Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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De Ferrari (Orazio)

Peintre italien (Voltri 1606  –Gênes 1657).

Ses œuvres les plus connues sont celles de l'oratoire de S. Giacomo, à Marina di Genova (l'Apparition de la Vierge et la Consécration de saint Pierre martyr, datée 1647). De Ferrari y affirme un style très noble, marqué par l'influence de Van Dyck ; mais, en marge des motifs centraux, certains morceaux sont d'un réalisme flagrant et rappellent qu'il a été l'élève d'Ansaldo à la même époque, du reste, qu'Assereto. Des œuvres — toutes à Gênes — comme les deux Scènes de la vie du Christ (G. N., Gal. di Palazzo Bianco), le Saint Augustin (Accad. Ligustica) et le Miracle de l'aveugle (coll. de la Casa di Risparmio) en différent peu et présentent ainsi des compositions très équilibrées et d'une grande élégance formelle.

   La collaboration très étroite d'Orazio avec Ansaldo et le manque de points de repère ne permettent guère de remonter très au-delà de ce groupe d'œuvres homogènes : l'artiste avait près de trente ans et les faits déterminants pour l'évolution de la peinture génoise étaient déjà intervenus quand il peignit la Vierge à l'Enfant avec saint Nicolas de Tolentino (Gênes, S. Agostino) ; les mêmes remarques s'appliquent aux Cènes de l'église S. Siro et de l'église Nostra Signora del Monte. Seul le groupe des Ecce Homo (Chiavari, Ricovero Torriglia ; Brera ; Gênes, Coll. Costa) nous renseigne un peu sur les débuts du peintre, en nous montrant ses hésitations entre la manière tardive des peintres milanais actifs à Gênes (et de Daniele Crespi en particulier), le réalisme caravagesque de Fiasella et de Vouet et cet accord miraculeux de la vérité et de l'élégance réalisé par Van Dyck dans sa période génoise.

De Feure (Georges-Joseph Van Sluijters, dit Georges)

Peintre, illustrateur et décorateur français (Paris 1868  – id. 1943).

Originaire d'une famille en partie javanaise, il fit divers métiers en Hollande, où ses parents étaient retournés, avant de s'installer en 1890 à Paris, où il fut l'élève de Chéret. Il travailla aux décors du cabaret le Chat Noir, collabora à des journaux comme le Courrier français, le Boulevard ou le Figaro illustré (4 illustrations les Femmes, févr. 1900) et produisit un nombre important de lithographies et d'affiches (400 planches env.), qui comptent parmi les réussites de l'Art nouveau et où il représente souvent une femme à mi-corps, traitée dans des tonalités sourdes et raffinées, en teintes plates pour suivre l'exemple de l'art japonais (Isita, 5e Salon des Cent, Paris, Almanach, Paris, musée des Arts décoratifs).

   Il s'intéressa en outre à tout ce qui touche au décor de la maison et créa des modèles de tissus, de papiers peints, de porcelaines, de verreries. Il exécuta en 1898 le décor de la maison Fleury et réalisa, en collaboration avec Eugène Colonna et Eugène Gaillard, le pavillon de l'Art nouveau de Bing à l'exposition de 1900. Il devait poursuivre sa carrière de décorateur et exécuter en 1925, à l'exposition des Arts décoratifs à Paris, les pavillons des villes de Tourcoing et de Roubaix, et il compte parmi les précurseurs du style 1925. Comme peintre, il fut révélé au public par une exposition d'aquarelles en 1894, puis par une exposition de peintures et d'aquarelles en 1901, à l'Art nouveau de Bing ; il traita en général de sujets comme la Course à l'abîme, Fin de lutte, l'Angoisse, Femmes damnées, qui révèlent des préoccupations métaphysiques, souvent inspirées de Goethe, de Berlioz ou de Baudelaire ; il a laissé également des paysages (Petites Maisons en Hollande, av. 1905, Paris, présidence du Sénat), d'où se dégage un certain mystère, comme chez Khnopff ou Degouve de Nuncques. Il participa ainsi au mouvement symboliste, et ses illustrations pour la Porte des rêves de Marcel Schwob (1899) en sont l'un des meilleurs exemples.

De Groux (les)

Peintres belges.

 
Charles (Comines 1825  – Bruxelles 1870). Élève de Navez à l'Académie de Bruxelles, il travailla également à l'Académie de Düsseldorf (1851) ; après avoir exécuté des compositions illustrant le Romantisme historique, alors en vogue, il suivit la leçon de Courbet et se tourna vers un réalisme (l'Ivrogne, 1853, Bruxelles, M. R. B. A.) auquel il resta fidèle jusqu'à la fin de sa carrière et qu'il contribua à imposer en Belgique. Dans un style sobre, aux tonalités assourdies, il a représenté avec sympathie paysans et ouvriers, en attirant l'attention sur la dureté de leur condition (le Brûloir de café, musée d'Anvers), mais sans accent de revendication politique. Il a exécuté également des toiles d'inspiration religieuse (le Bénédicité, Bruxelles, M. R. B. A. ; Pèlerinage à Saint-Guidon, à Anderlecht, 1857, id.), où les emprunts à Leys sont nets. Son influence s'est fait sentir sur les peintres de la Bande noire, sur Constantin Meunier, et certains aspects de ses thèmes se sont prolongés jusque dans l'Expressionnisme flamand. De Groux fut l'illustrateur de Charles De Coster (la Légende d'Ulenspiegel). Il est bien représenté dans les musées de Bruxelles, d'Anvers et de Tournai, ainsi qu'au musée d'Orsay (le Bénédicité, l'Ivrogne, la Mère de l'artiste).

 
Henri (Bruxelles 1867 – Marseille 1930). Fils de Charles, il débuta au cercle d'art l'Essor (1886). Membre des Vingt en 1887, il en est exclu en 1890 pour son attitude injurieuse envers Van Gogh et Lautrec. Il se lia avec Degouve de Nuncques, avec qui il partagea souvent le même atelier. En 1892, il connut un vif succès à Paris avec un Christ aux outrages (Avignon, palais du Roure), en dépit de la composition touffue et de l'accent déclamatoire de ce tableau. À Paris en 1892, il se lia avec Verlaine, Heredia, Louÿs et surtout Léon Bloy. Son inspiration fut largement tributaire du symbolisme littéraire (cycles peints de la Divine Comédie, de la Tétralogie de Wagner), avec des aspects de revendication sociale (le Grand Chambardement, 1893). Il a exécuté de nombreux portraits, d'assez mince mérite, des lithographies, des eaux-fortes ainsi que des sculptures. Son existence, spectaculaire, de bohème impénitent et le caractère étrangement inactuel de son œuvre font de lui un des derniers romantiques. Il passa la fin de sa vie en Provence (Avignon, Vernègues, Marseille) et est abondamment représenté au palais du Roure, à Avignon. Il exécuta deux grandes compositions pour l'escalier de l'Opéra de Marseille.