Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bourdichon (Jean)

Peintre français (Tours [ ?] v.  1457  – id. 1521).

Peintre de Louis XI, de Charles VIII, de Louis XII et de François Ier, à Tours, réputé et chargé de commandes qui nécessitent la collaboration d'un vaste atelier, Bourdichon est essentiellement connu aujourd'hui comme enlumineur — à part un triptyque de la Vierge à l'Enfant entre les deux saints Jean (Naples, Capodimonte). Élève de Fouquet, et peut-être héritier de son atelier, il ne gardera de son exemple que la simplicité des formes et la tranquillité des compositions. Bourdichon n'a pas un génie dramatique ; il traite ses figures en grands premiers plans colorés sans liaison avec l'espace environnant : conception décorative et non réaliste, qui se traduit dans son goût pour la beauté inanimée et son indifférence à l'uniformité des types comme à la répétition des motifs, dans son amour de l'exécution soignée et du luxe de l'ornementation. Ses œuvres tardives, les plus caractéristiques (Heures d'Aragon, v. 1501-1504, Paris, B. N. ; Grandes Heures d'Anne de Bretagne, payées en 1508, id. ; Missel de Tours, v. 1504-1511, id.), révèlent sa curiosité pour les nouveautés de son temps ; mais, à l'école ganto-brugeoise ou à la Renaissance italienne contemporaine, il emprunte surtout des motifs ornementaux ou des formules de composition. Il est le représentant typique d'un art de cour fait pour plaire par sa somptuosité ; ce parti se perpétuera chez ses disciples de l'" école de Rouen ", avec laquelle s'éteindra l'enluminure médiévale.

Bourdon (Sébastien)

Peintre français (Montpellier 1616  – Paris 1671).

Fils de Marin Bourdon, " maître peintre et vitrier ", il fut élevé dans la religion protestante. Il quitta fort jeune sa famille pour s'installer à Paris, où il entra dans l'atelier du peintre Berthélémy.

   À quatorze ans, Bourdon abandonne la capitale. Selon ses biographes anciens, il aurait peint à fresque une voûte dans un château de la région de Bordeaux. Puis, à Toulouse, il s'engage dans l'armée et aurait été libéré de ses engagements grâce à un capitaine bienveillant. Bourdon arrive vers 1634 à Rome, où séjournent alors des peintres qui auront une influence capitale sur son œuvre, tels Van Laer, Poussin, Claude, Castiglione, Sacchi. Très vite, Bourdon se fait connaître en pastichant ces derniers avec talent. Ainsi, de nombreux tableaux sont restés jusqu'à ces dernières années attribués aux peintres " pastichés ". À côté de son talent d'imitateur, Bourdon pratique un genre bien personnel de bambochades caractérisé par une science de la construction, rare dans ce type de tableaux, l'enchaînement des plans, qui jouent habilement des obliques, le refus des expressions vulgaires et surtout le raffinement des coloris usant systématiquement des tonalités claires, Campement (Oberlin, Allen Memorial Museum), comme dans le Four à chaux (Munich, Alte Pin.). Nous connaissons moins bien les tableaux d'histoire exécutés par Bourdon à Rome ; néanmoins, un petit tondo, Céphale et Procris (musée de Prague), en apporte un intéressant témoignage.

   Menacé d'être dénoncé au Saint-Office comme calviniste, Bourdon est contraint de regagner la France en 1637, après une étape à Venise qui orientera son art vers un nouvel esprit poétique, une nouvelle conception de l'espace, l'usage des " repoussoirs " et des arrière-plans lumineux, des rythmes sinueux s'opposant aux lignes rigides de l'architecture : l'Adoration des mages (Potsdam, Sans-Souci), la Mort de Didon (Ermitage) en sont des exemples révélateurs. Ces caractéristiques se retrouvent dans les gravures contemporaines telles que la Visitation, l'Annonce aux bergers, le Baptême de l'eunuque. Comme à Rome, Bourdon peint des bambochades, mais leur style a évolué : dans les Mendiants du Louvre et dans les gravures réalistes de la même époque, les vêtements des personnages,les architectures gothiques révèlent un esprit nouveau. Si l'on considère en outre la délicatesse du sentiment, d'où tout élément caricatural a disparu, le charme d'un coloris jouant des gris et des bleus avivés par quelques taches rouges, la finesse de l'éclairage, on conviendra que Bourdon tire des exemples romains la formule d'une " bambochade à la française ", dont certains traits semblent procéder des Le Nain.

   À partir de 1642-43 semblent intervenir des éléments inspirés des Nordiques : Halte de bohémiens et soldats (Louvre), Scène de camp (musée de Kassel), Joueurs de tric-trac (musée d'Alger), le Fumeur (Hartford, Wadsworth Atheneum). L'Intérieur de chaumière du Louvre a pu être pris pour une œuvre de Kalf, qui précisément travaille à Paris v. 1642-1646.

   En 1643, moment capital dans la carrière de Bourdon, le may de Notre-Dame, un Martyre de saint Pierre (in situ), incline franchement vers le baroque : triomphe des obliques, compression des plans, personnages coupés par le cadre du tableau, effet mouvant des clairs-obscurs. Tout ici s'oppose à l'art de Poussin, venu à Paris en 1640-1642.

   Vers 1645 apparaissent pourtant de nombreuses références à Poussin, comme la clarté des coloris, une géométrie rigoureuse : Eliezer et Rebecca (musée de Blois), Sainte Famille (musée de Salzbourg) et, plus encore, Massacre des Innocents (Ermitage), où l'on retrouve même certains détails du tableau de Poussin du même sujet (musée Condé de Chantilly). En 1648, Bourdon fait partie des membres fondateurs de l'Académie. L'influence profonde des amitiés liées alors se fait sentir dans le Martyre de saint André (musée de Toulouse), tableau proche de Le Brun et de Testelin ; les visages et les nus y sont inspirés de l'antique. Malgré ces influences, Bourdon affirme au long de sa carrière son art tout personnel, aux formes souples et ondulantes traitées dans des coloris clairs, gris bleutés relevés par quelques notes rouges, avec un délicat modelé au " vaporeux " bien caractéristique.

   Invité à Stockholm en 1652 par la reine Christine de Suède, Bourdon accepte sans hésitation : les événements de la Fronde ont bouleversé la France, et les artistes n'ont plus de commandes. Premier peintre de la reine, il réalise plusieurs portraits d'elle, dont le plus célèbre la représente à cheval (Prado) ; celui qui la montre en buste est connu par de nombreuses répliques et par un dessin à la sanguine (Louvre). Il exécute aussi de nombreux portraits des personnalités de la cour de Suède : Charles X Gustave (Stockholm, Nm), Officier (musée de Montpellier). Il trouve une formule qui allie à l'exactitude psychologique la pompe officielle correspondant au rôle social du sujet. L'importance donnée aux draperies cassées, au contraste des blancs ne sera oubliée ni par Rigaud ni par Largillière.

   De retour à Paris en 1654, Bourdon est nommé l'année suivante recteur de l'Académie. À la mort de Le Sueur chargé des cartons pour les tapisseries de l'Histoire de saint Gervais et de saint Protais, les marguilliers de l'église Saint-Gervais lui commandent une Décollation de saint Protais (musée d'Arras). Il fait v. 1656-57 un voyage dans sa ville natale : on lui commande pour la cathédrale la Chute de Simon le Magicien et il peint les Sept Œuvres de miséricorde (Sarasota, Ringling Museum), diffusées par les eaux-fortes qu'il en a faites.

   M. de Bretonvillier, président de la Chambre des comptes, confie à Bourdon, pour son hôtel, toute une décoration peinte, effectuée entre 1657 et 1663. Il ne reste rien de ces décors, détruits en 1840 ; seuls les gravures de Friquet de Vaurose, les dessins de Michel Corneille et de Bourdon lui-même en gardent le souvenir. De la fin de la vie de Bourdon datent ses grands paysages peints ou gravés. Les scènes bibliques, que l'artiste se plaît toujours à peindre, sont maintenant représentées au milieu de grands paysages où, ainsi que dans les gravures, se ressent fortement l'influence de Dominiquin : Paysage avec le retour de l'Arche (Londres, N. G.). Dessinateur fécond et virtuose, Bourdon traite à la sanguine et au lavis paysages et scènes historiques clairement structurés, d'une indication souple et élégante.