illustration (suite)
Le XVIIe siècle
L'esthétique baroque se manifeste dans le goût du grand format et des pages de titre ornées d'allégories pompeuses.
Pays germaniques
L'ornementation y est encore plus surchargée que dans les autres pays. La guerre de Trente Ans entraîne un déclin général ; cependant, on continue à publier des livres scientifiques.
Italie
Les livres de commémoration y sont remarquables, comme la Pompe funèbre pour la reine d'Espagne (1612), avec les premières figures de J. Callot. Le peintre Pietro Santo Bartoli illustre les livres d'archéologie, et Pietro Aquila grave d'après les tableaux célèbres. Les titres italiens sont particulièrement chargés d'allégories.
Pays-Bas
C'est la grande époque de l'édition : entreprises des Blaeu, des Janson à Amsterdam, des Elzevier à Leyde, des Plantin à Anvers. Leurs graveurs, maîtres de la taille-douce, sont spécialistes des livres de voyage. La Flandre aime la richesse de la présentation. Beaucoup de frontispices de Plantin-Moretus sont gravés par les Wierix d'après les modèles de Rubens.
Angleterre
L'influence hollandaise s'y fait encore sentir. S'y distingue un grand illustrateur, Francis Barlow (Ésope, 1666), souvent gravé par Wenzel Hollar.
France
Sous les règnes d'Henri IV et de Louis XIII, l'influence du Nord est considérable, la vogue de la taille-douce ayant contribué à la venue de graveurs des Pays-Bas : Thomas de Leu, qui grave d'après le peintre Caron, Crispin de Passe (le Maneige royal, 1625) ; Michel Lasne, influencé par Rubens à Anvers, grave à Paris les planches de l'Astrée d'après le peintre Rabel (1632). Abraham Bosse grave les planches des romans à la mode, comme la Pucelle de Chapelain d'après Vignon. Dans un style opposé, Callot illustre le Combat à la Barrière (1627), les Misères de la guerre (1634), et Lux claustri. En 1640, la fondation de l'Imprimerie royale entraîne la publication d'ouvrages du plus pur classicisme, comme les [OE]uvres de Virgile (1641), d'Horace (1642) ou la Bible (1642), livres illustrés par Nicolas Poussin. Vouet dessine aussi des frontispices. Dans un genre moins pompeux, le buriniste Chauveau fournit 3 000 illustrations pour les textes les plus divers.
Le XVIIIe siècle
À cette époque, la vignette en taille-douce est de plus en plus abondante et finit par avoir plus d'importance que le texte.
France
C'est une période de suprématie pour le livre français. Bernard Picart fait la transition avec le XVIIe s., mais le changement de style se manifeste vers 1720. En 1718 paraît Daphnis et Chloé, dont le Régent a gravé les planches d'après les tableaux de Claude Gillot, qui illustre aussi les Fables d'Houdar de La Motte. De Troy et Lemoine illustrent la Henriade (1728). Les plus célèbres de ces livres de peintres sont le Molière (1734), orné de 200 vignettes et planches d'après les dessins de Boucher, et les Fables de La Fontaine (1755-1759), avec 276 gravures de Ch. N. Cochim fils d'après des dessins d'Oudry.
La seconde moitié du siècle voit le triomphe des " graveurs en petit ", avec Eisen et Marillier. Cependant, Moreau le Jeune donne une remarquable illustration aux Œuvres de Rousseau, et Fragonard une suite de dessins fameux pour les Contes de La Fontaine (1795). Un grand nombre de livres d'archéologie et de voyages sont publiés, notamment le Voyage pittoresque de l'abbé de Saint-Non (1781-1786), avec des dessins d'Hubert Robert et de Fragonard. La fin du siècle voit le style antiquisant se répandre dans le livre avec les éditions de Didot : Virgile (1797) est illustré par David et ses élèves Gérard et Girodet. Les premiers frissons du Romantisme s'annoncent dans les illustrations de Prud'hon ([OE]uvres de Gentil-Bernard, 1797).
Angleterre
Le livre y est très influencé par les modes continentales. C'est le Français Gravelot qui fournit la plupart des vignettes. Cependant, Hogarth, plus connu pour ses estampes isolées, illustre aussi quelques ouvrages (Hudibras, 1726). La fin du siècle voit naître des nouveautés techniques (bois debout, gravure sur acier, illustration en couleurs) ; l'éditeur Boydell entreprend l'édition monumentale de Shakespeare, pour laquelle il a demandé aux peintres Reynolds, West, Füssli, Romney les tableaux qu'on reproduisait en manière noire pour les illustrations. William Blake, poète, visionnaire et graveur, réalise l'union du texte et de l'image dans ses eaux-fortes en relief (Songs of Innocence, 1789 ; The Gates of Paradise, 1793).
Allemagne
Le public bourgeois ne demande pas de livres somptueux et préfère les textes littéraires en petit format ou les almanachs. L'auteur de vignettes le plus prolifique est Daniel Chodowiecki (Hermann et Dorothée de Goethe, 1799).
Italie
Sa principale contribution à l'histoire du livre de cette époque se situe avant tout dans le domaine de la typographie avec les éditions de Bodoni à Parme.
Le XIXe siècle
Les techniques se développent, passant de l'artisanat au machinisme, et la société évolue rapidement : deux raisons qui entraînent une prolifération de textes illustrés et une évolution des styles.
France
On peut distinguer trois étapes.
De 1800 à 1828, l'esthétique davidienne reste dominante. Didot continue ses publications de classiques (Daphnis et Chloé, illustré par Prud'hon, 1800). La vignette n'est plus guère employée que par A. Dessenne, mort en 1827, alors que le Romantisme va relancer ce type d'illustration.
Deux livres essentiels marquent l'année 1828 : les Chansons de Béranger, illustrées par Henri Monnier et Devéria, et le Faust, orné de lithographies, de Delacroix. Bonington et Isabey dessinent aussi des lithographies pour les Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France de Taylor et Nodier (1820-1845). Des nouveautés comme les grands tirages à bas prix d'œuvres littéraires, les débuts de la presse illustrée permettent à Célestin Nanteuil, à Raffet, à Charlet, à Grandville ou à Gavarni d'atteindre un vaste public. Daumier collabore régulièrement à la Caricature. En 1857 commence la carrière féconde de Gustave Doré avec son Rabelais.
De 1865 à la fin du siècle, un double courant se manifeste : l'invention des procédés photomécaniques entraîne la vulgarisation de l'image ; en réaction, les bibliophiles suscitent des éditions raffinées. L'éditeur Lemerre publie en 1869 les Sonnets et eaux-fortes avec des planches de Corot et de Manet, car c'est aux peintres que l'illustration doit son renouveau. Manet illustre aussi d'eaux-fortes le Fleuve de C. Cros (1874) et de lithographies le Corbeau d'Edgar Poe (1875). En 1890, dans sa définition du néo-traditionnisme, Maurice Denis exprime ses théories sur le livre illustré idéal. En 1893, il les met en pratique en ornant de lithographies en couleurs le Voyage d'Urien de Gide. En 1896, l'éditeur Pelletan s'efforce, lui aussi, d'atteindre ce but avec l'aide de Grasset, de Steinlen et de Daniel Vierge. En 1898, l'éditeur Floury demande à son ami Toulouse-Lautrec d'illustrer Au pied du Sinaï de Clemenceau, puis les Histoires naturelles de J. Renard (1899).
Angleterre
Beaucoup de nouveautés techniques, avec l'emploi des procédés les plus variés : bois, acier, lithographie, chromolithographie. La presse illustrée naît en Angleterre avec la collaboration d'artistes connus, comme le peintre John Gilbert (Illustrated London News) et même Whistler (Once a Week). John Leech est dessinateur de Punch, fondé en 1850. Au début du siècle, William Blake reste le plus remarquable illustrateur, aussi bien sur acier (Jérusalem) que sur bois (Virgile de Thornton). C'est aussi l'époque des innombrables vignettes, comme celles de George Cruikshank puis de Ch. Keene. Mais dès 1846 paraît à Londres le premier ouvrage entièrement illustrée de photographies, The Pencil of Nature de H. Fox Talbot. L'influence préraphaélite se fait sentir dans le livre : Rossetti et Millais illustrent The Music Master (1855) et Tennyson (1857). Le meilleur livre de Millais, The Parables of our Lord, paraît en 1863. Des personnalités opposées marquent la fin du siècle. William Morris veut faire des livres en opposition au machinisme. Il lance le culte de " The book beautiful " et le mouvement des " presses privées " en 1891. Mais l'archaïsme voulu de ses illustrations, comme de celles de Burne-Jones, se démode vite. Au contraire, l'art " décadent " d'Aubrey Beardsley demeure, et ce grâce à l'élégance du dessin nerveux. Le renouveau stylitique se manifestent aussi dans les livres enfants, illustrés par W. Crane et K. Greenaway.
Allemagne
Le pays d'origine de la lithographie n'a su faire de celle-ci qu'un moyen commode pour imiter en fac-similé des manuscrits. Le fondateur de l'illustration moderne est le peintre d'histoire Menzel, qui fournit les bois des 30 volumes de la Vie et les œuvres de Frédéric le Grand (1843-1856) et des lithographies coloriées d'uniformes divers. Le principal journal illustré, les Fliegende Blätter, emploie les jeunes artistes de l'Académie de Munich. Le sculpteur Max Klinger illustre d'eaux-fortes Amour et Psyché (1880) et de lithographies Brahms Phantasie (1894).
États-Unis
Ils restent très proches de l'Angleterre. Ainsi le fameux ouvrage de J. J. Audubon The Birds of America (1827-1838) a été publié à Londres. C'est dans la presse que naît vraiment l'illustration américaine, notamment dans les revues publiées par les frères Harper. Aussi W. Hower a travaillé longtemps pour The Harper's Weekly. Le livre illustré se répand à partir de 1850. De nombreuses vignettes sur bois sont dues à H. Billings. Des ouvrages plus ambitieux paraissent plus tard, comme Omar Khayyam (1884), illustré dans le style visionnaire par E. Vedder, ou The Lady of Shalott de Tennyson (1888), avec des planches en couleur de H. Pyle ou F. Remington, The Song of Niawatha (1890) inspiré par l'Amérique des Indiens et des pionniers.