Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Romanelli (Giovanni Francesco)

Peintre italien (Viterbe 1610  – id. 1662).

Passé de l'atelier de Dominiquin à celui de Pierre de Cortone, il imita parfaitement le style de jeunesse de ce dernier, en collaborant à la décoration du palais Barberini à Rome, à partir de 1631. Mais, impatient de s'affirmer et protégé par Francesco Barberini et par Bernin, il profita de l'absence de Pietro da Cortona, alors à Florence, pour rompre ses liens avec lui. Il reçut des commandes importantes : un dessus-de-porte pour Saint-Pierre (auj. perdu, 1636-37), le cycle de fresques représentant la Vie de la comtesse Mathilde au Vatican (1637-1642) sur la demande d'Urbain VIII. Il travailla, d'autre part, sous la direction de Bernin, dans diverses églises romaines et aux palais Altemps (Scènes de l'histoire romaine ; Mars, Minerve, Vénus sur les nuages), Costaguti (plafond : Arion). Recommandé par le cardinal Barberini, alors en exil en France, il fut appelé à Paris où il séjourna de 1645 à 1647 et de 1655 à 1657, décorant d'abord la galerie Mazarine (auj. B. N.) de scènes mythologiques et historiques, puis l'appartement d'été d'Anne d'Autriche au Louvre (auj. salles des Saisons, de la Paix, des Sévères, des Antonins), donnant également les dessins pour les stucs exécutés par Michel Anguier et Pietro Sasso. Parallèlement, il travailla pour les particuliers, notamment pour le président Lambert de Thorigny (Vénus soignant les blessures d'Énée, Louvre, peint pour le cabinet de l'Amour de l'hôtel du président). Ces œuvres de la période française de Romanelli ne furent pas sans influencer le développement de l'art classique français.

   Romanelli fut surtout attiré par la manière de jeunesse de P. da Cortona, recherchant avant tout la simplicité et aimant les couleurs fraîches (ainsi un bleu qui lui est propre) et s'opposant par là à Ciro Ferri, qui retient, au contraire, l'aspect le plus baroque du maître. Il ne fut pas hostile à la tendance classicisante, prônée par A. Sacchi puis par Maratta.

   Auteur de scènes mythologiques et historiques, s'inspirant de Cortone autant que de Poussin, il parvient à une réelle qualité d'émotion dans certaines peintures religieuses : Saint Thomas de Villeneuve distribuant les aumônes (Rome, S. Agostino).

Romanino (Girolamo di Romano, dit)

Peintre italien (Brescia 1484/87  – id. v.  1562).

La découverte de la puissante personnalité de Romanino, consacrée par une exposition à Brescia en 1965, est un fait récent. Sa formation reste mal connue, mais c'est à Brescia et dans la province du même nom que se concentre son œuvre, dont l'un des premiers témoignages est la Déploration du Christ (Venise, Accademia), peinte pour l'église S. Lorenzo (1510) ; on y perçoit une synthèse stylistique très complexe où les éléments vénitiens (Titien, Giorgione) et lombards (Foppa, Boccaccino) se mêlent aux éléments de culture padouane, et qui s'exprime par un langage expressif très personnel. La critique est unanime à reconnaître dans le somptueux tableau d'autel de l'église S. Giustina exécuté à Padoue en 1513, la Vierge entourée de saints couronnée par les anges (auj. musée de Padoue), un chef-d'œuvre du chromatisme vénitien, reflet de la séduction exercée par la magie des coloris de Titien, dont Romanino pouvait admirer, à Padoue même, les fresques de la Scuola del Santo. À aucun moment cependant, dans cette période de jeunesse, l'artiste ne renonce à l'expression de son tempérament profond, qu'il libère dans des stylisations graphiques, des brusqueries dans le modelé, des physionomies curieuses, voire grotesques, des perspectives à la Bramante (Madone entre saint Bonaventure et saint Sébastien, dôme de Salo ; Mariage de la Vierge, Brescia, église S. Giovanni Evangelista).

   En 1519 commença la phase centrale, la mieux connue, de l'évolution de Romanino, qui, en 1517, avait refusé l'invitation des Gonzague à se rendre à Mantoue, mais qui avait accepté de poursuivre la décoration de la nef centrale du dôme de Crémone. Les 4 grandes scènes de la Passion du Christ affirment un style ardent et dynamique, où transparaissent, à travers des accents franchement populaires, les vicissitudes de cette période historique particulièrement bouleversée par les guerres. À l'influence de Pordenone et à l'exemple direct d'Altobello Melone se mêlent des traits germaniques qui replacent Romanino dans le courant du goût vénitien pour Dürer. Romanino travaille, de 1521 à 1524, à la chapelle du Sacrement de S. Giovanni Evangelista, temple de la peinture bresciane de la Renaissance, dans une collaboration fructueuse avec Moretto. Le naturalisme de certaines trouvailles de ces scènes, empreintes d'intimisme (Miracle du saint sacrement, Résurrection de Lazare, Repas chez Simon, Saint Jean, Saint Matthieu, Prophètes), annonce les inventions de Caravage (Saint Matthieu) ; mais, contrairement à ce dernier, l'artiste développe sa manière dans le sens de la déformation expressionniste, réagissant à la beauté des formes classiques par des altérations fantastiques qui le relient au Maniérisme (décorations de l'orgue du dôme d'Asola). De la même époque date le grand retable de S. Alessandro de Brescia (1525, auj. à Londres, N. G.). Ses portraits de gentilshommes aux accents giorgionesques New Orleans, Isaac Delgado Museum (Budapest, G. N. ; Brescia, Pin. Tosio Martinengo) sont empreints d'une vérité poignante. Les décorations du Castello del Buonconsiglio de Trente (fresques mythologiques ou bibliques dans la loggia, les corridors, les escaliers et le grand salon), à partir de 1531, ouvrent la période des grands cycles (Bienno, S. Maria Annunziata ; Breno, S. Antonio ; Pisogne, S. Maria delle Neve), dans lesquels s'exprime, en d'éclatantes effusions colorées la sensualité joyeuse de celui qu'on a pu comparer à Bruegel. Vers 1535, il est influencé par Pordenone (Mariage mystique de sainte Catherine, Memphis, Brooks Memorial Gal. ; Christ portant sa croix, coll. part.). Les années 40 marquent un tournant vers une religiosité plus tendue, sans doute sous l'influence de la crise réformiste, qui n'épargne pas Brescia. Certains accents baroques, un alourdissement des grandes compositions sacrées, les contacts avec son gendre, le jeune Latanzio Gambara, orientent Romanino vers les maniéristes italiens, notamment dans ses larges fonds de paysages romantiques (Chute de la manne, dôme de Brescia).