Tanguy (Yves)
Peintre américain d'origine française (Paris 1900 – Woodbury, Connecticut, 1955).
Fils d'un capitaine au long cours, il est en 1918 pilotin dans la marine marchande. En 1920, à Lunéville, il fait son service militaire en même temps que Jacques Prévert. Les deux jeunes gens sont à Montparnasse en 1922 ; ils y vivent d'expédients et découvrent le surréalisme chez la libraire Adrienne Monnier. En 1924, libéré de tout souci d'argent, Tanguy se met à peindre. Une toile de De Chirico, entrevue dans la vitrine de Paul Guillaume, l'avait fortement ému : Tanguy subit d'abord l'influence de ce peintre puis celle de Max Ernst. Au lendemain du scandale du banquet organisé, en 1925, pour le poète Saint-Pol-Roux, il va voir André Breton. Lié désormais au groupe surréaliste, il s'en éloignera à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
La Genèse (1926) et les œuvres reproduites dans la Révolution surréaliste à partir du numéro 7 (juin 1926), telles que l'Orage (1926, Philadelphie, Museum of Art, coll. Arensberg), sont le fruit de méthodes « automatiques ». Puis les personnages et les animaux bizarres disparaissent peu à peu des tableaux. Le thème particulier de Tanguy se précise : la lumière devient laiteuse, une plaine désertique est séparée du ciel par un horizon plus ou moins flou. Des êtres aux formes biologiques de palpes et de pédoncules prolifèrent sur cette sorte de fond marin. L'onirisme de cet espace sans limites nous fait entrer dans le monde ambigu de l'atroce-doux. Le calme des épaves pétrifiées évoque des lendemains de cataclysmes. C'est l'époque où Tanguy peint l'Inquisiteur (1929) et le Ruban des excès (1932), reproduits dans le numéro 11 de la Révolution surréaliste. L'artiste rencontre en 1938 l'Américaine Kay Sage, peintre qui adhérera au surréalisme, et il la rejoint à New York au moment de la guerre. Ils habiteront ensemble Woodbury (Connecticut) à partir de 1941, et où Tanguy obtient la nationalité américaine en 1948. Son œuvre entre alors dans sa meilleure période ; il peint Divisibilité infinie (1942, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.), le Palais aux rochers de fenêtres (1942, Paris, M. N. A. M.). L'influence passagère du tachisme transparaît dans Nombres réels (1946, coll. part.). Multiplication des arcs (1954, New York, M. o. M. A.), où l'on voit une cohue minérale envahir la plaine, précède de peu la dernière toile de Tanguy, Nombres imaginaires.
L'artiste est représenté dans la plupart des grands musées d'art moderne, notamment à Paris (plusieurs œuvres au M. N. A. M.), à New York (M. o. M. A.), à Chicago (Art Inst.), au musée de Bâle, à Londres (Tate Gal.), à Buffalo (Albright-Knox Art Gal.), à Helsinki (Ateneum). Le M. N. A. M. de Paris a consacré à Tanguy une exposition rétrospective en 1982.
Tanner (Henry Ossawa)
Peintre américain (Pittsburgh 1859 – Paris 1937).
Tanner passa la majeure partie de sa carrière en France mais il eut un égal succès aux États-Unis, où ses œuvres étaient connues et appréciées ; il peut donc, à bon droit, être considéré comme un peintre américain. Élevé à Philadelphie, où son père était évêque méthodiste, il étudia avec Eakins à la Pennsylvania Academy of Fine Arts (1880-1882), travailla un temps comme illustrateur de revues, dessinateur, photographe avant de se rendre en France, en 1891. Il fut l'élève de Jean-Paul Laurens à l'Académie Julian, commença dans la peinture de genre mais se tourna bientôt vers les scènes religieuses, qui allaient le faire connaître et lui valoir un succès constant durant toute sa carrière : David dans la fosse aux lions (1896, Los Angeles, County Museum of Art), la Résurrection de Lazare (1897), achetée par le musée du Luxembourg (musée d'Orsay). Tanner fit un voyage en Terre sainte en 1897-1898 pour renouveler son inspiration et, après un bref retour aux États-Unis (1902-1904, passa désormais la majeure partie de sa vie en France.
Tanzio da Varallo (Antonio d'Errico, dit)
Peintre italien (Riale d'Alagna 1580/1582 – Varallo 1632/1633).
Très jeune, il est à Milan à l'école des Campi, puis à Rome dans l'ambiance rénovatrice suscitée par Caravage. Les œuvres de cette période (retrouvées dans les Abruzzes) attestent cette formation précoce (Circoncision, église de Fara S. Martino). Par la suite, Tanzio puise au maniérisme lombard de Cerano, comme en témoignent les fresques des chapelles XXVII (1616-1617), XXXIV (1618-1620), XXVIII du Sacro Monte (mont Sacré) de Varallo, premier témoignage de « modernismo » en ce lieu, après les cycles de Gaudenzio Ferrari. Dès 1616, l'artiste y affirme, avec une étonnante force suggestive, son sens dramatique, qui évoque la mise en scène théâtrale. Il exécute d'autre part de nombreuses pale d'autel pour les églises de Domodossola (Saint Charles Borromée donnant la communion aux pestiférés), Borgomanera (Madone au rosaire), Novare, Borgosesia ainsi que des cycles de fresques pour la chapelle de l'Ange-Gardien (avec également des toiles) à S. Gaudenzio de Novare, pour S. Antonio et pour S. Maria della Pace à Milan. Avec Niccoló Musso (de Casale) et Giovanni Antonio Molineri (de Savigliano), Tanzio représente le courant caravagesque piémontais, ouvert aux échanges avec les peintures espagnole et napolitaine. La pin. de Varallo conserve un bel ensemble de ses peintures (deux David, Saint Antoine) et de ses dessins. L'artiste est aussi représenté à la Brera, à la Gal. Sabauda de Turin, au musée de Novare et à la N. G. de Washington (Saint Sébastien). Une exposition lui a été consacrée à Milan en 1958.
Tàpies (Antoni)
Peintre espagnol (Barcelone 1923).
Il découvre l'art contemporain pendant ses études et commence, dès 1934, à s'intéresser au dessin et à la peinture. Fortement marqué par la guerre civile et ses atrocités, il tombe malade et se remet à peindre pendant sa convalescence. En 1946, il réalise quelques œuvres peintes en pâtes épaisses ainsi que des collages, faits de fils, de papiers, de cartons, qui évoquent certaines œuvres de Miró. En 1948, il fonde avec un groupe d'écrivains et de peintres de Barcelone la revue Dau al Set, expose pour la première fois au Salon d'octobre de Barcelone et fait la connaissance de Miró. C'est alors que se situe sa féconde période « surréaliste », qui voit naître un grand nombre de tableaux dans lesquels se révèlent les influences de Klee, d'Ernst et de Miró : peinture très lisse, aux couleurs chaudes, dont les formes – empruntées au répertoire plastique et poétique de ces peintres : soleils, lunes, croissants, damiers, figures géométriques, paysages et personnages irréels – se détachent sur des fonds très nuancés où jouent des contrastes d'ombres et de clartés (Desconsuelo Lunar, 1949 ; Parafaragamus). En 1949, Tàpies commence à graver à l'eau-forte, technique dans laquelle il se distinguera (prix de la Biennale de Ljubljana, 1967). Sa première exposition personnelle a lieu à Barcelone en 1950 (Galerias Laietanes), préfacée par J. E. Cirlot, puis au musée municipal de Mataro. Il obtient une bourse du gouvernement français pour venir travailler à Paris, où il fera par la suite de nombreux séjours. C'est ainsi qu'il découvre l'art informel, dont Dubuffet, Fautrier, Michaux, Wols ont ouvert les voies. Après la dissolution du groupe Dau Al Set en 1951 et une courte période plus géométrique, il revient à ses premières recherches de matière, aux empâtements et aux « grattages » de ses débuts. Il mêle alors aux couleurs à l'huile du marbre pulvérisé, du sable, du latex, des couleurs en poudre pour obtenir cette facture qui caractérise dès lors sa peinture, évocation de murs immémoriaux (Rojo, 1955 ; Negro y ocre, 1955). La matière est parfois plissée, ridée, lourde et comme prête à couler, ou rayée de tracés incertains, très apparentée à celle de Dubuffet. Par la suite apparaissent de grands espaces presque vides, marqués seulement de quelques signes ou empreintes, d'incisions précises, de sortes de « coutures » laissant voir un fond de couleur différente. La première exposition personnelle de l'artiste à New York a lieu en 1953 (gal. Martha Jackson) et à Paris en 1956 (gal. Stadler). La tentation de l'objet s'insinue de bonne heure dans l'œuvre de Tàpies, où des formes de plus en plus directement exploitées apparaîtront jusqu'à devenir le thème central de certains « tableaux » (Rideau de fer et violon, 1956, Bois et chevalets, 1970, Paris ; Caisse à la chemise rouge, 1972). Parallèlement, des allusions figuratives, détails monumentaux emplissant presque tout l'espace, revêtent une ambiguïté fascinante (Matière en forme de pied, 1965 ; Matière en forme d'aisselle, 1968). Installé à Saint-Gall, en Suisse, en 1962, il a travaillé pour divers édifices de la ville (peinture murale pour le théâtre, 1972). Depuis 1970, il pratique la sculpture et a réalisé en 1983, à Barcelone, un Monument à Picasso. En 1982-1983, il a peint une série de toiles directement avec le vernis qui ne lui servait jusqu'alors que de base et de liant à ses mélanges de poudres et de matériaux. Il a publié la Pratique de l'art (1970), l'Art contre l'Esthétique (1974) et une autobiographie, Mémoire (1981). La Fondation Tàpies est créée en 1984 à Barcelone. L'année suivante, la ville consacre à l'artiste une importante exposition alors qu'une rétrospective de son œuvre graphique est organisée dans différentes universités des États-Unis. Il est représenté dans la plupart des grands musées d'art moderne du monde. Une importante exposition Tàpies a été présentée à Paris (G. N. du Jeu de Paume) en 1994.