Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

peintre

Celui ou celle qui exerce l'art de la peinture. L'expression " artiste peintre " est presque tombée en désuétude.

   La définition du " peintre " a connu des variantes suivant les époques et les différentes catégories de peintures. Au Moyen Âge, on désignait ainsi essentiellement ceux qui exécutaient les peintures murales, parfois aussi ceux qui ornaient les manuscrits, encore que la distinction fût généralement faite entre " pictor " et " illuminator " (enlumineur). Pour les femmes, on employait le terme d'" enlumineuse " ou d'" enlumineresse ".

   Dès le XIVe s., en France, le métier de peintre fut organisé et en quelque sorte codifié dans les statuts des premières communautés laïques de " paintres et paintresses ", tels que nous les connaissons grâce au Livre des métiers d'Étienne Boileau. D'après ces statuts, les peintres regroupés dans les communautés étaient assimilés à de simples artisans et ne se distinguaient en rien des peintres en bâtiment. Toutefois, à l'intérieur d'un même atelier, le travail se spécialisa ; il était exécuté par des compagnons sous la direction d'un patron, ou maître. Certains peintres, tels les peintres " imagiers ", ou " imagineurs ", se chargeaient de la polychromie des statues, tandis que les peintres selliers exécutaient les décors de sellerie et travaillaient essentiellement sur le cuir. Enfin, le peintre dit " de plate peinture " travaillait sur des supports plans (retables, polyptiques, tableaux, murs). Les ateliers d'enlumineurs (qu'on nomme aussi dès le XVIe s. " miniaturistes ") connaissaient la division du travail. Les historieurs y peignaient des scènes à personnages ; certains d'entre eux, même, étaient spécialisés dans les scènes de paysages (Champaignes), alors que d'autres l'étaient dans l'exécution des figures. Aux vignetteurs revenaient les décorations marginales de rinceaux, de bordures, de vignettes, de babouineries, etc. ; cependant, pour établir une ligne de démarcation entre les artistes et les artisans, certains seigneurs et princes prirent à leur service, dès le XIVe s., des peintres de talent. Ceux-ci portaient souvent le titre de " valet ", ou " varlet ", et étaient en général attachés à la garde-robe. Au XVIe s., ce traitement de faveur ne tenait pas les peintres à l'abri de la surveillance des jurés et gardes de leur communauté. Sous l'Ancien Régime, le titre de " Premier peintre du roi " désignait l'artiste chargé de la surveillance des travaux de peinture et de sculpture commandés par le roi (Le Brun, en 1662, et Mignard, en 1690, assumèrent cette charge). L'Académie distinguait, en son sein, les peintres selon le genre d'œuvres qu'ils exécutaient : peinture d'histoire, peinture de genre, portrait, etc.

   Au XIXe s., selon l'Académie, le peintre est un artiste qui " représente les objets de la nature sur une surface plane, comme s'ils étaient en relief ". Comme au XVIIIe s., on classe alors les peintres selon le genre dans lequel ils excellent : peintres d'histoire — qui représentent les actions des divinités ou des hommes, l'histoire sacrée ou profane, la mythologie —, peintres de paysages — qui exécutent des paysages, des fabriques, des animaux, des ruines —, peintres de batailles,de marines, de genre, de portraits. De nos jours, ces distinctions n'ont plus cours ; elles n'ont d'intérêt que rétrospectif et restent à l'usage des historiens de l'art. On peut désigner les peintres selon les techniques ou les matériaux qu'ils utilisent : fresquistes, émailleurs ou peintres sur émail, peintres-verriers, aquarellistes, pastellistes. (Voir ACADÉMIE, CORPORATION, GILDE.)

Peire (Luc)

Peintre belge (Bruges 1916  – Paris 1994).

Luc Peire a étudié à l'Académie de Bruges puis a été élève à l'école Saint-Luc de Gand et à Anvers, à l'Institut supérieur des beaux-arts, où il a eu comme professeur Gustave Van de Woejstyne. En 1937, il travaille dans l'atelier de Constant Permeke. Sa première exposition a lieu en 1938 à Bruges : son art est alors marqué par l'Expressionnisme. Au début des années 50, il réalise des tableaux qui montrent l'influence de Picasso et d'André Marchand (la Jatte, 1953, coll. de l'État belge, qui est une nature morte ; Synthèse, 1953, qui est une scène d'intérieur). Ses compositions témoignent déjà d'un goût particulier pour l'étirement des figures et un traitement original de l'espace, qui va se concrétiser quelques années plus tard dans un tableau comme le Nouvel Empire (1956, coll. K. L. M., Amsterdam), où, si l'on devine encore la place du ciel, de la terre, de deux personnages et d'une architecture, ce qui prime est bien la recherche de structures à travers un réseau de lignes verticales. Tessa (1957) présente encore un personnage dans un intérieur, mais il ne s'agit plus que de disposer un réseau de surfaces et de lignes verticales parallèles dans une trame orthogonale, tandis que Manolete (1957, Bruges, Stedelijk Groeningemuseum) continue à privilégier le jeu du clair-obscur. À partir de 1959, Luc Peire est devenu un peintre complètement abstrait, ses tableaux montrant simplement un réseau de lignes verticales parallèles créant des cadences à l'intérieur d'un registre horizontal, les titres des tableaux restant évocateurs d'un site, d'un moment de la journée, d'une impression. En 1959, Luc Peire s'installe à Paris : il a sa première exposition personnelle à la gal. Hautefeuille. À partir de 1965, Luc Peire va se consacrer à la série des " graphies ", dans laquelle les contrastes de bandes striées de lignes plus ou moins épaisses et de bandeaux horizontaux parallèles sont peints sur toile ou sur des supports de formica ou de masonite, ayant pour effet d'accentuer l'aspect industriel et mécanique de ses tableaux (Côte d'Or, 1983). Luc Peire se préoccupe aussi de faire passer ses recherches dans l'environnement ; il réalise des espaces dont les murs sont occupés entièrement par ses formes striées, l'effet étant accentué par un jeu de miroirs disposés au sol et au plafond. L'artiste a aussi abondamment pratiqué la gravure (Élégie, 1968 ; Incantation, 1988).

   Une exposition a été consacrée à l'artiste (Paris, musée du Luxembourg) en 1989 et une rétrospective (Anvers, M. R. B. A.) en 1995.