Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Keller (Albert von)

Peintre allemand (Gais, canton d'Appenzell, 1844  – Munich 1920).

Fort célèbre de son vivant, ce peintre de salon munichois évolua dans un milieu élégant, où il puisa son inspiration. Autodidacte, il s'engagea dans la voie de Makart ; il perfectionna sa technique dans l'atelier de Ramberg. Le succès remporté par son Chopin (1873, Munich, Neue Pin.), qui représente deux auditrices passionnées du musicien, confirma sa renommée de peintre mondain, et il fut recherché pour ses portraits féminins. Sa peinture brillante évoque d'une touche pétillante des intérieurs luxueux, des toilettes chatoyantes (la Femme de l'artiste sur fond rouge, 1896, Munich, Neue Pin.). L'atmosphère galante de ses salons se retrouve dans ses idylles antiques. Vers le milieu des années 1880, Keller découvrira dans la mystique et le somnambulisme une nouvelle source d'inspiration, comme le montre son œuvre majeure, la Résurrection de la fille de Jaïre (1886, Munich, Neue Pin.), et ses nombreuses études exécutées dans les dépôts mortuaires. Une psychologie de l'horrible et de l'extase est mise en scène à grand renfort de moyens théâtraux, et les peintures de sorcières au bûcher ou de charmeurs de serpents —thème de prédilection de l'artiste— anticipent les films d'épouvante (la Martyre, v. 1895, Francfort, Städel. Inst.). Il est représenté au musée de Bâle, à Hambourg (Kunsthalle) et surtout à Munich (Neue Pin.).

Keller (Ferdinand)

Peintre allemand (Karlsruhe 1842 – Baden-Baden 1922).

Après avoir séjourné au Brésil avec sa famille, il s'inscrit à l'Académie de Karlsruhe (1862-1866) auprès de Schrimer et Carron. Il y aborde la peinture de paysage et d'histoire. Ayant voyagé en France (1866) et en Italie (1867-1869), où il fait la connaissance de Feuerbach, il revient à Karlsruhe comme professeur (1873) puis directeur.

   Sa peinture d'histoire, riche en couleur et très décorative, lui valut dès l'origine une reconnaissance immédiate : la Mort de Philippe II d'Espagne (1867, présentée à l'Exposition universelle de Paris la même année) fut son premier succès. Il bénéficia de commandes du grand-duc de Bade (Türkenlouis, 1877-78, Karlsruhe, Kunsthalle) et poursuivit jusque vers 1900 la tradition de la peinture réaliste et coloriste dont K. von Piloty fut le précurseur : l'éclat qu'il donna à l'école badoise à la fin du siècle lui valut le surnom de " Mackart badois ". Néanmoins, sous l'influence de Böcklin, Keller s'intéressa au paysage et s'engagea après 1900 dans une voie symboliste : dans le Tombeau de Böcklin (1901, Karlsruhe, id.), l'univers transparent et sombre est envahi d'une végétation luxuriante et étrange.

Kelly (Ellsworth)

Peintre et sculpteur américain (Newburg, New York, 1923).

Après de brèves études à l'École du M. F. A. de Boston (1946-1948) où il pratique une figuration de type expressionniste, il s'inscrit en 1948 à l'E. N. B. A. de Paris. Dès cette période, son refus de toute subjectivité le conduit à chercher des méthodes de création impersonnelle. Il recourt au strict décalque de la réalité.

   Il utilise également le hasard : Meschers (1951) est fait d'un dessin découpé puis assemblé aléatoirement : avec Fenêtre (1949, Paris, M. N. A. M.), le bois utilisé pour la représentation d'une fenêtre se confond avec celui de la fenêtre représentée. C'est durant cette même période que Kelly découvre la " puissance de la couleur pure ". Sa technique consiste alors à assembler des panneaux de mêmes dimensions, peints chacun d'une seule couleur et sans modulation tonale. Kelly élabore ainsi plusieurs séries de tableaux où la couleur devient l'objet même de la représentation (Couleurs pour un grand mur, 1951, New York, M. O. M. A. ; Peintures pour un mur blanc, 1952). À son retour à New York en 1954, il participe au grand mouvement de réaction contre la peinture " lyrique ". Ses toiles " hard edge " introduisent des formes nettes, aux contours tranchants qui reprennent la silhouette d'objets réels (Atlantic, 1956, Whitney Museum), où le traditionnel rapport entre les figures et le fond se trouve aboli par la disposition des surfaces de couleurs pures qui limite l'espace pictural à deux dimensions (Charter, 1959, Yale University Art Gal. ; Green, Blue, Red, 1964, New York, Whitney Museum). Après une grande exposition à la Washington Gal. of Modern Art (1964), Kelly s'attache à partir de 1966 à la création de compositions qui lient indissolublement les formes colorées à leur support. Il utilise une couleur par panneau qu'il assemble à 90° dans la série des Pièces d'angle ou tout à fait frontalement, comme dans le White Angle (1966, Guggenheim). En 1972-73, il revient à l'affrontement de deux couleurs sur une toile triangulaire dans la série des Curves, avant de se consacrer essentiellement à des œuvres monochromes où il s'attache à explorer les tensions entre vision et littéralité, entre subjectivité et objectivité. Des expositions rétrospectives furent présentées au M. O. M. A. de New York en 1973 et au M. N. A. M. de Paris en 1980. Ses formes simples peuvent être transposées dans l'acier corten et ainsi donner lieu à des sculptures, peintes ou non. C'est le cas des formes de la série Curve, dont, par exemple, celle qui porte le numéro XXII et qui fut installée au Lincoln Park de Chicago en 1981. Une rétrospective de ses sculptures a été présentée à New York (Whitney Museum) en 1983. Une exposition consacrée aux années parisiennes de Kelly (1948-54) a circulé en 1993-94 à Paris, Münster et Washington.

Kensett (John Frederick)

Peintre paysagiste américain (Cheshire, Connecticut, 1816  – New York 1872).

Il apprit la gravure auprès de son père, qui avait émigré d'Angleterre, Thomas Kensett (1786-1829), puis de son oncle, Alfred Daggett (1799-1872). C'est de ce métier qu'il vécut d'abord à New York ; mais il s'essayait en même temps à la peinture et, ayant présenté un paysage qui lui valut nombre d'encouragements à la N. A. D. en 1838, décida de se consacrer uniquement à ce second talent. Il commença en 1840 un tour d'Europe avec J. W. Casilear, Th. P. Rossiter et surtout A. B. Durand, les quitta à Paris, où il vécut deux ans, avant de séjourner à Londres (1843-1845) puis en Italie (1845-1847) après un passage en Allemagne et en Suisse. Il envoya de là des paysages à la N. A. D. qui, exposés en 1846, le firent connaître, deux d'entre eux ayant été achetés par l'American Art Union. Un succès immédiat suivit son retour, en 1847, et il devint dès lors une des personnalités les plus en vue du monde artistique américain (élu membre de la N. A. D. en 1849, il fit ainsi partie en 1859 de la Commission créée pour surveiller les travaux de décoration du Capitole de Washington). Il voyageait souvent en été, généralement dans les Catskill ou les White Mountains, mais aussi plus loin dans l'Ouest (Chutes du Niagara, 1851 ; Mississippi, 1854 ; Colorado, 1870). Il fut l'un des peintres les plus renommés de la seconde génération de l'Hudson River School mais, au contraire de Church ou de Bierstadt, il insistait sur le caractère réaliste et exact des paysages qu'il décrivait ainsi que sur le travail pictural en atelier d'après les esquisses faites en plein air. Il est ainsi à l'origine d'un courant où l'on trouve Gifford, Heade ou Whittredge. Il laissa l'ensemble de ses dernières toiles, son Last Summer Work (38 vues du Long Island Sound), au Metropolitan Museum, dont il avait été l'un des fondateurs en 1870.