Bruandet (Lazare)
Peintre français (Paris 1755 – id. 1803).
Paysagiste pasticheur des Néerlandais (J. Van Ruisdael, les Van Ostade, Potter) comme tant de ses contemporains, il montre une prédilection pour les lisières de forêt très fouillées, où il réserve d'agréables contrastes lumineux dans un coloris clair (3 Paysages caractéristiques au musée de La Fère). Sa collaboration avec Georges Michel reste essentielle pour la formation du paysage naturaliste au XIXe s. Avec L. G. Moreau, il fut l'un des premiers à s'inspirer directement des forêts de l'Île-de-France, celle de Fontainebleau en particulier.
Bruce (Patrick Henry)
Peintre américain (Long Island, Virginie, 1881 – New York 1936).
Élève de Robert Henri à la New York School of Art en 1902-1903, il s'établit en 1907 à Paris et entre à l'académie de Matisse, 56, rue de Sèvres, fréquentée par de nombreux peintres américains. Ayant fait la connaissance de Gertrud et Leo Stein, il est vivement intéressé par les théories de Robert Delaunay, chez qui il travaille de 1912 à 1914. Marqué par le Cubisme, il est d'abord proche du Synchromisme de Macdonald-Wright et de Russel puis se forge un style original au chromatisme affirmé, aux formes géométriques puissamment synthétisées et imbriquées les unes dans les autres mais dans lesquelles la perspective et les ombres continuent de jouer. Il intitule ses tableaux " Peinture ", " Nature morte " ou " Formes " mais ses compositions sont déjà abstraites. Il expose à l'Armory Show à New York en 1913, au Salon des indépendants à Paris en 1914, au premier Deutscher Herbstsalon de Berlin.
L'art de Bruce est considéré comme l'une des formes d'abstraction les plus intéressantes des années 20. Quoique soutenu par Katherine Dreier, qui l'exposa à la Société anonyme à partir de 1920, et par Michel Seuphor, Bruce, en 1932, brûlait la presque totalité de sa production, à l'exception de 21 œuvres, dont il fit don à son ami l'écrivain Henri-Pierre Roché. Quatre ans plus tard, il se donnait la mort.
brücke (die) , en français " le Pont "
Origine et participants
Nom du groupe formé en 1905 par quatre élèves de l'École technique supérieure de Dresde, où ils avaient commencé des études d'architecture : Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Karl Schmidt-Rottluff et Fritz Bleyl, dont la participation fut marginale (on lui doit quelques gravures) et qui retourna en 1909 à l'architecture. Schmidt-Rottluff est l'inventeur du terme, qui exprime la volonté de rassembler toutes les tendances non académiques en Allemagne. En effet, de nouvelles adhésions eurent lieu en 1906, celles d'Émile Nolde, qui se retira dès l'année suivante, de Max Pechstein, du Suisse Cuno Amiet et du Finlandais Axel Gallén-Kallela. Enfin, en 1910, Otto Mueller fut la dernière recrue. Les trois premiers fondateurs, suivis par Pechstein, sont les personnalités les plus représentatives du groupe, au sein duquel Kirchner exerça un réel ascendant. Mueller, tardivement associé, resta toujours égal à lui-même. Amiet et Gallén, beaucoup plus âgés, n'avaient été sollicités qu'en raison du caractère quelque peu moderniste de leur œuvre (informée en particulier du Symbolisme et de Gauguin), mais ils ne pouvaient retenir longtemps l'attention des jeunes artistes ; ceux-ci étaient en revanche justement intéressés par Nolde (Schmidt-Rottluff lui écrivit pour lui demander de se joindre à eux), mais son tempérament individualiste ne put s'accommoder de l'esprit collectif de leurs recherches.
Dresde (1905-1911)
Mettant en commun leurs ressources, pratiquant simultanément différentes techniques, ils ont décoré leur atelier, fabriqué eux-mêmes tous les meubles, et, usant d'un droit de libre critique mutuelle, les membres de Die Brücke tentèrent de lier étroitement l'art et la vie. Jusqu'au transfert du groupe à Berlin (1911), la précarité de leurs moyens matériels fut une entrave permanente (toiles grattées et repeintes, blocs de bois ou pierres lithographiques réutilisées) et elle explique la rareté des témoignages concernant leur activité initiale, qui s'effectua dans une atmosphère d'excitation créatrice intense, hautement érotique. Ce dernier caractère est associé au sentiment d'une effusion panthéiste avec la nature, et nombreux sont les sites où ils peignent le modèle nu en plein air : lac de Moritzburg près de Dresde, Dangast dans l'Oldenburg, l'île Fehmarn (Pechstein : Au bord du lac, 1910). L'œuvre graphique (sur bois, principalement) de Die Brücke est important, précédant l'œuvre peint, et donne la meilleure idée du talent de ses artistes ; Kirchner avait étudié dès 1898, à Nuremberg, les xylographies de Dürer et des primitifs allemands et en vanta les mérites à ses compagnons, plus sensibles dans leurs débuts aux élégantes flexions du Jugendstil. L'influence de la gravure ancienne se conjugua rapidement avec celle de la plastique africaine, découverte par Kirchner au Musée ethnographique de Dresde en 1904 ; avec celle de l'estampe médiévale, et surtout avec celle de l'art nègre, auquel Die Brücke demande une leçon de synthèse expressive, destinée, notamment dans les représentations féminines, à accentuer les caractères sexuels. En 1906 parut un manifeste, sous forme d'un bois gravé de Kirchner, et des albums de gravures furent publiés chaque année, consacrés de 1909 à 1912 à l'un des artistes, la couverture étant l'œuvre d'un camarade (1909 : album Schmidt-Rottluff, couverture de Kirchner). La conquête d'un style pictural homogène s'accomplit plus lentement, car la tradition germanique était là beaucoup moins forte et les sollicitations étaient diverses, de Munch, alors très célèbre en Allemagne, à Gauguin et à Van Gogh, ce dernier exposé à Dresde en 1905. Il en résulte, pendant la période de Dresde, des tableaux très inégaux montrant une assimilation imparfaite de la couleur et plus encore de la manière de la poser. Leur expérience des techniques graphiques et de l'utilisation du support absorbant qu'est le papier gêne ces artistes dans le maniement de la pâte. D'autre part, ils éprouvent une difficulté à faire passer les stylisations abruptes de leurs gravures dans leurs toiles, dont le réalisme, souvent littéral, est frappant. Aussi les meilleures œuvres sont-elles, assez paradoxalement, celles où les moyens de la gravure ont pu être adaptés : personnages sommairement silhouettés ou d'un dessin cerné, anguleux ; couleurs violemment contrastées, réparties en nappes à peu près juxtaposées ; pas de travail en profondeur de la matière ; guère de variété dans l'exécution (Heckel : Bal au village, 1908, Berlin, N. G. ; Kirchner : Marzella, 1910 ; Schmidt-Rottluff : Lofthus, 1911, musée de Hambourg, Kunsthalle). Les expositions de Die Brücke de 1906 à 1910 (la dernière seule comporta un catalogue) touchaient peu le public.
Berlin (1911-1913)
Berlin devenait le centre de la vie artistique en Allemagne, et tout le groupe, à la suite de Pechstein, s'y établit en 1911. Une autre influence, décisive pour la peinture, se fit jour : celle du Cubisme, que Walden accueillait dans sa galerie Der Sturm. Ce que l'exemple de Munch, de Gauguin, de Van Gogh ou des fauves n'avait pu apporter au style de Die Brücke, le Cubisme, dans une certaine mesure, le lui offrit : une manière plus efficace de résumer énergiquement la forme, car il s'agit toujours de hausser la tension expressive du motif, jamais de procéder à une investigation analytique de l'objet. Des accords plus froids (bleu-vert) ou plus sourds (gamme des ocres et des terres) apparurent en même temps (Kirchner : Groupe d'artistes de Die Brücke, 1912, musée de Hagen). L'évolution de Mueller suivit une direction analogue et le souple rythme décoratif de ses premières baigneuses fit place à une écriture plus aiguë et plus brève (Baigneuses, 1913, musée de Münster). La rédaction d'une chronique du groupe par Kirchner (qui jugeait trop favorablement son propre rôle) fut à l'origine de sa dispersion. Mais, après la période d'affirmation collective de Dresde, les options individuelles, stimulées par d'autres suggestions, s'étaient cristallisées à Berlin. Leurs années de participation à Die Brücke sont pourtant capitales dans l'œuvre de chacun de ses membres.
Historiquement, Die Brücke inaugure la peinture moderne en Allemagne, et particulièrement l'Expressionnisme. Le groupe intégra en effet, avec certes plus ou moins de bonheur, aux innovations apportées de différents horizons, la nostalgie de l'expression que les peintres de la fin du XIXe s. allemand entretenaient en restant tributaires de formules académiques, seulement nuancées d'emprunts soit au Symbolisme, soit à l'Impressionnisme.