Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
I

illustration (suite)

Le XXe siècle

France

Le mouvement de rénovation de l'illustration devient général. La presse, à côté d'images conventionnelles, insère des dessins d'artistes d'avant-garde. C'est notamment le cas de l'hebdomadaire l'Assiette au beurre (1901-1912). Le beau livre est avant tout un livre de peintre. Les sociétés de bibliophiles se multiplient, mais leur influence est moindre que celle de quelques éditeurs d'avant-garde. Ainsi, Vollard charge Bonnard de l'illustration de Parallèlement de Verlaine (1900), dont les lithographies couleur sanguine sont dessinées en marge, en contraste avec les mises en pages traditionnelles ; puis, en 1902, de l'illustration de Daphnis et Chloé. Il va s'adresser aussi à Maurice Denis pour les bois de l'Imitation de Jésus-Christ (1903). L'éditeur Romagnol demande à Desvallières l'illustration de Rolla de Musset (1906) et à Kupka celle des Érinnyes de Leconte de Lisle (1908). De 1909 à 1959, Kahnweiler publie 36 livres de peintres d'après des textes contemporains. C'est lui qui introduit le Cubisme dans le livre. On lui doit l'Enchanteur pourrissant d'Apollinaire, avec des bois de Derain (1909), et le Bestiaire du même poète, avec des bois de Dufy (1911) ; Kahnweiler fait appel à Picasso et à Derain pour Saint Matorel de Max Jacob (1911-12), et à Sonia Delaunay pour la Prose du Transsibérien de Cendrars (1913). Après la fin de la guerre, Vollard reprend ses publications, illustrées par Émile Bernard (Villon, 1918), Dufy (la Belle Enfant de Montfort, 1930), Rouault (le Cirque de l'étoile filante, 1938), Picasso (le Chef-d'œuvre inconnu de Balzac, 1931 ; Histoire naturelle de Buffon, 1940), Marcoussis (Alcools d'Apollinaire, 1934). Dunoyer de Segonzac illustre Colette et Dorgelès ; Maillol, Ovide et Virgile ; Matisse, Reverdy et Montherlant ; Derain, Muselli et Rabelais ; Juan Gris, Salacrou ; Vlaminck, Radiguet. Depuis 1945, Miró et Chagall ont participé à plusieurs éditions particulièrement remarquables.

   Dans l'édition courante, depuis 1950, l'image et la couleur sont jugées nécessaires pour attirer le lecteur. Des " graphistes " comme Massin dessinent des couvertures attrayantes. Les procédés nouveaux permettent d'agrémenter de photographies en couleurs même les quotidiens. Les livres documentaires donnent une place prépondérante à l'image, dont le texte n'est qu'un commentaire.

   En contrepartie dans le livre de bibliophile, le rapport entre texte et image est de plus en plus subtil, allusif. L'art abstrait s'accorde particulièrement avec les textes poétiques : Pierre écrite d'Y. Bonnefoy, avec des planches d'Ubac (1958), l'Air de G. Asse (1964), ou l'Ode à la neige de H. Pichette ornée d'estampilles de Hajdu (1967).

   L'édition de livres à tirage limité illustrée de gravures d'artistes connaît un tel essor qu'entre 1967 et 1976, 700 livres furent publiés par une soixantaine d'éditeurs, parmi lesquels figurent Pierre-André Benoit, Iliazd, Lecuire, Maeght et Tériade. Toujours dans le cadre des éditions de luxe, sont apparus les " livrobjets " d'artistes (Erro, Krasno, Monory), plus tournés vers l'objet que vers la gravure. Depuis la fin des années 60 s'est développée une importante production de livres d'artistes, souvent liés à l'art conceptuel. Ce sont des textes et des reproductions photographiques soit isolés, soit associés, entièrement conçus par l'artiste, parfois à l'occasion d'une exposition. Contrairement aux éditions de luxe à tirage limité, ils se veulent bon marché.

Italie

Après un début de siècle traditionaliste se dessine une évolution due aussi aux peintres. À partir de 1945, Mardersteig joue le rôle d'un Vollard en Italie en s'adressant à Filippo De Pisis, à Luigi Castiglioni ou à Manzu pour ses illustrations. Parmi les autres artistes du livre citons Pietro Annigoni, Massimo Campigli, Carlo Carrá, De Chirico et Marino Marini.

Angleterre

Plus attachée, par tradition, aux recherches typographiques qu'à celles de l'illustration et n'ayant pas connu les mêmes mouvements que la France dans la peinture, l'Angleterre reste fidèle aux règles du livre du XIXe s. William Nicholson continue à produire des bois et des lithographies en couleurs. Cependant, un renouveau se fait jour v. 1915, sous l'influence du peintre Paul Nash et du sculpteur Gill.

Allemagne

Sous l'influence du Jugendstil, le livre allemand sort de ses traditions et de l'influence anglaise. Trois peintres, Max Liebermann, Louis Corinth et surtout Max Slevogt, renouvellent le style de la lithographie pour les éditions de Cassirer à Berlin. À Dresde, le groupe " Die Brücke " apporte beaucoup à l'art graphique. À Munich, en 1913, paraît Klänge, avec des bois en couleurs de Kandinsky. Simplicissimus (1894-1944) est fameux pour l'audace de ses illustrations dues, entre autres, à W. Thöny, K. Arnold, O. Gulbransson Kollwitz, Steinlen, O. Kollwitz, Pascin. Un autre périodique, Der Sturm, fondé en 1910 fait appel à Kokoschka.

Autriche

À Vienne, Kokoschka illustre de lithographies de nombreux livres à partir de 1908 ; quand à Alfred Kubin, il est l'interprète idéal des textes fantastiques. Vers 1920, le retour de la gravure sur bois de fil se manifeste dans les vigoureuses images de Barlach. Le Bauhaus n'a pas formé d'illustrateurs, si l'on excepte Paul Klee et Kandinsky.

États-Unis

Des clubs de bibliophiles se créent comme, en 1929, The Limited Edition Club. Rockwell Kent écrit et illustre de bois vigoureux Wilderness (1920). À partir de 1930, l'arrivée d'artistes européens fuyant le nazisme, G. Grosz ou L. Bennelmans, par exemple, apportent un style nouveau J. Arp orne ses bois gravés Dreams and projects (1952). Le goût des amateurs contemporains va plutôt aux suites d'estampes qu'au livre illustré propement dit, tel que le conçoivent les Européens.

Illustratore (l')

Enlumineur italien (actif à Bologne pendant la première moitié du XIVe s.).

On désigne sous le nom de " l'Illustratore " un miniaturiste bolonais anonyme. Autrefois confondu avec un autre miniaturiste, Niccolò di Giacomo, l'Illustratore est, pour cette raison, parfois nommé le " Pseudo-Niccolò ". On lui attribue les miniatures de plusieurs manuscrits : des Décrétales et un Décret de Gratien (Vatican, Bibl., Lat. 1389 et 1366), les Décrétales de Boniface VIII et les Constitutions de Clément V (Padoue, Archives capitulaires), le Missel des Archives capitulaires de Saint-Pierre de Rome et l'Information de Justinien (Cesena, Bibl. Malatestiana), exécutés entre 1340 et 1350. Dans toutes ces œuvres, où le goût profane, voire populaire, se mêle à l'interprétation sacrée, l'Illustratore montre une liberté d'imagination, une fraîcheur narrative, un sens de la vérité quotidienne qui permettent de le considérer comme le plus remarquable des miniaturistes bolonais de son temps.