Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Brokman (Henry)

Peintre danois (Copenhague 1868  – Bolzano, Italie, 1933).

Après ses études artistiques à l'Académie royale du Danemark — où il s'imprègne des tendances symbolistes qui dominent alors la peinture dans les pays nordiques —, Brokman voyage en Europe et séjourne à Paris. Il y découvre la peinture de plein air et s'adonne à une recherche systématique de la lumière, recherche qui l'amène à travailler dans des pays comme l'Italie, l'Égypte, la Syrie. Le musée du Petit Palais, à Paris, est riche d'une cinquantaine de toiles de cet artiste depuis la donation que lui en fit son fils Erik Brokman en 1979 ; il possède de nombreux paysages (Rive du Nil, le Temple de Louxor, etc.), quelques portraits (Arabe assis, 1892), ainsi que des études de brume et de marines, paysages où s'expriment à la fois son tempérament profondément romantique et l'influence de Turner sur toute cette partie de son œuvre.

Bronzino (Agnolo Tori, dit il)

Peintre italien (Florence 1503  – id. 1572).

Avec Bronzino, la tendance la plus officielle du maniérisme toscan apparaît dans toute sa stylisation précieuse et son invention décorative presque illimitée. Placé d'abord chez R. del Garbo, puis élève de Pontormo, il assiste ce dernier à la chartreuse de Galluzzo (1523-1525), puis à la chapelle Capponi de S. Felicità (1526-1528), où il oppose à l'irréalisme anxieux du maître un modelé ferme et une observation impassible et égale (2 tondi des Évangélistes à la voûte). En 1530, après le siège de Florence, Bronzino est à Pesaro au service des ducs d'Urbino (Portrait de Guidobaldo della Rovere, Florence, Pitti), où il décore la villa Imperiale de fresques, auj. disparues. De retour à Florence en 1532, il collabore de nouveau avec Pontormo (villas de Careggi et de Castello) et participe en 1539 à l'entrée à Florence d'Éléonore de Tolède, épouse de Cosme Ier. Chargé du décor de la chapelle d'Éléonore au Palazzo Vecchio, achevé en 1543 (fresques du Déluge, du Serpent d'airain et décor de la voûte), il devient le portraitiste officiel de la Cour et impose bientôt dans un genre étroitement défini un style artificiel et parfait qui dominera très vite l'art de cour en Europe. Les portraits de Cosme Ier, d'Éléonore de Tolède et son fils, de Bartolomeo et de Lucrezia Panciatichi (Offices) isolent, sur un fond neutre, aux savantes perspectives architecturales, des chairs froides et lisses, comme taillées dans une matière précieuse. Bronzino illustre les goûts humanistes de ses modèles en évoquant leurs collections ou leurs lectures (Portraits d'hommes aux Offices, au Louvre, aux musées de Berlin et d'Ottawa et au Metropolitan Museum).

   Vers 1545, Bronzino achève la Déposition de la chapelle d'Éléonore, d'une perfection un peu glacée (musée de Besançon, remplacée dans la chapelle par une réplique), et réalise, à la demande de François Ier, une allégorie compliquée au titre et au contenu largement controversés (Vénus et Cupidon entre le Temps et la Folie, Londres, N. G.), expression capricieuse et savante de ses plus extrêmes exigences formelles. Invité à Rome (1546-48), il y exécute plusieurs portraits.

   Comme Pontormo, il interroge de très près Michel-Ange, dont les motifs tourmentés deviendront, chez lui, sous l'influence de Bandinelli, d'un académisme un peu étouffant (Christ aux limbes, 1552, Florence, S. Croce ; suite de tapisseries de l'Histoire de Joseph, 1546-1553, id., Palazzo Vecchio). Membre de l'Académie du dessin, créée en 1562, il règle, deux ans après, avec Cellini, Vasari et Ammannati, le cérémonial des funérailles de Michel-Ange à S. Lorenzo et succède à Pontormo dans les travaux du chœur de cette même église (fresques disparues).

   Les formes heurtées et la virtuosité un peu conventionnelle des dernières œuvres (Martyre de saint Laurent, 1569, Florence, église S. Lorenzo) seront indéfiniment reprises par les artistes florentins de la fin du siècle, en particulier par son élève A. Allori.

Broodthaers (Marcel)

Artiste belge (Bruxelles 1924  – Cologne 1976).

Subtile et énigmatique, l'œuvre de Broodthaers est difficilement réductible à une définition et à une classification. Proche, en 1945, du groupe Surréaliste révolutionnaire auquel il participe après avoir rencontré René Magritte (1940), avec qui il reste très lié, Broodthaers publie en 1957 son premier livre de poésie, Mon livre d'ogre et réalise son premier film, la Clef de l'horloge. Tout au long de sa carrière, l'importance des jeux linguistiques issus de l'œuvre de Mallarmé et de celle de Magritte se concrétisera dans une série de livres d'artiste (Un coup de dés jamais n'abolira le hasard/Image, 1969 ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes/Charles Baudelaire, 1973), parfois liés à la réalisation d'environnements (Le Corbeau et le Renard de Marcel Broodthaers, 1968, Anvers, Wide White Space Gal.). De 1964, date de sa première exposition (Moi aussi je me suis demandé si je ne pouvais pas vendre quelque chose..., Bruxelles, gal. Saint-Lambert), à 1970, Broodthaers crée des œuvres à base de coquilles de moules (la Panne, 1967, Calais, musée des Beaux-Arts), d'œufs (l'Erreur, 1966) souvent peints, objets sans valeur, mais fragiles, jouant sur le rapport entre les choses et leur dénomination, dans la lignée de Magritte (la Malédition de Magritte). Il produit aussi des objets fonctionnant par un jeu de métonymies (le Costume d'Igitur, Strasbourg, M. A. M.). De nombreuses œuvres interrogent le seul signifiant linguistique, formant des collections de lettres et de mots (Un coup de dés, 1969), aboutissant à des séries mettant en question les modes de représentations des significations des noms et des mots (Rubens, 1973, Paris, M. N. A. M.). Fils spirituel de Mallarmé, de Magritte, de Duchamp et des surréalistes, Broodthaers va chercher à révéler sans démagogie la réalité politique et sociologique de notre environnement, à partir d'un langage symbolique, allusif et référentiel, puzzle d'éléments divers sans lien apparent (objets, dessins, textes, photos, films). À partir de 1968, date de la fondation du " musée d'Art moderne, Département des aigles " hiérarchisé en sections et départements, fixé successivement à Düsseldorf (1970) puis à Londres (1972), Broodthaers crée son propre musée, présenté, sous des formes chaque fois différentes, dans des villes successives (Bruxelles, 1968 ; Anvers, 1969 ; Düsseldorf, 1970-71-72 ; Cologne, 1971 ; Kassel, 1972). Rassemblement d'objets divers (caisses d'œuvres, cartes postales à Bruxelles, par exemple) mettant en cause le caractère précieux des œuvres d'art et la permanence de la collection, ce musée, fiction de l'artiste, est un détournement mais aussi un éloge du rôle de l'institution et de ses classifications (ainsi à Düsseldorf, le " Département des Aigles " présente trois cents représentations d'aigles toutes marquées " ceci n'est pas une œuvre d'art "). De septembre 1974 à octobre 1975, Broodthaers réalise une série de six grandes expositions, résumés de sa carrière (Bruxelles, palais des Beaux-Arts : " Catalogue-catalogues " ; Bâle, Kunstmuseum : " Éloge du sujet " ; Londres, I. C. A. : " Décor " ; Paris, C. N. A. C. : " l'Angélus de Daumier "). Des rétrospectives ont eu lieu à Londres, Tate Gallery, 1980 ; à Rotterdam, B. V. B., 1981 ; à Minneapolis, 1989 ; à Paris (Jeu de Paume), 1991-1992.