Lairesse (Gérard de)
Peintre flamand (Liège 1640 –Amsterdam 1711).
Jadis appelé laudativement le " Poussin hollandais ", il est issu du milieu artistique de Liège, où l'influence de l'art classique français et romain l'emportait sur le courant baroque flamand issu de Rubens. Fils du peintre Renier de Lairesse, sur qui nous savons très peu de chose, filleul de Gérard Douffet, il fut l'élève de Berthollet Flémalle, à qui il doit sa passion du Classicisme, qui triomphait alors à Paris. Il ne visita pourtant aucune de ces capitales et ne connut que par des gravures l'œuvre de Poussin, à qui il voua un véritable culte.
Le brio de la facture, l'élégance classique des formes, les qualités du coloris, particulièrement les teintes argentées et violacées, s'imposent dans la Conversion de saint Augustin (musée de Caen) et dans le Baptême de saint Augustin (Mayence, Mittelrheinisches Landesmuseum), œuvres qui furent peintes pour l'église du couvent des Ursulines de Liège. En 1664, une aventure amoureuse l'oblige à quitter Liège. Lairesse se réfugie à Bois-le-Duc, puis réside à Utrecht en 1665. Il se fixe définitivement à Amsterdam en 1667, sans doute après les propositions du marchand de tableaux Uylenburg. Il va connaître un rapide succès comme introducteur des beautés classiques de Poussin, de Le Brun et de Raphaël dans l'école néerlandaise. Il travaille pour le stathouder Guillaume d'Orange, futur roi d'Angleterre, ainsi que pour la haute société hollandaise, et entreprend une série de 7 vastes compositions tirées de l'histoire romaine, qui décorent la chambre civile (Binnenhof) de La Haye. Il exécute également de grandes décorations pour les châteaux de Soestdyck et de Loo ainsi que des décorations allégoriques en grisaille qui comptent parmi ses meilleures œuvres (musée d'Orléans et Rijksmuseum). Lairesse est frappé de cécité en 1690. Dès lors, il organise des conférences sur la peinture et publie plusieurs ouvrages d'esthétique : Grondlegginge der Teeken Kunst (Amsterdam, 1701) et Het Grootschilderboek (1707). Ce Grand Livre des peintres, traduit en français en 1728, exalte l'académisme le plus intransigeant, que seul Poussin incarne complètement à ses yeux, et Rubens comme Rembrandt sont à peine cités. L'auteur prône la copie servile de l'antique et de la nature, car, selon lui, " l'art procède de la raison et du jugement ". Le peintre et le théoricien connurent une gloire posthume à mesure que se développaient au XVIIIe s. le goût de l'antique et le Néo-Classicisme des dernières décennies. Le peintre marchand J.-B. Lebrun fit rééditer en 1787 le Grand Livre des peintres et louait le génie de l'artiste comme l'un des plus puissants de la peinture.
Lajoue (Jacques de)
Peintre français (Paris 1686 – id. 1761).
Fils d'un architecte, il fut agréé à l'Académie en 1721. Avec Pineau et Meissonnier, il est qualifié par Blondel comme l'un des " trois premiers inventeurs du genre pittoresque ". Il est l'auteur de nombreux projets pour des jardins imaginaires dont l'ordonnance s'adapte à la " rocaille " lancée par Meissonnier (recueils gravés et dessins au musée des Arts décoratifs de Paris, au cabinet des Estampes de la B. N., à l'Ermitage, à la Kunst Bibl. de Berlin), et il travailla à des décorations de théâtre (Paris, musée de l'Opéra). L'important de son œuvre est constitué de compositions décoratives (musée de Pontoise ; Paris, Petit Palais), de scènes de genre aimablement fantaisistes (le Cabinet de physique de M. Bonnier de La Mosson, Blessington, coll. Beit) et surtout de paysages chargés d'éléments d'architecture, de fantaisie, pleins de verve et d'élégance, traités dans un métier clair rappelant les bergeries de Boucher (Louvre, Ermitage, musées d'Avignon et de Darmstadt) ; Lajoue exécuta aussi des portraits (Autoportrait avec sa famille, Salon de 1737, Louvre).
Lallemand (Jean-Baptiste)
Peintre français (Dijon 1716 – Paris v. 1803).
Il fit avant 1761 plusieurs voyages à Rome, où il acquit le goût des ruines antiques (quatre panneaux, Ermitage), qu'il associa aux monuments du baroque romain (Marine à la statue de Neptune, musée de Dijon). Ses paysages clairs et ses haltes de cavaliers sont un pastiche des Néerlandais (Wynants), mais leur composition apprêtée empêche de faire de Lallemand, comme Swebach ou Bruandet, un précurseur du paysage naturaliste du XIXe s. Ses scènes d'intérieur, un peu lourdes (l'Atelier du peintre, av. 1762, musée de Dijon), montrent plus de précision, comme ses gouaches et ses dessins, d'une grande finesse, réalisés en Bourgogne (Paris, B. N.) ; Lallemand fut presque seul à décrire scrupuleusement les édifices médiévaux (Voyages pittoresques de la France, gravé après 1784) et les paysages urbains (Château de Montmusard, musée de Dijon), avant de peindre le Paris révolutionnaire (musée Carnavalet).
Lallemant (Georges)
ou Georges Lallemand
Peintre français (Nancy v. 1575/76 – Paris 1636).
Établi à Paris dès 1601, semble-t-il, il dirigea jusqu'à sa mort un des plus importants ateliers de la capitale, qui fut fréquenté par un très grand nombre de jeunes artistes, dont Poussin, Champaigne, La Hyre. Son œuvre peint, presque entièrement disparu jusqu'à une époque récente, réapparait peu à peu à la suite des recherches de l'érudition contemporaine. Ses tableaux conservés, les Échevins de Paris peint en 1611 pour l'Hôtel de Ville (musée Carnavalet), la Charité de saint Martin (musée du Petit Palais, Paris), l'Adoration des mages (musée de Lille), Georges prompt à la soupe (Varsovie, M. N.), témoignent d'un attachement certain aux formules maniéristes dans les attitudes, les costumes et le coloris en particulier, avec toutefois une tendance aux compositions plus calmes et plus monumentales. La gravure de P. Brebiette d'après le may de N.-D. de 1630 (Saint Pierre et saint Jean guérissant les malades, perdu comme celui de 1633) confirme l'archaïsme de Lallemant à cette date. Sa manière et son originalité se manifestent de même vers 1620, dans les peintures murales heureusemet conservées de la chapelle de Vic (Assomption, Évangélistes, Annonciation, Apparition du Christ à la Vierge) à Saint-Nicolas-des-Champs. Enfin, une de ses ultimes créations, la Descente du Saint-Esprit, signée et datée de 1635, récemment retrouvée à Rouen (église Saint-Ouen), témoigne de l'effort du peintre pour organiser l'œuvre avec équilibre et grandeur, tout en conservant les formes mouvementées et le coloris chatoyant des tableaux antérieurs. Les sources anciennes nous apprennent qu'il a travaillé aussi, entre autres, pour les Chartreux (1611), Saint-Josse (1613 et 1615), les religieux de la Mercy, Sainte-Geneviève-du-Mont (6 autels), les Feuillants (Vie de saint Bernard dans le cloître) et qu'il a fourni quantité de dessins pour des tapisseries. De cette dernière activité, seule témoigne aujourd'hui une pièce de la tenture de Saint Crépin et saint Crépinien tissée dans les ateliers du Louvre en 1634 pour la chapelle des maîtres cordonniers à Notre-Dame (Mob. nat.). Ses dessins, assez nombreux (l'Entremetteuse, Nancy, Musée lorrain ; Nm de Stockholm, Ermitage, Accademia de Venise), fréquemment à la plume, où s'allient maniérisme et réalisme, dénotent une personnalité vigoureuse qui mérite attention. Ils sont souvent confondus avec ceux de Bellange, plus élégants et d'une plus grande liberté d'imagination. Lallemant occupe une place essentielle avant le retour de Simon Vouet en France en 1627.