Fortuny (Mariano)
Peintre espagnol (Reus, Catalogne, 1838 – Rome 1874).
Orphelin dès l'enfance, élevé dans la pauvreté par son grand-père, modeleur de figurines en terre cuite, initié à la peinture par un artiste local et trouvant quelques ressources à peindre des ex-voto, il fait le voyage de Barcelone, intéresse le sculpteur Talam, qui lui obtient l'inscription gratuite à l'École des beaux-arts. Brillant élève du peintre académique Lorenzale, il reçoit en 1857 une bourse pour Rome, qui lui apparaît " un cimetière visité par les étrangers ", où le Pape Innocent X de Velázquez l'intéresse plus que les Nazaréens, prônés par son maître. En 1860, l'expédition espagnole au Maroc, conduite par un général catalan, Prim, lui vaut de découvrir un monde nouveau de lumière et de couleur : la députation provinciale de Barcelone le fait attacher à l'état-major comme chroniqueur de l'expédition. Il en rapporte de nombreuses études, peint des tableaux à sujets arabes (l'Odalisque, 1861, Barcelone, M. A. M. ; Forgerons marocains, id.) et, après un second séjour en 1862, entreprend le grand panorama de la Bataille de Tétouan (id.) plus chaleureux et séduisant d'être resté inachevé. Entre ses deux voyages marocains, il passe quelques jours à Paris en 1860, peut étudier les tableaux de batailles d'Horace Vernet à Versailles et faire la connaissance d'Henri Regnault. En 1867, il est à Madrid, et son mariage avec la fille du portraitiste en vogue Federico de Madrazo consacre son ascension sociale. Puis un tableau inspiré par la signature d'un contrat de mariage dans une sacristie (la Vicaria, id.), transposé dans l'Espagne de Goya, fut exposé à Paris en 1871 et, lancé par le marchand Goupil, obtint un immense succès. Vivant tantôt à Paris, tantôt à Rome, tantôt à Grenade, Fortuny exploite cette veine dans des tableaux de genre à la Meissonier (le Choix du modèle, Washington, Corcoran Gallery ; l'Amateur d'estampes, Boston, M. F. A. ; Barcelone M.A.M. ; Ermitage ; les Enfants du peintre dans le salon japonais, Prado), mais d'une exécution plus libre et d'une couleur plus chatoyante. Il meurt prématurément en 1874, alors qu'il évoluait vers une sorte d'Impressionnisme. Lucide, curieux de toutes les formes d'art (il collectionne les estampes japonaises et les céramiques hispano-mauresques), insatisfait de gaspiller ses dons, ce grand virtuose survit surtout par des études et des aquarelles, souvent éblouissantes (Barcelone, M. A. C. ; Louvre ; Castres, musée Goya). Mais sa peinture, marquée par le goût d'une époque éprise de bric-à-brac et de morceaux de bravoure, n'est jamais indifférente. Son influence fut considérable, et l'Amérique, grâce au collectionneur Stewart, lui fit un accueil aussi chaleureux que l'Europe (Metropolitan Museum et Hispanic Society de New York ; Baltimore, Walters Art Gal., et Boston, M. F. A.).
Fougeron (André)
Peintre français (Paris 1913-Amboise 1998).
Ouvrier métallurgiste, Fougeron s'adonne à la peinture et, en 1937, il expose aux Surindépendants et participe au groupe Art cruel, réuni par J. Cassou (gal. Billiet-Worms). Dès 1939, il adhère au parti communiste et, durant l'Occupation, entre dans la Résistance alors qu'il travaille pour un atelier de décors de théâtre. En 1943, l'année de sa Rue de Paris 43, il participe à l'exposition " 12 peintres d'aujourd'hui " (gal. de France). Il travaille sous contrat pour les gal. Drouin, en 1944, et Billiet-Caputo, en 1946, où il a sa première exposition personnelle, suivie du prix national. Mais, en 1947, les positions de L. Casanova au XIe Congrès du parti provoquent en lui une crise qui le fait rompre avec sa galerie et sa manière, abandonnant une stylisation encore empreinte de l'influence de Picasso pour un réalisme sévère dominé par le thème social dont ses Parisiennes au marché, 1948, seront le manifeste. En 1950-51, à l'appel d'un syndicat, il va vivre à Lens et réalise la série " Le pays des mines ". Sans crainte du scandale qu'il provoque dans ces années dominées par l'Abstraction, il exploite les thèmes du jour, proteste contre l'O. T. A. N. (Les paysans français défendent leurs terres, 1953), la guerre (Viêt-nam 67, 1967). Peu à peu réapparaissent les thèmes de la joie de vivre ainsi qu'un nouveau souci de stylisation qui le mène, dans les années 70, à adopter les synthèses graphiques et les aplats de la Figuration narrative. Depuis sa première décoration murale en 1938, Fougeron a réalisé de nombreuses mosaïques ainsi que des décors de théâtre.
Foujita (Fujita Tsuguharu, puis Léonard)
Peintre français d'origine japonaise (Tokyo 1886 – Zurich 1968).
Après des études aux Beaux-Arts de Tōkyō, Foujita se rend en 1913 à Paris, où, mêlé à l'avant-garde cosmopolite de Montparnasse, il découvre l'art occidental, sans guère en subir l'influence. Brusquement, en 1915, il connaît un immense succès et se trouve introduit et fêté dans les milieux mondains. Entre 1931 et 1949, il partage son temps entre de nombreux voyages et des séjours à Paris, où il s'installe en 1949. La préciosité porcelainée de ses tableaux, la souple élégance de sa ligne minutieuse, l'harmonie froide de ses couleurs pâles ou nacrées, l'expression mélancolique de ses figures, son goût pour l'enfance possèdent un charme délicat, non sans monotonie, où la retenue et le raffinement japonais apportent leur note à la peinture de la " réalité poétique " qui fleurit entre les deux guerres. En 1959, il se convertit au catholicisme et choisit le prénom de Léonard, en hommage à Vinci. Il a décoré à Reims la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix, construite sur ses plans. Il est représenté à Paris (M. N. A. M., M. A. M. de la Ville), au musée de Grenoble et au Japon dans de nombreux musées et coll. part.
Fouquet (Jean)
Peintre français (Tours entre 1415 et 1420 – id. entre 1478 et 1481).
Le plus grand peintre français du XVe s., célébré pendant cent ans, puis oublié jusqu'au siècle dernier, n'est connu que par de rares documents ; sa biographie repose sur des renseignements discontinus, allusifs, d'interprétation parfois embarrassante. Un seul ouvrage est attesté comme étant de la main de Fouquet par une inscription du temps, le manuscrit enluminé des Antiquités judaïques. À partir de là, son œuvre a été reconstitué par rapprochements stylistiques, et sa chronologie est difficile à établir avec certitude.
Documents
Sa carrière se reconstruit autour de quelques jalons documentaires. On l'a dit fils d'un prêtre et lui-même clerc : rien n'est moins sûr. On sait par divers témoignages qu'il fait, encore jeune, un voyage en Italie : entre 1444 et 1446, il peint à Rome le portrait du pape Eugène IV, qui suscite l'admiration des Italiens. Il n'est pas sûr qu'en 1448 il soit déjà de retour à Tours, comme on l'a cru. En 1461, il est chargé de s'occuper de l'effigie mortuaire de Charles VII et de préparer l'entrée solennelle de Louis XI à Tours. Le testament de l'archevêque Jean Bernard (1463) stipule la commande à Fouquet d'un retable de l'Assomption pour l'église de Candes (Indre-et-Loire). Fouquet reçoit le paiement, en 1470, de panneaux d'armoiries pour l'ordre de Saint-Michel, nouvellement créé, et, en 1472 et 1474, de deux livres d'heures pour Marie de Clèves et Philippe de Commines. Il présente en 1474 à Louis XI un " patron " pour son futur tombeau et porte en 1475 le titre de peintre du roi. En 1476, il participe à la décoration pour l'entrée à Tours du roi de Portugal Alphonse V. Il est mentionné comme encore vivant en 1478 et comme défunt en 1481. On sait en outre qu'il avait deux fils, Louis et François, peintres comme lui.
Œuvres de jeunesse
On ignore où et comment Fouquet s'est formé ; il semble s'être inspiré des recherches du Maître de Boucicaut, c'est-à-dire d'un milieu d'avant-garde d'esprit encore gothique ; il sera le premier peintre à faire pénétrer les idées de la Renaissance dans l'art français. Les tentatives pour retrouver ses œuvres de début dans l'enluminure ont échoué mais on attribue à ces années de jeunesse un Portrait du bouffon Gonella (Vienne, K. M.). Fouquet apparaîtrait brusquement comme un peintre considéré avec le portrait du pape Eugène IV et de deux de ses proches, peint à Rome v. 1446 (connu par une gravure du pape seul). L'importance de cette commande passée à un artiste étranger laisse à penser que Fouquet avait déjà fait ses preuves comme peintre officiel. Il paraît donc raisonnable de situer avant le voyage d'Italie le Portrait de Charles VII, roi de France (Louvre), dont la conception encore gothique, la disposition archaïque et le style exempt de toute influence italienne s'accordent mieux avec une date précoce. Ces deux premiers ouvrages montrent que Fouquet connaissait les portraits flamands contemporains, dont il adopte la présentation de trois quarts et imite le réalisme analytique ; mais, à l'interprétation vivante et sensible du portrait, il joint déjà le souci du volume arrondi et de l'autorité monumentale, qui sera le caractère fondamental de son esthétique et qu'il a dû acquérir, selon Focillon, au contact de la grande statuaire gothique française.