Espagnat (Georges d')
Peintre français (Melun 1870 – Paris 1950)
À Paris, en 1888, il s'inscrit à l'École des arts décoratifs et à l'École des beaux-arts mais, de caractère indépendant, préfère se former seul en effectuant des copies au Louvre. En 1892, il participe au Salon des indépendants puis, en 1894-95, expose chez Le Barc de Boutteville.
Grand voyageur, il se rend au Maroc en 1898 (où il prend modèle sur Delacroix) puis visite l'Europe de 1905 à 1910, exécutant de nombreuses aquarelles. À partir de 1904, il expose fréquemment chez Durand-Ruel, Bernheim et Druet. En 1921, il s'installe dans le Quercy, région qui lui inspire de nombreux paysages, de même que Collioures et la Normandie (Pêcher en fleurs, 1906, Saint-Étienne, musée d'Art et d'Histoire ; La Rochelle, M. A. M. de la Ville de Paris).
Peintre très productif (plus de mille toiles), d'Espagnat utilise les couleurs franches des fauves (Méditerranée, v. 1902, Nice, M. B. A.) en les soulignant toutefois de cernes appuyés, dans un style proche de celui de Renoir (à qui il rend souvent visite à Cagnes avec son ami Valtat). Sa peinture à tendance intimiste évoque Bonnard et Vuillard dans des portraits d'écrivains et d'artistes (Paul Valéry, 1910 ; André Mare, 1931), des scènes en plein air, des compositions à plusieurs personnages (les Couseuses, 1898 ; la Pergola, 1907, Paris, Orsay) et des natures mortes (Fleurs, v. 1939, Saint-Tropez, musée de l'Annonciade). Son activité est multiple : dessinateur dans le Courrier français puis le Rire, illustrateur pour les Oraisons mauvaises de Rémy de Gourmont (1897), le Centaure de Maurice Guérin (1900) et l'Immortel d'Alphonse Daudet (1930) ; peintre de décorations murales à Vilennes-sur-Seine pour la villa du Dr Vian (1900), pour la mairie de Vincennes (1936), le paquebot Normandie (1935) et le palais du Luxembourg (1939), il exécute également des décors de théâtre pour Fantasio de Musset (1912) et le Barbier de Séville de Beaumarchais (1934).
Il est représenté à Paris (Orsay et M. A. M. de la Ville), à Saint-Tropez (musée de l'Annonciade), à Bagnols-sur-Cèze (musée Léon-Alègre), à Douai (musée de la Chartreuse) et à Rouen (musée des Beaux-Arts), et à Genève (Petit Palais). Quelques rétrospectives lui ont été consacrées : chez Durand-Ruel en 1962 et 1967, au musée des Beaux-Arts d'Alençon en 1987 et au musée-promenade de Marly-le-Roi (Louveciennes) en 1996.
Espinal (Juan de)
Peintre espagnol (Séville 1714 – id. 1783)
L'une des plus intéressantes figures de Séville dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, il fut disciple et gendre de Domingo Martínez et hérita de son atelier en 1749. Il joua un rôle déterminant dans la fondation de l'Académie sévillane des Tres Nobles Artes dont il fut le premier directeur (1771). Abondante, son œuvre religieuse se situe certes dans la tradition de Murillo mais reflète aussi, dans son élégance, les influences de la peinture française contemporaine (Saintes Juste et Rufine, 1759, Ayuntamiento de Séville ; Saint Charles Borromée donnant la communion aux pestiférés de Milan, église Saint-Nicolas de Bari, Séville, 1778). Son œuvre la plus célèbre est l'ensemble de vingt-six toiles narrant la vie de saint Jérôme, réalisées entre 1770 et 1780 pour les hiéronymites de Buenavista (dans leur majorité au musée de Séville). De 1776 à 1781, il réalise son travail le plus audacieux, le décor à la détrempe de la coupole de l'escalier du palais archiépiscopal, où l'architecture feinte s'inspire du baroque italien ; parmi les 15 toiles qui ornèrent l'escalier, l'Archange saint Michel (in situ) reflète l'influence de Valdés Leal.
L'Allégorie de la peinture sévillane (1771, Madrid, Acad. S. Fernando) témoigne d'une sensibilité proche du mouvement rococo qu'Espinal put connaître davantage lors d'un séjour à Madrid en 1777.
Espinós (Benito)
Peintre espagnol (Valence 1748 –id. 1818)
Formé par son père José Espinós, peintre et graveur (1721-1784), il se spécialisa rapidement dans les dessins de fleurs et d'ornements pour décorer les tissus de soie tissés à Valence et expédiés dans toute l'Espagne. Il travailla dans la " Sala de Flores y Ornatos ", créée en 1778 et dépendante de la fabrique de soie avant de devenir, de 1784 à 1815, le premier directeur de l'" Escuela de Flores y Ornatos ", section spéciale de l'académie des Beau-Arts de Valence. Si ces Floreros ont presque toujours le même schéma de composition, ils unissent parfaitement l'élégance de la mise en page et la réalité de l'observation en jouant de plus en plus avec les effets de la lumière, les fonds obscurs et la vivacité des coloris. Il travailla beaucoup pour Charles IV (Florero, Madrid, Prado, Casón ; Ramo de azahar, Barcelone, Real Academia Catalana de Belles Artes de Sant Jordi ; dessins aux musée de Valence et du Prado).
Espinosa (Jacinto Jerónimo)
Peintre espagnol (Cocentaina 1600 – Valence 1667).
Formé à Valence par son père, également peintre, dans le respect étroit du style de Ribalta, Espinosa est la figure la plus importante de l'école valencienne. Exactement contemporain de Zurbarán, il représente comme lui, dans la zone du Levant, la plus pure tradition du réalisme ténébriste, dans une chaude tonalité de coloris rougeâtres et terreux. Quelques-unes de ses compositions monacales et religieuses typiques de l'esprit de la Réforme catholique (Sainte Famille, v. 1660, musée de Valence ; Cycle de la Merci, 1661, id. ; Communion de la Madeleine, 1665, id.) supportent aisément la comparaison avec les meilleures œuvres de Zurbarán. Espinosa fut en outre un portraitiste d'une rare vigueur (Fray Jerónimo Mos, musée de Valence).
esquisse peinte
Projet peint, exécuté dans une facture libre, à une échelle variable, généralement inférieure à celle du tableau à réaliser, et qui indique la place et la proportion de chaque élément ainsi que la structure générale de la composition.
L'esquisse à l'huile, sur toile ou sur papier, monochrome ou colorée, naît au XVIe s. en Italie. Elle apparaît d'abord dans les milieux maniéristes toscan (Beccafumi) et émilien (Parmigianino), et elle se développe surtout à Venise, où, à la suite de Giorgione, Titien utilise une technique essentiellement picturale et libre, donnant au coup de pinceau une valeur expressive privilégiée. La pratique de l'esquisse se généralise, semble-t-il, dans l'atelier de Tintoret et de son fils Domenico. C'est ainsi que l'on peut considérer comme des premiers exemples les esquisses du Paradis — projets pour la décoration du palais des Doges —, peintes v. 1578 par Véronèse (musée de Lille), Bassano (Ermitage), Tintoret (Louvre) et Palma le Jeune (Milan, Ambrosienne). De Venise, l'habitude de l'esquisse gagna v. 1585 Bologne (les Carrache) et ensuite toute l'Italie.
Durant le XVIIe et le XVIIIe s. italien, à Rome (Baciccio, Pozzo) comme à Gênes (Castello, Castiglione, Strozzi) et à Naples (Giordano, Solimena, Giaquinto ; cette tradition napolitaine de l'esquisse sera reprise par Goya) ou dans d'autres centres (Carlone, Bazzani), la plupart des peintres baroques font précéder leurs décorations, leurs plafonds, leurs tableaux d'autel d'esquisses préparatoires (bozzetti ou modelli) extrêmement brillantes, certains même adoptant, tel Magnasco, le style de l'esquisse pour leurs œuvres achevées. Mais l'apogée de l'esquisse italienne se situe à Venise au XVIIIe s. avec Ricci, Pittoni, Pellegrini, Guardi et surtout Tiepolo, qui influencèrent l'esquisse autrichienne (Maulbertsch et Sigrist).
Assez rare en Espagne (malgré quelques exemples chez Murillo et Valdés Leal) et en Hollande, l'esquisse trouve une autre terre d'élection en Flandres. Suivi par Van Dyck et Jordaens, Rubens se révèle le plus grand, peut-être, de tous les peintres d'esquisses. Souvent, il montre mieux que dans ses œuvres abouties le feu de son génie inventif et la richesse de sa matière picturale. On sait qu'il préparait toujours ainsi ses grands cycles (esquisses pour la Galerie Médicis à l'Ermitage et à Munich [Alte Pin.], pour le Triomphe de l'eucharistie au Prado).
En France, l'esquisse, pratiquée dès la fin du XVIe s., se généralise à la fin du XVIIe s. dans l'entourage de Le Brun ou chez Desportes (célèbres esquisses de Paysages conservées au château de Compiègne). Mais c'est surtout au XVIIIe s. qu'elle connaît sa plus grande faveur avec Boucher (Suite chinoise, musée de Besançon), J.-F. de Troy, Subleyras, Fragonard, Natoire, Carle Van Loo, Vien..., pour devenir un genre autonome, puisque, au même titre que la grande peinture, les esquisses sont exposées aux Salons à la fin de ce siècle. Au XIXe s., l'usage s'en généralise dans toute l'Europe.
L'esquisse n'est pas seulement la première pensée qui précède la composition définitive et, à ce titre, utilisée aussi bien par les néo-classiques que par les romantiques et les éclectiques pour leurs tableaux d'histoire ; elle est aussi pratiquée par les paysagistes soucieux, dès la fin du XVIIIe s., en Angleterre, puis en France (Valenciennes), de recueillir dans sa fraîcheur une impression de nature. L'esquisse est l'un des genres imposés dans l'enseignement académique du XIXe s.
L'arrivée de l'Impressionnisme et le refus de la " composition " devaient annoncer le déclin du genre, et seul un artiste comme Seurat sut retrouver dans ses " croquetons " le goût de l'esquisse, transfiguré, il est vrai, par la technique divisionniste.
On a essayé de classer le genre de l'esquisse en cinq catégories, dont nous indiquerons ensuite les limites :
1° l'esquisse spontanée, la plus libre, qui est la traduction d'une première idée (bozzetto) ;
2° l'esquisse faite après les dessins préparatoires que l'artiste exécute à son propre usage pour clarifier les formes et les couleurs ;
3° le modello, précis, qui peut donner éventuellement au client une idée des résultats, telles les esquisses de J.-F. de Troy pour les suites de tapisseries d'Esther et de Jason, celles de Rubens pour la suite de Constantin ou encore les grands modelli du père Pozzo pour le plafond de Saint-Ignace à Rome (Rome, G. N., Gal. Corsini) ou de Lemoyne pour le plafond du salon d'Hercule du château de Versailles (musée de Toulouse) [le fait qu'une riche bordure ait été ajoutée à ce dernier prouve qu'à cette époque déjà l'esquisse était considérée comme une œuvre en soi et non plus comme une première pensée] ;
4° l'esquisse post festum, version exécutée par l'artiste ou son atelier après la peinture définitive et qui était destinée à être vendue (réplique réduite) ou à être conservée (ricordo) [les esquisses peintes par D. Téniers d'après les tableaux de maîtres de la galerie de Bruxelles peuvent entrer dans cette catégorie, de même que les esquisses en grisaille destinées à la gravure (Van Dyck)] ;
5° l'esquisse autonome, considérée comme une œuvre indépendante (c'est le cas de nombreuses esquisses du XIXe s. qui ne se relient à aucune grande peinture ainsi que des esquisses d'après nature, comme celles de Desportes [château de Compiègne]).
Cependant, les frontières entre ces différentes catégories sont très floues ; on a coutume d'appeler bozzetti les première, deuxième et cinquième catégories. Les esquisses autonomes sont souvent considérées comme telles lorsqu'on n'a pas connaissance du tableau définitif. De même, le partage entre bozzetto et esquisse post festum est le plus souvent très délicat. D'autre part, certaines confusions découlent du fait que le même mot désigne un genre de peinture et une forme de technique ; Magnasco a-t-il fait des esquisses ou une peinture esquissée ?
Giordano, surnommé Fa presto, employait une technique rapide et spontanée, celle de l'esquisse, dans ses œuvres, qui sont des tableaux définitifs. Quoi qu'il en soit, l'esquisse se caractérise par une grande liberté de la touche, et il semble préférable de réserver ce terme à toute peinture qui précède l'achèvement du grand tableau.
Le goût pour les esquisses peintes, qui se manifeste depuis une vingtaine d'années par des expositions temporaires, s'est traduit également au cours des temps par la prédilection parfois exclusive de certains collectionneurs, mécènes princiers, tels le cardinal Léopold de Médicis (1617-1675) ou le grand-duc Ferdinand de Médicis (1664-1713), d'amateurs, tel La Caze, ou de peintres (le cas le plus fréquent), tel Bonnat.