collage
Procédé consistant à coller et à assembler sur un support des fragments de matériaux hétérogènes et en particulier des papiers découpés (dans ce cas, on dit plutôt papiers collés). Ces différents matériaux peuvent ou non voisiner avec la matière picturale à l'intérieur d'une même composition. Les Japonais exécutaient déjà des collages au Xe s., mais le procédé est essentiellement un moyen d'expression du XXe s. à partir du Cubisme ; Braque, Picasso, Juan Gris ont élaboré av. 1914 des œuvres faites de papiers collés avec seulement quelques rehauts à la gouache ou à l'huile (Picasso : Homme à la pipe, 1914, Paris, musée Picasso). À la suite du Cubisme, la plupart des artistes de l'avant-garde européenne et américaine, de Malévitch à Severini et Dove, ont pratiqué le collage, dont la nouveauté stimulait l'invention créatrice à un moment où la technique traditionnelle de l'huile n'était pas adaptée à l'esprit de l'époque. Dada et le Surréalisme, moins soucieux de construction plastique que leurs devanciers, l'orientèrent après la guerre de 1914 vers des effets poétiques inédits (Picabia : Femme aux allumettes, 1920) ; Kurt Schwitters y fit entrer les matériaux les plus inattendus (tickets de métro, détritus divers), et Max Ernst des gravures et des photos découpées (Une semaine de bonté, 1934). Exploité à titre expérimental surtout durant l'entre-deux-guerres (papiers déchirés d'Arp, 1932), le collage est redevenu, à partir de 1960 env., une technique très pratiquée, sous l'influence en particulier des grandes gouaches découpées et collées que Matisse avait exécutées à la fin de sa carrière (exposées en 1953, puis au musée des Arts décoratifs à Paris en 1961) et à la suite du phénomène de saturation qu'avait entraîné la trop abondante production de tableaux de chevalet dans les années 50. Les affiches lacérées et collées de Rotella, de Hains et de Villeglé, réalisées sous l'égide du Nouveau Réalisme (1960), sont des collages à l'échelle monumentale. Désormais, bien des artistes que séduisent l'intervention du hasard technique et celle, complémentaire, de la manipulation des matériaux pratiquent, de temps à autre, entre des travaux sollicitant une attention différente, le collage (collages d'ailes de papillons de Dubuffet, 1953 ; collages de Jorn, gal. Jeanne Bucher, 1969). La construction d'objets plus ou moins complexes à trois dimensions est une dérivation qui s'est développée très tôt (Picasso : Construction : Verre pipe as de trèfle et dé, 1914, Paris, musée Picasso).
Collantes (Francisco)
Peintre espagnol (Madrid v. 1599 – id. 1656).
Élève de Vicente Carducho, fortement influencé par la peinture flamande et italienne, il est le meilleur représentant en Espagne d'un genre de paysage touffu, d'origine flamande, articulé en nombreux plans lumineux et peuplé de petits personnages d'inspiration vénitienne ou napolitaine (le Buisson ardent, Louvre ; Agar et Ismaël, musée de Providence, Rhode Island ; la Vision d'Ézéchiel, 1630, Prado). Ses tableaux religieux, où prennent place de grandes figures, s'apparentent étroitement à ceux de Ribera (Saint Onufre, Prado). Très apprécié à son époque, il exécuta, v. 1635, pour le palais du Buen Retiro, une série de peintures, aujourd'hui dispersées, aux motifs bibliques et mythologiques (la Chute de Troie, Prado), qui le rattache à l'école napolitaine contemporaine.
colle
Substance agglutinante, d'origine végétale ou animale, entrant dans la composition des préparations, des enduits, de certaines émulsions et peintures à la détrempe.
Les colles, dont les propriétés sont connues depuis l'Antiquité, se regroupent en deux catégories : les colles végétales et les colles animales. Les colles d'origine végétale (telles que les colles de pâte, de seigle, d'amidon ou de dextrine) sont utilisées généralement pour les impressions ou les encollages sur des fonds très absorbants. Les colles d'origine animale jouent un rôle essentiel dans la protection des supports en bois ou en toile (colle de parchemin ou de peaux, colle totin, béticol, colle de gélatine, colle de fromage ou de caséine : la caséine combinée avec l'eau et l'ammoniaque ou la chaux donne, après dessiccation, une matière très résistante) et dans la préparation des peintures à l'œuf (albumine) ou à l'eau.
collections et collectionneurs
Le collectionneur préfère être considéré comme un amateur, même s'il est fier de sa collection, qui est son autoportrait, à la fois sa création et son portrait. Il est vrai que le terme de " collectionneur " remonte au XIXe siècle bourgeois, alors que la collection, ou la pinacothèque, a d'antiques lettres de noblesse, depuis Pline. Une définition de la collection de peintures est pourtant impossible, tant la nature (tableaux mobiles ou non), le statut des objets (valeur d'usage ou artistique) et les rapports qui unissent la collection à son propriétaire sont multiples.
Du studiolo à la galerie
L'émergence du collectionnisme pictural est aussi long et complexe que celle de la reconnaissance d'une valeur autonome à la peinture. Au sein du cabinet de merveilles et d'art, héritier de la chambre du trésor médiévale, les tableaux ne brillent guère. Pourtant, un rapport privé de jouissance artistique entre le propriétaire et l'image peinte qu'il possède est attesté à la cour d'Avignon au XIVe siècle, entre le cardinal Orsini et son polyptyque portatif peint par Simone Martini, ou entre Pétrarque et le portrait de Laure du même artiste. Les collections apparaissent avec le gothique international vers 1400, quand est reconnue à la peinture la capacité de représenter les beautés du monde terrestre, comme le prouvent les écrits des humanistes émerveillés par les œuvres de Jan Van Eyck ou de Rogier Van der Weyden que possèdent les princes d'Este à Ferrare ou le roi d'Aragon à Naples. Cependant Lionel d'Este (duc de 1441 à 1450) préfère rassembler gemmes et médailles pour assurer son statut de prince de la Renaissance. Si une collection de tableaux indépendants (une galerie de portraits) est citée dans l'inventaire de Jean de Berry († 1416), un des premiers grands collectionneurs, les princes de la Renaissance, des ducs de Bourgogne au cardinal Alexandre Farnèse, accordent une bien plus grande importance aux représentations décoratives, tapisseries ou fresques, dans leurs palais, et les collections de portraits ne peuvent concurrencer la possession d'œuvres antiques. C'est à Florence, grâce au mouvement néoplatonicien, que la peinture conquiert ses droits dans la collection, au milieu des sculptures contemporaines et des objets précieux, chez Pierre et Laurent de Médicis ; c'est dans les cours humanistes de l'Italie du Nord, Mantoue et Ferrare, avec le studiolo, que l'œil du commanditaire profite de la beauté de la peinture ; Isabelle d'Este rassemble ainsi des toiles de Mantegna, Costa, Pérugin, et plus tard de Corrège.
En partie grâce aux guerres d'Italie, le modèle se diffuse dans toute l'Europe, d'Henri VIII à Marie de Hongrie, la sœur de Charles V, gouvernante des Pays-Bas de 1531 à 1556, qui possède plusieurs primitifs flamands, dont les Époux Arnolfini de Jan Van Eyck. La collection de François Ier est caractéristique de l'ambiguïté de ce collectionnisme. L'attitude du roi est certes très moderne : il souhaite des œuvres d'un artiste précis, achète à des marchands, relègue le Wunderkammer en haut du donjon ; mais les tableaux religieux sont accrochés dans des chapelles à des fins dévotionnelles (la Grande Sainte Famille de Raphaël), les autres sont encastrés dans le décor de l'appartement des bains de Fontainebleau. La puissante famille Farnèse veut faire de sa collection un musée, encyclopédique dans son contenu, quitte à posséder des copies, et pédagogique dans ses fins. L'intérêt de Philippe II pour la peinture — les scènes mythologiques de Titien, appelées des " poésies " par les contemporains, ou les œuvres des maîtres flamands anciens et contemporains — est plus marqué ; le roi acquiert 1 500 tableaux durant son règne. À peu près le même nombre d'œuvres, notamment (des toiles de Dürer, de Corrège) ornent le palais de Rodolphe II à Prague, mais chez les Habsbourg comme chez l'Électeur de Saxe à Dresde, le modèle de la collection autour de 1590 reste le Kunst und Wunderkammer. Dans la tribune des Offices, inaugurée en 1584, chefs-d'œuvre de Raphaël et d'Andrea del Sarto sont placés à côté de deux meubles-studioli de bois précieux renfermant des merveilles naturelles et gemmes antiques ; dans la galerie trônent les sculptures antiques, justement célèbres. À Venise, dès les années 1520, apparaît un goût certain pour le tableau de chevalet et les collections de peintures se développent chez les lettrés et le patriciat. Celle de Gabriele Vendramin se compose de 60 peintures " de mains d'hommes très excellents, et de grand prix " (testament de G. Vendramin) ; Barbarigo possède exclusivement des tableaux, dont plusieurs Titien. C'est là qu'apparaît le premier guide de collections (Michiel) et le terme de " paysages " à propos de peintures privées, dans la collection Grimani.
Au début du XVIIe siècle, dans l'Europe des grandes monarchies, qui forme un arc de cercle de Londres à Vienne en passant par Madrid et Rome, trois modifications fondamentales concernent les collections. Les beaux-arts, et notamment la peinture, y tiennent une place de plus en plus importante, voire exclusive : lorsque Catherine de Suède abdique, elle n'emporte à Rome que ses tableaux, alors que sa collection s'est enrichie de celle de Rodolphe II après le sac de Prague (1648). La collection n'est plus uniquement le fait du prince, mais aussi celui d'une élite noble. À Londres, Charles Ier est entouré du " Whitehall group " (Arundel, Buckingham) qui suit l'exemple de Somerset ; à la cour romaine, le pape privilégie la collection du cardinal-neveu (Paul V-Scipione Borghèse, Urbain VIII-Maffeo Barberini) que concurrencent familles anciennes (Farnèse) au nouvellement venues (Del Monte) ; le patriciat urbain de Gênes (Doria, Balbi) ou les familles illustres de Naples se mettent à collectionner. Le lieu de cette collection n'est plus le cabinet, mais la galerie qui vient de recevoir ses lettres de noblesse du cavalier Marin. Cette forme nouvelle, ordonnée, de la disposition commence à reconnaître certaines règles, que formule Mancini, le médecin d'Urbain VIII, afin de permettre une comparaison des manières, et le développement du connoisseurship. La multiplication des collections privées assure l'essor d'un nouveau type de peinture, le tableau de chevalet (" quadro di stanza ") et de nouveaux genres (le paysage et la nature morte). Le patron d'un artiste peut alors être un simple collectionneur (Giustiniani, Del Monte pour Caravage). Ces collections s'enrichissent par des commandes et, pour l'art ancien, à l'occasion de certaines grandes ventes, à l'amiable (Gonzague en 1627), ou publiques (Charles Ier en 1649). Dans les villes marchandes du nord de l'Europe, à Anvers aussi bien qu'à Delft, les collections de peintures se développent chez une élite bourgeoise, mais le phénomène en Hollande est plus limité qu'on ne l'a cru (environ la moitié des œuvres de Vermeer appartenait à P. Claesz Van Rujnen, qui est en quelque sorte le patron de l'artiste) ; elles sont souvent disposées dans un cabinet (W. Van Glaecht, la Collection de Cornelis Van der Gheest, Anvers, Rubenshuis) et encore fortement locales, mais l'ami et le collectionneur de Rembrandt, Jan Six, à Amsterdam, possède des dessins de peintres italiens et des gravures de maîtres allemands du XVIe siècle. Quelques grands marchands d'envergure internationale (Forchondt à Anvers, qui fournit l'archiduc Leopold Guillaume, dont la collection émigre de Bruxelles à Vienne en 1656) garantissent un certain lien entre les deux zones. Cet engouement des nobles pour la peinture et la publicité qui lui est donnée (le Theatrum Pictorum de Teniers pour la collection de l'archiduc Leopold Guillaume, 1660) renforcent l'ennoblissement de la peinture. Dans les grandes villes italiennes, à partir de 1670, la galerie de peintures chère à une élite de mécènes ou de marchands cède place à la collection de tableaux, devenue une norme pour la noblesse. Dans les salons, les toiles commandées aux artistes locaux couvrent les murs et les genres décoratifs (nature morte, paysage) se multiplient. Ce modèle de collection patrimoniale est repris par la noblesse d'Europe centrale (le prince de Liechtenstein).