Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Carducho (Vicenzo Carduci, dit Vicente)

Peintre espagnol d'origine italienne (Florence  v. 1576  – Madrid 1638).

Il se fixa en Espagne, où il arriva à l'âge de neuf ans avec son frère Bartolomé (Florence 1560 – Madrid 1608) , peintre à l'Escorial, et se forma sous sa direction. Il est la figure la plus influente du monde artistique madrilène avant la venue de Velázquez. Peintre du roi depuis 1609, il reçoit de nombreuses commandes pour le Pardo, le couvent de la Encarnación et l'Alcazar de Madrid avec Cajès, il décore le Sagrario de la cathédrale de Tolède. Très en faveur sous Philippe III, il fut supplanté par Velázquez auprès du nouveau roi. Il vécut dès lors un peu à l'écart, se consacrant au grand ensemble qui devait décorer le grand cloître de la chartreuse du Paular (1626-1632) : scènes de l'histoire de l'ordre, visions, miracles, depuis sa fondation par saint Bruno jusqu'aux persécutions subies pendant les guerres religieuses du XVIe s. Son style, proche de celui des artistes toscans de sa génération (Ludovico Cardi, dit Cigoli), unit la tradition académique et les débuts du naturalisme à un souci de la couleur hérité des Vénitiens. On connaît un certain nombre d'esquisses peintes (Louvre, musée d'Édimbourg). Les 56 toiles qui constituent son œuvre maîtresse ont été malheureusement réparties entre une vingtaine de musées et d'édifices publics.  Carducho est, avant Zurbarán, le grand pourvoyeur des ordres religieux, franciscains, trinitaires, moines de la Merci. Son art probe et savant est souvent un peu froid ; néanmoins, la sincérité du sentiment, la qualité des blancs, le sens du paysage, voire l'emploi timide des procédés ténébristes (en dépit de sa défiance envers Caravage) conservent à son œuvre abondante un intérêt très vif. Il écrivit un ouvrage théorique : Diálogos de la pintura (Madrid, 1633), qui est l'un des plus importants de l'époque en Espagne.

Cariani (Giovanni Busi, dit)

Peintre italien (San Giovanni Bianco [Bergame] 1480-1485  – Venise après 1547).

Descendant d'une famille de Fuipiano, il vécut presque toute sa vie à Venise (on le trouve dès 1509 dans l'entourage de Bellini), exceptions faites pour un séjour à Bergame (v. 1518-1524), suivi peut-être par un deuxième voyage dans la même ville (v. 1527-1532). Aux environs de 1512-1513, Cariani est tenté de s'inspirer du modèle poétique de Giorgione, sans toutefois y céder tout à fait, car à la fluidité du " tonalisme " il oppose les résistances typiques de sa nature lombarde, comme en témoignent le Joueur de luth (musée de Strasbourg) et le Concert (New York, coll. part.). Une couleur chargée, étalée d'une façon énergique et uniforme, jouant de contrastes audacieux, et une grande intensité psychologique sont des traits constants de l'art de Cariani. Dans le Groupe de portraits de la famille Albani (1519, Bergame, coll. Roncalli), la couleur éclaircie et simplifiée permet une extraordinaire dilatation des formes.

   Comme portraitiste, fidèle à son tempérament enclin au concret, il vise à la caractérisation précise du modèle (Portraits d'hommes à l'Accad. Carrara de Bergame, qui conserve le plus important ensemble d'œuvres de l'artiste ; Portraits d'hommes, Ottawa, N. G., et Londres, N. G.). À Bergame, Cariani connut Lotto et renforça sa résistance au " tonalisme ", rencontre vivifiante à laquelle on doit des œuvres d'une grande fraîcheur comme la Pala de San Gottardo (Brera), la Vierge avec des saints (id.) la Résurrection du Christ avec saint Jérôme et saint Jean-Baptiste (1520 id.). Outre les scènes de genre et les compositions religieuses (Montée au Calvaire, Milan, Ambrosienne), Cariani a également traité des sujets mythologiques ou arcadiques permettant le développement du paysage, également important dans la Madone cousant, (v. 1424-28 Rome, P. Barberini), Jeune Femme dans un paysage, musées de Berlin. Il faut noter que l'on a récemment retrouvé quelques fresques de lui à la citadelle de Bergame.

caricature

On peut définir la caricature comme la représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l'exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, à fin nettement satirique ou encore comme l'image infidèle et la reproduction déformée de la réalité.

   Il n'est pas certain que les représentations grotesques de l'Antiquité appartiennent au genre de la caricature, dans la mesure où elles s'appliquent à des personnages imaginaires, dans un contexte religieux et souvent avec un but d'exorcisme. De même en est-il au Moyen Âge des figures de monstres, de diables ou des " infidèles ". La pratique de la caricature apparaît comme un jeu dans l'atelier d'Annibale Carracci, à Bologne, à la fin du XVIe s. Le mot est défini pour la première fois, dans la préface (par Mosini) des Cris de Bologne d'après A. Carracci (1646), comme une méthode de portrait issue d'un souci réaliste, mais dans un but fantaisiste ou comique.

   Le " portrait-charge " (de l'italien caricare, charger) connaît alors une grande vogue en Italie et est importé à la cour de Louis XIV par le Bernin. Cette " méthode " apparaît alors comme un rejet des normes de représentation du corps humain strictement élaborées pendant la Renaissance, une " idéalisation inversée ". Dürer avait déjà mathématiquement exploré les déformations qu'on pouvait faire subir à l'image d'un visage, et Léonard de Vinci, plus empiriquement, avait étudié des visages laids ou monstrueux. Rien n'était plus sérieux que leur démarche : ce n'est qu'une fois ces règles maîtrisées et devenues des codes que, de leur transgression, put naître le comique. Dès le XVIe s., on observe le passage des représentations diaboliques dirigées contre le pape ou contre Luther à la caricature politique ; celle-ci ne s'épanouit, cependant, qu'au fur et à mesure de la montée de la bourgeoisie, particulièrement en Angleterre, où elle devient, avec Hogarth, après 1730, une véritable arme contre l'aristocratie et le " bon goût ".

   En France, la caricature joue également un grand rôle dans les luttes contre Louis XVI, puis contre Charles X. Après avoir libéré la presse en 1830, Louis-Philippe, harcelé par Daumier et l'équipe du journal républicain la Caricature, fondé en 1830, la réprime en faisant valoir que la caricature est plus subversive qu'un texte. Jusqu'à la loi sur la liberté de la presse de 1881, les périodes de répression, plus longues que les périodes libérales, témoignent de la force de la caricature contre les pouvoirs.

   Les théories de Freud sur le " mot d'esprit " ont été utilisées pour expliquer ce pouvoir de la caricature, la transgression des normes du dessin classique étant assimilée à celle des règles du langage et interprétée comme une régression volontaire du dessinateur. Dans la caricature, le dessinateur s'approprie l'espace et soumet son sujet à ses propres règles, le privant de sa permanence et de son autorité. L'abandon des normes classiques dans l'art moderne a naturellement fait perdre de sa force à la caricature proprement dire, qui devient, par exemple avec l'Américain David Levine, un outil de consécration plus que de dérision des gens célèbres.

   Parmi les figures les plus notoires de l'histoire de la caricature, on peut citer : en Italie, au XVIIe s., Ghezzi et le Bernin ; en Angleterre, au XVIIIe s., Hogarth, Cruikshank, Gillray et Rowlandson ; en France, au XIXe s., Daumier, Grandville, Gavarni, Traviès, qui appartenaient à l'équipe du Charivari, puis, sous la IIIe République, Gill, Léandre, Forain, A. Faivre, Grandjouan, Sem ; pendant la Première Guerre mondiale, G. Bofa et H.-P. Gassier ; puis Sennep. L'Allemagne a eu les dessinateurs du journal Simplicissimus (Thomas Theodor Heine, Olaf Gulbransson...), ainsi qu'un G. Grosz. De nos jours, la plupart des dessinateurs de presse ont recours à la caricature, Tim ou l'équipe du Canard enchaîné, par exemple.