Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Giottino (Giotto di Maestro Stefano)

Peintre italien (Florence milieu du XIVe s.).

Son identification est une suite de problèmes inextricables sur lesquels la critique revient sans cesse. Sans doute fils de " Stefano ", il lui fut unanimement attribué par la critique 2 œuvres seulement : la fresque représentant la Vierge sur un trône avec l'enfant, saint Jean-Baptiste, saint Benoît et huit anges (en dépôt aux Gallerie fiorentine et précédemment tabernacle dans la via del Leone) et le célèbre et admirable panneau représentant la Mise au tombeau qui provient de l'église S. Remigio de Florence (Offices). Les renseignements chronologiques le concernant sont très rares : on sait qu'en 1356 Giottino exécuta probablement le tabernacle, qu'en 1368 il était inscrit à la corporation florentine des peintres et qu'en 1369 il travaillait à Rome en collaboration avec Giovanni da Milano. Les 2 œuvres qui nous sont parvenues de lui permettent d'affirmer que l'artiste est, sans aucun doute, l'un des peintres italiens les plus remarquables du milieu du XIVe s., en rapport d'une part avec Maso et " Stefano ", et de l'autre avec Giovanni da Milano.

Giotto
ou Giotto di Bondone

Peintre italien (Colle di Vespignano 1266 – Florence 1337).

Il est considéré depuis toujours comme le rénovateur, en Italie et en Europe, de la peinture qu'il orienta dans le sens du réalisme. Son activité coïncide presque exactement avec la période de la plus grande expansion économique et urbaine que connut Florence, et l'on peut voir en lui l'artiste favori de la nouvelle classe " populaire " (c'est-à-dire bourgeoise) qui dominait alors la ville.

La formation

Giotto naquit, probablement, peu av. 1267 (date consacrée par l'usage) à Colle, fraction de la commune de Vespignano, près de Vicchio di Mugello, dans une famille paysanne, selon la tradition. Cimabue l'aurait " découvert " alors qu'il dessinait les brebis de son troupeau sur un rocher. Il est probable que sa famille s'installa en ville, comme le firent beaucoup d'autres familles en ces années-là, plaçant leur fils dans l'atelier d'un maître local. Son style n'est pas incompatible avec le fait que ce dernier puisse être effectivement Cimabue. À la suite de celui-ci, Giotto aurait pu se rendre pour la première fois à Rome (v. 1280), puis tout de suite après à Assise, villes qui seront rapidement le champ de ses expériences les plus marquantes.

La controverse sur les fresques d'Assise

La critique est fort divisée sur la reconstitution de son activité de jeunesse. La thèse la plus ancienne (Riccobaldo Ferrarese, Ghiberti, Vasari), qui voit en lui l'auteur des fresques de la basilique supérieure de Saint-François à Assise, longtemps combattue, a gagné récemment de nouveaux défenseurs. Ceux-ci trouvent une confirmation de leur opinion dans la tradition (qui remonte à Ghiberti) attribuant à Giotto la Vierge à l'Enfant de l'église de S. Giorgio alla Costa (Florence), dont personne n'ose nier le rapport stylistique avec les fresques d'Assise, et surtout dans la signature " Opus locti Florentini ", que porte le tableau du Louvre. Les scènes peintes sur ce tableau (Stigmatisation de saint François, Songe d'Innocent III, Confirmation de la règle, Prédication aux oiseaux) reprennent avec des variantes infimes, mais fort intelligentes, quatre des scènes d'Assise. On attend toujours, de la part des critiques qui s'opposent à l'attribution à Giotto du cycle d'Assise, une explication convaincante du fait que Giotto eût pu signer les inventions d'un autre artiste. Le grand Crucifix de S. Maria Novella (Florence), qu'un document de 1312 attribue déjà à Giotto, est le chef-d'œuvre florentin de cette première période controversée. Dans cette œuvre, sans doute exécutée v. 1290, l'artiste emploie une manière totalement nouvelle, majestueuse mais en même temps moderne et humaine dans la représentation du Christ mort. Il rompt définitivement avec la tradition du pathétisme byzantin, encore bien vivante dans les Crucifix symboliques de son maître Cimabue.

   Au cours de cette période, Giotto s'affirme et l'influence de son nouveau style, bien que ne représentant encore qu'un courant minoritaire (en effet, en 1295, le chef de la confrérie des peintres est un cimabuesque d'étroite observance, Corso di Buono), commence à se faire sentir dans la peinture florentine (Maître de Varlungo, Maître de San Gaggio, Dernier Maître du Baptistère). Vers 1287 probablement, Giotto épouse Ciuta (Ricevuta) di Lapo del Pela. Il aura d'elle quatre fils (dont Francesco, peintre sans grande renommée, qui est inscrit à la confrérie en 1341) et quatre filles, dont l'aînée, Caterina, épousera un peintre, Rico di Lapo, et sera la mère du célèbre Stefano, père à son tour de Giotto le Jeune, dit Giottino.

   Simultanément à l'exécution des Histoires de l'Ancien et du Nouveau Testament et des Scènes de la vie de saint François (Assise, S. Francesco, basilique supérieure), à laquelle des aides participèrent largement, Giotto va connaître une activité romaine dont il ne reste malheureusement pas d'œuvres indiscutablement autographes. Mais on peut démontrer son influence sur la peinture locale de l'époque (Maître de Vescovio, Magister Conxolus, Cavallini), et, du cycle de fresques exécuté sous sa direction à l'occasion du premier jubilé (1300), il subsiste cependant un fragment en mauvais état (Boniface VIII instituant le jubilé, Rome, Saint-Jean-de-Latran).

Giotto en Italie du Nord : Rimini et Padoue

À ce moment de sa carrière, Giotto a plus de trente ans. Maître pleinement affirmé, il dispose d'un atelier nombreux et a atteint une certaine prospérité financière (ses propriétés à Florence sont mentionnées dans des documents de 1301 et de 1304). On peut désormais dire, avec Dante : " Cimabue croyait être le premier dans le domaine de la peinture, mais désormais c'est Giotto qui en a la renommée. " Ce jugement est confirmé par le fait que Giotto fut le premier peintre toscan à travailler dans l'Italie du Nord, à Rimini et à Padoue.

   La présence de Giotto à Rimini eut une immense répercussion sur l'école locale. De son passage dans cette ville, il ne reste toutefois qu'un splendide mais fragmentaire Crucifix (Rimini, S. Francesco), certainement antérieur à 1309. Mais de son séjour padouan a subsisté dans la chapelle votive d'Enrico Scrovegni le cycle de fresques avec les Scènes de la vie de la Vierge et les Scènes de la vie du Christ, les Allégories des vices et des vertus, le Jugement dernier, unanimement considéré comme l'œuvre majeure de Giotto et celle dans laquelle il laisse le moins de place aux interventions de ses collaborateurs. Des confrontations stylistiques et l'étude de certains documents ont permis de situer la date d'exécution de ce chef-d'œuvre de l'art italien entre 1303 et 1305.

   Par la puissance plastique des figures, la tridimensionnalité des architectures et des objets aux savants raccourcis, l'extraordinaire sûreté de la construction spatiale anticipant sur les recherches perspectives du quattrocento, la sobriété et l'intensité dramatique de la narration des histoires sacrées, Giotto donne un caractère absolu et décisif à la rupture qu'il opéra avec la séculaire tradition byzantine et prend une place tout à fait singulière dans le grand courant de la culture gothique occidentale. En même temps, une utilisation nouvelle de l'éclairage chromatique annonce à Padoue l'abandon progressif par Giotto de l'âpre plasticité qui se manifestait dans le cycle d'Assise. Ici s'amorce un enrichissement graduel de la couleur qui aboutira à la peinture douce et " unie ", libre et raffinée de la période tardive.

La maturité

À partir de 1311, des documents de plus en plus nombreux attestent la présence à Florence de Giotto (1314, 1318, 1320, 1325, 1326, 1327), qui s'emploie activement à l'administration de ses biens. C'est ainsi qu'en 1314 il n'intente pas moins de six procès contre des débiteurs. En 1327, il est inscrit à la corporation des Medici e speziali, qui, à partir de cette date, accueille également les peintres. L'année suivante, Giotto est à Naples, au service du roi Robert d'Anjou.