Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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fleurs (suite)

Hollande

Seulement 3 bouquets de J. De Gheyn sont connus (1612-1615), alors qu'on sait qu'il était très estimé comme peintre de fleurs. L'artiste a pratiqué l'enluminure, et ses premiers dessins rappellent les travaux de Hoefnagel ; le début de sa carrière se place sous le double signe de l'enluminure et du naturalisme scientifique. La position de De Gheyn en tant que peintre de fleurs reste assez isolée. On a rapproché le seul bouquet connu (v. 1606) du paysagiste Gillis Van Coninxloo des œuvres de ce dernier. Coninxloo eut un élève, le peintre néerlandais Jacob Wouterz Vosmar, dont les Bouquets connus datent aussi de 1615-16. Ambrosius Bosschaert, lui, eut de très nombreux élèves et fut, comme De Gheyn, un réfugié flamand. On connaît de lui 18 Bouquets de fleurs datés, de celui du K. M. de Vienne (1607) à celui du Nm de Stockholm (1620). Il dresse, souvent à l'intérieur d'une niche, de hauts bouquets symétriques sur des fonds estompés de paysage. Ses fleurs sont peintes avec une précision naïve et raffinée, dans une gamme claire, avec une recherche de trompe-l'œil. Bosschaert exerça une grande influence sur tout un groupe de peintres, ses trois fils (Johannes, Ambrosius et Abraham) et son beau-frère, B. Van der Ast, le plus important des suiveurs de Bosschaert, mais la vision du maître est plus globale. Les ordonnances se compliquent. Ces nouveautés décoratives viennent peut-être d'artistes flamands comme Snyders et Adriaen Van Utrecht.

   Un groupe important de peintres évolua dans le climat artistique dominé par Bosschaert l'Ancien et Van der Ast : les trois fils de Bosschaert, dont le plus doué est l'aîné, Johannes ; Bartholomeus Assteyn, actif à Dordrecht ; Christoffel Van den Berghe, qui ajoute une note personnelle de désordre dans l'arrangement de ses bouquets ; Jacob Menel enfin, Allemand qui appartient au cercle des peintres d'Utrecht. Élève d'Ambrosius Bosschaert le Jeune, il peignit pour un Portugais, entre 1637 et 1646, des études de tulipes (" tulpenboeken ") destinées à un horticulteur et formant comme une sorte de catalogue pour ses clients.

   La recherche de la monochromie domine la peinture hollandaise entre 1625 et 1640 dans presque tous les genres. La peinture de fleurs, représentée à cette époque par Roelandt Savery, Anthony Claesz II et Hans Bollongier, se plie moins facilement à une utilisation sobre des valeurs du ton ; elle a besoin des couleurs pour rendre l'essence de l'objet ; ces peintures sont pourtant les témoins de cette évolution. Savery peignit une douzaine de bouquets (de 1603 à 1637) qui ont toujours un axe central avec une fleur au sommet ; installés en général dans une niche, ils ont un premier plan de coquillages, papillons et pétales. Des gris et des bruns et un éclairage moelleux rendus par une touche douce, jamais brillante comme chez Bosschaert, remplacent la bigarrure par une fine harmonie.

   La peinture de fleurs s'est aussi pratiquée à Amsterdam et à Haarlem. À Amsterdam avec Anthony Claesz II, à Haarlem avec Hans Bollongier et Willem Claesz Heda.

   Jan-Davidsz De Heem, peintre flamand-hollandais, donna un renouveau à la peinture de fleurs du nord au sud des Pays-Bas au milieu du siècle. Sa peinture de fleurs, influencée par Daniel Seghers, revêt trois aspects, des cartouches de fleurs et de fruits entourant un motif central, des guirlandes et des bouquets. De Heem est un grand créateur décoratif, mais aucun de ses suiveurs n'eut son éclat, sauf Beyeren. Le grand nombre des élèves et assistants travaillant dans l'atelier de Jan-Davidsz De Heem explique la rapidité avec laquelle son style se propagea en Hollande et dans les Flandres.

   La plupart de ses suiveurs hollandais travaillèrent à Utrecht ou à Leyde. Abraham Mignon fut l'un des plus proches de son style. Ses bouquets sont toujours des symboles de la brièveté de la vie. Willem Van Aelst est le peintre de transition entre de Heem et les peintres de fleurs du XVIIIe s. Cornelis Kick et ses élèves Elias Van den Broeck et Jacob Walscapelle peignirent des bouquets dans le style de De Heem et de Van Aelst. La fin du XVIIe s. et le début du XVIIIe sont dominés par Rachel Ruysch et Jan Van Huysum. Rachel Ruysch, la meilleure des élèves de Van Aelst, peignit surtout des bouquets. Quant à Van Huysum, il fut considéré comme le " phénix de tous les peintres de fleurs ".

France

L'origine de la suite des 6 000 vélins de fleurs conservés au Muséum d'histoire naturelle (Paris) est à chercher dans le mécénat de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, qui fit exécuter des aquarelles sur vélin reproduisant les plus curieuses plantes de son jardin botanique de Blois, aquarelles dont Louis XIV hérita. Celui-ci possédait à Versailles une soixantaine de peintures de fleurs et de fruits de Monnoyer et presque autant de Jean Belin de Fontenay, qu'il appréciait personnellement. Deux témoignages royaux pourraient permettre de penser que le genre est reconnu de tous. Il semble pourtant être victime des préjugés de l'Académie et des doctrines de Le Brun sur la hiérarchie des genres ; Félibien écrit : " Celui qui fait parfaitement des paysages est au-dessus d'un autre qui ne fait que fruits, fleurs ou coquilles... " En fait, à l'intérieur même de l'Académie, les spécialistes du genre ne cessèrent pas d'occuper une place égale et reconnue.

   Au début du siècle, la peinture de fleurs s'inscrit dans le courant de la nature morte internationale de type archaïque nordique. Les peintres français sont influencés par les artistes réformés réfugiés des Flandres. Cette influence s'exerce dans deux domaines, la composition et l'exécution. La peinture de fleurs française, jusqu'en 1640, est dépendante des formules flamandes : composition archaïque, perspective plongeante, des objets nettement isolés les uns des autres. Mais les Français clarifient la composition ; il en résulte une plus grande sobriété. L'autre note nordique est visible dans l'exécution de l'objet peint avec fidélité et minutie.

   La France fut sensible aussi aux leçons de l'Italie, qui révéla, avec les Bassano et Caravage, les nouvelles possibilités du clair-obscur. La peinture de fleurs dans la première moitié du XVIIe s. est représentée par J. Linard, L. Moillon, Garnier, révélés à l'exposition des Peintres de la réalité, à Paris, en 1934.

   Une nouvelle génération d'artistes flamands et néerlandais travaille à Paris : Fyt en 1633-34, Kalf en 1642, Van Aelst entre 1645 et 1649 ; nombre d'artistes de cette origine s'établissent dans la capitale et entrent à l'Académie. Parmi les peintres de fruits et de fleurs, Jean-Michel Picart paraît le plus intéressant ; ses bouquets sont remarquables par leur simplicité élégante et la finesse de la lumière.

   Le milieu du siècle voit naître un changement capital dans la nature morte : de simple et intime, elle devient riche et décorative. Cela peut s'expliquer par la création de l'Académie (1648), qui a une influence sur le choix des objets peints dans les tableaux, qui se doivent d'être " nobles ", l'importance du mécénat royal et aristocratique, le contact direct avec les écoles étrangères, notamment les écoles anversoise et romaine.

   En Flandre et en Italie s'élabore un nouveau genre de nature morte, de caractère fastueusement décoratif, appelé à un retentissant succès international. La composition s'alourdit : le vase de fleurs se voit entouré d'autres éléments, tels que tapis, pièces d'orfèvrerie, formant étalage hétéroclite d'objets les plus somptueux. La France fit sienne cette formule recueillie par Nicolas Baudesson et enrichie par Jean-Baptiste Monnoyer.

   Baudesson, lié à Rome avec Mario de' Fiori, fut considéré " comme le plus excellent peintre de son temps, pour ce qui regarde les fleurs " (notice du Mercure galant ). Ses fleurs sont relativement sobres par rapport à celles de son rival Monnoyer. Ce dernier étudia à Anvers. En France, il fit une carrière officielle. Les inventaires des collections royales mentionnent ses tableaux à Trianon, à Meudon, à Marly. Monnoyer apporta, dans la peinture de fleurs, une nouveauté : il ne fut pas seulement un peintre de chevalet, mais aussi un fresquiste. En Angleterre, il peignit chez lord Montaigu, à Hampton Court et à Windsor.

   Il eut de nombreux élèves, dont son fils Antoine, qui travailla avec lui en Angleterre, et, le plus grand de tous, son futur gendre, Belin de Fontenay. Sa carrière fut très brillante. Il débuta avec Monnoyer dans les chantiers royaux, Versailles, Trianon, Compiègne, Fontainebleau ; il fut son successeur aux Gobelins. C'est lui qui créa la nature morte " versaillaise ". Les dessus-de-porte des différents salons du Grand Trianon (in situ) remplissent puissamment leur fonction décorative. La fin du siècle s'achève avec les Huilliot, Claude et son fils et élève Pierre-Nicolas, tous deux auteurs de panneaux décoratifs dans le style versaillais élaboré par leurs prédécesseurs.