvres respectives des deux frères ont souvent été confondus jusqu'à l'exposition qui leur a été consacrée en 1985 (Nantes, Lausanne, Rome).

Sacchi (Andrea)

Peintre italien (Nettuno, Latium, 1599  – Rome 1661).

Élève de l'Albane à Rome et à Bologne, Andrea Sacchi est à Rome depuis 1627, employé surtout par le cardinal Antonio Barberini. Sa carrière est jalonnée d'importantes commandes : Vision de saint Isidore (1622, Rome, église Saint-Isidore) ; Allégories des Quatre Saisons (v. 1626-1629) ; fresques de la villa Chigi (auj. Sacchetti) de Castelfusano, décorée surtout par Pietro da Cortona ; Naissance de la Vierge (v. 1628-29, Prado). Le Triomphe de la sagesse divine (Divina Sapienza) du palais Barberini (plafond de la Sala del Mappamondo), mené à bien de 1629 à 1633, constitue une œuvre clé de la peinture romaine au moment le plus fort de l'antagonisme Disegno-Colore, qui dressait les peintres les uns contre les autres : cette œuvre témoigne chez Sacchi, après des œuvres franchement baroques, de la maîtrise nouvelle d'un baroque " purifié ", orienté vers des effets plus simples et plus pondérés que ceux de Bernin et de Pietro da Cortona. Raffinement de l'effet coloré, absence de contrastes violents, tranquillité rassurante des attitudes, clarté d'une composition qui use de rythmes larges et harmonieux, tout s'oppose à la fiévreuse et scintillante dispersion des grands décors cortonesques. Dans la Rome des années 30, théâtre d'expériences et de découvertes, l'artiste prend ainsi place de chef d'école ; des mêmes années datent la célèbre Vision de saint Romuald (v. 1631, commandée pour S. Romualdo, église détruite, auj. au Vatican) et l'Agar et Ismaël dans le désert (1631, Florence, coll. Corsini).

   Sacchi voyage ensuite, après 1635, en Italie du Nord (Bologne, Venise, Parme, Modène), et sa palette se ressentira des exemples bolonais et vénitien. Membre de l'Académie de Saint-Luc, l'artiste sera élu " prince " en 1656, mais refusera cet honneur. Il travaille à S. Giovanni in Fonte (Vie de saint Jean-Baptiste, 1639-1649) ; il donne une Mort de sainte Anne (1648-49, Rome, S. Carlo ai Catinari), un Saint Jean-Baptiste dans le désert (v. 1650, Fabriano, S. Niccolo) ; le Songe de saint Joseph sera une de ses ultimes commandes (1652, Rome, S. Giuseppe). Sacchi peignit aussi certains des meilleurs portraits de l'époque : ceux d'Urbain VIII et du Cardinal Francesco Barberini sont perdus, mais restent ceux de Monseigneur Merlini (Rome, Gal. Borghese), du chanteur M.-A. Pasqualini (New York Metropolitan Museum), d'un Cardinal (Ottawa, N. G.). Ses dessins, souvent des études de drapés, tout frémissants, animés de rehauts clairs et d'accents noirs, nous sont parvenus nombreux (Louvre, musée de Darmstadt, admirables ensembles à Düsseldorf et à Windsor Castle).

   Le rôle capital de Sacchi, longtemps considéré comme un artiste de second plan, n'a été bien apprécié que par la critique récente, qui a fait justice des reproches de froideur et de dogmatisme qu'on lui adressait, mettant en lumière l'autorité architecturale de ses compositions, la noblesse de son dessin et la richesse dramatique de sa palette.

   Son influence compta dans la formation romaine de Poussin, qui fréquenta son atelier après 1631, date du départ pour Naples de Domenichino ; Sacchi fut très lié à Duquesnoy, lui-même grand ami de Poussin. Il fut le maître de Carlo Maratta : son art eut, à travers celui-ci, des prolongements dans toute la peinture romaine du XVIIIe s.