anatomie artistique (suite)
Le Maniérisme
C'est curieusement contre cet enseignement dont ils avaient été nourris que semblent réagir les peintres " maniéristes ", qui usent de liberté avec les lois de l'anatomie et malmènent les proportions du corps (Parmesan, Pontormo). Le goût des expressions tourmentées et dramatiques apparaît dans les recherches de mouvements étranges et gratuits qui conduisent aux nus ondoyants de Greco (Laocoon de la N. G. de Washington), aux acrobates maigres et contorsionnés des gravures de Jean Viset, aux personnages dansants de Wtewael (Déluge de Nuremberg). Les maniéristes septentrionaux affectionnent les musculatures compliquées et bosselées, sans rapport avec la vraisemblance anatomique, décrivant les personnages de la mythologie sur un ton humoristique (Hercule, gravure, par Goltzius, de 1589).
Les XVIIe et XVIIIe siècles
Le XVIIe s. voit apparaître, à côté d'ouvrages plus spécialisés, des traités simplifiés à l'usage des artistes, comme celui de Charles Errard, qui, à côté d'exposés théoriques, se réfère constamment aux idéaux de beauté des statues antiques. Pierre de Cortone et Carlo Cesi publient des traités voisins. Dans la Hollande contemporaine, l'anatomie n'est guère qu'un thème pour une catégorie bien particulière de tableaux : les " leçons d'anatomie " mettent en scène un médecin disséquant un cadavre devant ses élèves (tableaux de Keyser, d'Elias, de Mierevelt, chefs-d'œuvre de Rembrandt de 1632 et de 1656). Citons le Traité d'anatomie de Bidloo (Amsterdam, 1685). En France, aux XVIIe et XVIIIe s., l'anatomie constitue une part essentielle de l'enseignement de l'école de l'Académie royale : la " correction anatomique " désigne à la fois la justesse des formes vivantes et la bonne compréhension des statues antiques. Les nombreuses études dessinées d'après le modèle dans les ateliers constituent des études anatomiques (" académies ", à la sanguine ou à la pierre noire, de Jouvenet, de Boucher, de Van Loo, de Bouchardon). Les sculptures d'écorchés se généralisent au XVIIIe s. dans les ateliers. Bouchardon réalisa un de ces modèles ; les plus célèbres restent ceux de Houdon : Écorché au bras tendu (1767) et Écorché au bras levé (1790). Un des plus réussis parmi les traités d'anatomie du XVIIIe s. est le Nouveau Recueil d'ostéologie et de myologie de Jacques Gamelin (1779), dont les superbes gravures annoncent Goya.
Le XIXe siècle
L'anatomie est au XIXe s., plus que jamais, la base de l'enseignement du dessin. Les peintres néo-classiques étudient le modèle vivant et les statues antiques avec un sérieux nouveau. Les personnalités les plus puissantes du siècle sont nourries d'études anatomiques : Géricault, avec ses études faites à l'hôpital Beaujon sur des mourants pour son Radeau de la Méduse (Louvre, 1819) ; Ingres, qui transgresse l'enseignement de l'école en faisant fi de la vérité anatomique dans ses nus audacieusement déformés (Jupiter et Thétis, musée d'Aix-en-Provence, 1811 ; Grande Odalisque, Louvre, 1814). L'enseignement de l'École des beaux-arts restera le garant de la continuité des études d'anatomie ; la monumentale Anatomie artistique de Richer (1889) servira encore à des générations d'élèves. Mais le souci de l'exactitude anatomique devient de plus en plus secondaire pour les grands créateurs de la fin du XIXe et du XXe s. ; à partir de Cézanne, les proportions mêmes des corps sont bouleversées et, lorsqu'ils s'intéressent au corps humain, les peintres, certains surréalistes mis à part (Dalí, Delvaux), le recomposent selon des lois bien différentes (Picasso, Bellmer).