Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Van de Velde (les)

Dynastie de peintres néerlandais.

 
Esaias (Amsterdam v. 1590  – La Haye v. 1630). Il fut probablement élève de Gillis Van Coninxloo à Amsterdam. Vers 1612, il devint membre de la gilde de Haarlem, se fit inscrire à celle de La Haye en 1618, puis se fixa définitivement dans cette ville. Il fut le premier à donner du paysage hollandais une traduction vraiment réaliste. Il s'inspira de l'œuvre de Flamands comme David Vinckboons et surtout Jan Bruegel de Velours. Au début du XVIIe s., ce dernier avait déjà peint des paysages simples, où de petites scènes de genre dispersées dans la composition jouent un rôle prépondérant et où les couleurs éclatantes sont cernées de contours bruns. Mais il cherchait surtout l'effet pittoresque, tandis que Van de Velde mettait l'accent sur le dessin. Dans toutes les œuvres de celui-ci, les contours souples et vigoureux des objets et des figures forment le " cadre " de la composition. En outre, dès le début, Esaias Van de Velde utilisa une gamme plus tempérée, moins vive que celle de Bruegel. Après 1618, il adopta une palette monochrome composée des seuls tons jaunes, gris et bruns. Aussi les tableaux de cette période sont-ils très proches de ceux que son élève Jan Van Goyen exécuta à la même époque. La simplicité et la netteté du style caractérisent toute l'œuvre d'Esaias Van de Velde. En répartissant habilement ses figures, celui-ci donna du mouvement à ses tableaux et fut le premier à utiliser les thèmes multiples qui devaient dominer la peinture hollandaise du XVIIe s. : les Patineurs (1618, Munich, Alte Pin.), Paysage d'hiver (1624, Mauritshuis), Paysage animé d'un combat de cavaliers (1623, Rotterdam, B. V. B.), la Partie de campagne (1614, Mauritshuis), Banquet en plein air (1615, Rijksmuseum), Compagnie à table (musées de Berlin), le Bac (1622), Paysage de dunes (1629, Rijksmuseum), Paysage nocturne (1620), Paysage avec ruines (1627), Paysage montagneux (1627), Paysage avec un château (1630, Copenhague, S. M. f. K.). Grâce à la sobriété apparente de la composition et à la discrétion du coloris, ses tableaux semblent être exécutés directement d'après nature, ce qui explique que, depuis l'Impressionnisme, il soit l'un des paysagistes néerlandais du XVIIe s. les plus estimés. Il est également l'auteur de quelques gravures de paysages. Il fut le maître de Jan Van Goyen, P. de Neyn, Asselijn et son fils Anthonie (Haarlem 1617-Amsterdam 1672) , qui exécuta principalement des natures mortes.

 
Willem le Vieux, dit le " peintre à la plume " (Leyde v. 1641 – Greenwich 1693). Frère d'Esaias, il fut le père d'Adriaen et de Willem II Van de Velde. Il est mentionné plusieurs fois à Leyde. En 1672, il se fixa avec son fils Willem le Jeune en Angleterre. Il se spécialisa dans des scènes de batailles navales, d'une technique très particulière ; sur de grandes toiles couvertes d'une couche d'enduit, l'artiste dessinait à la plume et avec beaucoup de précision les batailles navales de son temps. Avant de se mettre au travail, Willem le Vieux se documentait sur les péripéties du combat et les particularités des vaisseaux. Pour représenter l'événement avec la plus grande vérité, il prit même l'habitude d'assister au combat dans un bateau qui lui était réservé. Le Rijksmuseum conserve une importante suite de ses Batailles navales (1665, 1668, 1669), et plus particulièrement 4 tableaux illustrant les victoires de l'amiral Tromp, exécutés entre 1657 et 1659 et provenant de la famille Tromp.

 
Adriaen (Amsterdam 1636 – id. 1672). Après avoir reçu les premiers rudiments de son père et de son frère, Willem le Jeune, il fut, d'après son biographe Houbraken, l'élève de Jan Wynants, mais ses premiers tableaux de pâturages révèlent davantage l'influence de Paulus Potter et de Karel Dujardin. Adriaen fit l'habituel séjour à Rome entre 1653 et 1656.

   De 1658-1660, période de ses premiers chefs-d'œuvre, datent quelques vastes paysages animés de petites figures : Vue de forêt (1658, Francfort, Städel. Inst.), Plage à Scheveningen (1658, musée de Kassel), Scène de plage (1660, Londres, Buckingham Palace), Plage à Scheveningen (1660, Louvre). Après 1660, Adriaen exécuta des peintures à grandes figures, d'une monumentalité discrète. Son style et sa technique n'ont pas subi de modifications importantes entre 1658 et 1672, date de sa mort prématurée ; il existe des répliques identiques de certaines de ses compositions portant trois dates différentes.

   Adriaen fit partie du groupe de peintres néerlandais de la seconde moitié du XVIIe s. qui surent rendre les détails avec une précision minutieuse dans des compositions simples et achevées. La distribution du clair-obscur, la subtilité des contours contribuent à donner l'illusion d'un naturalisme spontané. Adriaen Van de Velde exploita des moyens très simples pour évoquer la tranquillité et l'intimité d'une scène estivale : quelques vaches, des moutons et des chèvres, un ou deux bergers dans un pâturage lui suffisent (Animaux à la rivière, 1664, Louvre). Ces œuvres sont souvent d'une chaleur et d'un éclat méridionaux qui trahissent l'influence des paysagistes italianisants, celle de Nicolaes Pietersz Berchem qui voyagea en italie à deux reprises (v. 1643-1645 et 10 ans plus tard), et de son élève Karel Dujardin, en particulier.

   Plus rares, mais de même qualité, sont ses vues de plage et ses paysages d'hiver : le Patinage sur le canal (1665, Dresde, Gg), les Patineurs (1668, Londres, N. G.), le Canal glacé (1668, Louvre). Pour composer ses tableaux, l'artiste utilisait ses études d'animaux et de figures humaines, qui lui servaient souvent pour différentes œuvres. Vers 1660, il peignit aussi quelques scènes bibliques (l'Annonciation, Rijksmuseum) et des allégories mythologiques : Mercure, Argus et Io (1665, Paris, musée du Petit Palais). Il jouit d'une grande renommée comme peintre de figures. Un contrat a même été conservé stipulant qu'il s'engageait à peindre les personnages des tableaux de Jan Hackaert, et, selon les termes du contrat, ces toiles devaient prendre ainsi une valeur cinq fois plus grande. Il a du reste peint les figures et les animaux des paysages de J. Van der Hagen, J. Van der Heyden, M. Hobbema, Philips Koninck, Frederick Moucheron, Jacob Van Ruisdael, Willem Van de Velde, A. Veerboom.

 
Willem le Jeune (Leyde 1633 – Greenwich 1707). Il se spécialisa, comme son père, Willem le Vieux, dans les marines, et les documents prouvent que les deux hommes collaborèrent étroitement ; il est souvent difficile de faire une distinction entre leurs nombreux dessins, mais, en ce qui concerne les peintures, le style du fils diffère foncièrement de celui du père.

   Les premières marines de Willem le Jeune, conservées au musée de Kassel et datées à partir de 1653, s'apparentent à celles de Simon de Vlieger, chez qui l'artiste a fait son apprentissage. L'étendue marine domine encore le rythme paisible et monochrome des carènes, des voiles et des mâts.

   Vers 1660, Willem commence à peindre les différents motifs — l'eau, les nuages et les vaisseaux — avec plus de subtilité. En même temps, la composition devient plus complexe. Les vaisseaux cessent d'être des figurants pour occuper, souvent placés au premier plan, le centre de la composition. Cette nouvelle conception a sans doute été dictée à l'artiste par l'œuvre de Jan Van de Cappelle, son aîné de dix ans, dont l'influence se fait surtout sentir dans les tableaux qui évoquent la sérénité crépusculaire d'une mer par temps calme (Marine, 1661, Londres, N. G. ; Mer calme, Chantilly, musée Condé). Le talent de Willem revêt des aspects multiples, et celui-ci sait très bien exprimer le dynamisme turbulent des voiliers emportés par la tempête. Ses meilleures œuvres ressemblent à des instantanés vigoureux où la nature est saisie sur le vif ; mais, en les examinant de près, on constate que l'espace et la matière sont traduits par une technique raffinée. Jusqu'en 1672, les Van de Velde, père et fils, travaillèrent à Amsterdam. La guerre et la crise entraînèrent leur départ pour l'Angleterre, où ils obtinrent nombre de commandes.

   À partir de 1674, le roi Charles II leur accorda une pension et Willem le Jeune put utiliser comme atelier la résidence de la reine à Greenwich. Les Van de Velde se spécialisèrent alors dans la représentation de batailles navales et autres événements maritimes. La composition de ces tableaux est souvent très chargée, l'accent étant mis sur l'effet décoratif, et, à la fin de cette période anglaise, l'exécution est aussi plus nonchalante.

   Pour juger objectivement l'œuvre de Willem le Jeune, il faut tenir compte de la faveur que ses tableaux ont toujours rencontrée, surtout en Angleterre où il obtint le titre de " dessinateur de la flotte ". Cet artiste eut en outre beaucoup d'imitateurs qui utilisèrent sa signature ou son monogramme (W. V. V.). Sa production fut énorme ; notons seulement les importantes séries conservées au Rijksmuseum, au musée de Kassel, au Mauritshuis et à Londres (N. G. et Wallace Coll.). Elle présente, en plus de ses qualités artistiques, un intérêt documentaire évident, et il faut également ajouter, en complément aux peintures, de très nombreux dessins conservés au musée maritime de Greenwich.

 
Jan II (Delft 1593 – Haarlem 1641). Fils de Jan I ( ? v. 1568 – Haarlem 1623) et cousin d'Esaias, il fut l'élève en 1613 de Jan Matham à Haarlem ; on suppose qu'il se rendit en Italie vers 1617. Jan II passa le reste de sa vie à Haarlem, mais il est aussi mentionné deux fois à Enkhuizen. Il a exécuté des gravures et des eaux-fortes.

   Au début de sa carrière, Jan Van de Velde choisit ses propres sujets, mais, plus tard, il copia surtout les autres peintres. Ses tableaux (Paysage d'hiver, Rijksmuseum) et surtout ses nombreux dessins, paysages et scènes de marché, prouvent qu'il fut l'un des représentants les plus attrayants du Réalisme hollandais à ses débuts.

 
Son fils Jan III (Haarlem v. 1620 – Enkhuizen [ ?] 1662) travailla principalement à Haarlem. Ses natures mortes, influencées par P. Claesz, tables garnies de pipes présentées sur un fond monochrome, sont d'un charme sans prétention : Natures mortes (1647 et 1651, Rijksmuseum ; 1651, 1653 et 1658, Oxford, Ashmolean Museum ; 1657, Haarlem, musée Frans Hals ; 1657 et 1658, Rotterdam, B. V. B. ; 1660, Mauritshuis ; 1660, musée de Nancy).