Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître du Roussillon

Peintre espagnol (Actif dans le Roussillon, au début du XVe s.).

Cet artiste porte le nom du comté dans lequel ont été trouvés plusieurs retables qui lui sont attribués : le Polyptyque de saint André, acquis par le Metropolitan Museum de New York, un panneau avec 2 Scènes de la vie de saint Dominique (église de Collioure) et le Retable de saint Jean-Baptiste (église d'Evol), exécuté avant 1428, année de la mort du donateur, Guillermo de So. D'un style proche, mais sans doute d'une autre main à Perpignan, on peut également citer : le Retable de saint Nicolas (église de Camélas), ainsi que le Retable de saint Juste et saint Pasteur (Paris, Église américaine) et un pinacle avec la Crucifixion (musée de Bâle). L'élégance et la fantaisie de ses compositions, le graphisme très incisif de ses figures, l'intensité de ses couleurs, enfin, rapprochent le peintre du Catalan Borrassá, dans l'atelier duquel il a peut-être été formé. Le Maître est, sur le versant nord des Pyrénées, l'un des représentants les plus inspirés du style gothique international. On a proposé de l'identifier avec Arnau Pintor, peintre le plus actif de Perpignan, connu par des documents entre 1385 et 1440.

Maître du Saint-Sang

Peintre flamand (actif à Bruges dans le premier quart du XVIe

s.). On lui attribue une trentaine de tableaux, groupés autour d'un triptyque représentant une Pietà, conservé à la chapelle du Saint-Sang à Bruges et qui doit être le tableau offert en 1519 à la confrérie du Saint-Sang. La confrontation d'un grand nombre de ses œuvres, très dispersées (église Saint-Jean de Bruges, musées d'Anvers, de Bruxelles, de Cleveland, de Madrid, de Munich, de New York, de Vienne, etc.), a révélé une production de qualité moyenne (peut-être destinée à l'exportation), où se mêlent les emprunts à Hugo Van der Goes, à Gerard David, et l'influence, maladroitement assimilée, de Quentin Metsys.

Maître du Triptyque Morrisson

Peintre flamand (actif à Anvers dans le premier quart du XVIe s.).

Le triptyque (la Vierge et l'Enfant avec des anges entre les deux Saints Jean) autrefois dans la collection Morrisson (Toledo, Ohio, Museum of Fine Arts) est une libre variante de celui de Memling qui est conservé au musée de Vienne. Dans les autres peintures de ce maître, l'influence de Gérard de Saint-Jean et de l'école de Haarlem apparaît beaucoup plus nettement, notamment dans les types des personnages, la technique du feuillé des arbres et le coloris. Son identification avec Simon Van Herlam, mentionné à Anvers de 1501 à 1524, est pour cela même très plausible.

Maître d'Uttenheim

Peintre autrichien (actif au Tyrol dans la seconde moitié du XVe s.).

Il fut ainsi nommé d'après un tableau (Madone trônant et saintes, Vienne, Österr. Gal.) provenant d'Uttenheim (Villa Ottone), dans le Tyrol du Sud, près de Bruneck. Premier artiste du Tyrol à se détourner de l'art du trecento italien pour s'orienter vers l'ouest (France, Rhin supérieur, lac de Constance), il devint ainsi, en particulier par son coloris, l'annonciateur de Pacher, dont il semble avoir été le parent et le maître. On attribue à la première partie de sa carrière des tableaux d'autel pour Neustift (Tyrol) : Saint Augustin (musée de Neustift), peint après 1450 et qui révèle des influences occidentales (K. Witz ?), la Sainte Parenté (v. 1460 ?, id.), le Christ et Thomas (v. 1465, coll. part.). On décèle dans le Retable d'Uttenheim (av. 1470) les premiers effets de l'influence de Pacher, comme peintre et comme sculpteur, dont le maître va devenir peu à peu l'imitateur. À cette seconde période appartiennent le Retable de saint Étienne de la cathédrale de Brixen (4 Scènes de la vie des saints Laurent et Étienne, Scènes de la Passion), marqué par l'art de Mantegna, transmis par l'intermédiaire de Pacher (v. 1470, musée de Moulins), un Retable de la Vierge (panneaux partagés entre le musée de Nuremberg, l'Alte Pin. de Munich et l'Österr. Gal. de Vienne) ainsi que 4 peintures illustrant l'Enfance de Jésus (œuvres tardives, musée de Graz).

Maître E. S.
ou Maître E. S. de 1466

Orfèvre, graveur au burin et dessinateur suisse ou allemand (actif dans le Rhin supérieur, à Strasbourg ?, v. 1450/1467).

Cet artiste est le premier à avoir utilisé un monogramme (E., E. S. et S.) pour signer ses gravures. Une vingtaine d'estampes portant cette signature forment le noyau autour duquel M. Geisberg et M. Lehrs réunirent au début de notre siècle plus de 300 pièces. Mais l'œuvre du maître devait être à l'origine bien plus considérable : on l'estime à près de 500 gravures. Parmi les quelque huit dessins qui lui ont été attribués, la critique retient actuellement la Jeune Fille tenant une bague (sainte Catherine ?) [Berlin, Kupferstichkabinett] et le Baptême du Christ (Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques).

   À la tête d'un atelier, le Maître E. S. se chargeait vraisemblablement aussi de l'édition d'une production variée destinée à satisfaire la clientèle nombreuse des villes rhénanes. À la faveur de la crise religieuse, la demande en images de dévotion s'était considérablement accrue : les images religieuses du Maître E. S. (Ancien Testament, Vie et Passion du Christ, Vie de la Vierge, Légendes de saints) dominent au sein de son œuvre. La Grande Madone (1466) qu'il grava pour le pèlerinage très fréquenté d'Einsiedeln en Suisse, en s'inspirant d'une fresque de la cathédrale de Constance, est sans doute son morceau le plus célèbre.

   Ses gravures satiriques où l'idéal courtois, à l'honneur dans les milieux nobiliaires, est tourné en dérision, et son alphabet figuré étaient davantage destinés à l'élite bourgeoise.

   L'œuvre gravé du Maître E. S. est caractérisé par une grande hétérogénéité technique et stylistique, ce qui rend difficile l'établissement d'une chronologie. On s'accorde cependant pour situer le groupe des quatorze burins, datés 1466 et 1467, à la fin de sa carrière. Un ensemble aussi varié reflète une personnalité artistique originale assimilant consciemment les influences les plus diverses pour les interpréter de manière très personnelle. Parmi les multiples sources du Maître E. S., l'œuvre de K. Witz et les nouveautés picturales des Pays-Bas méridionaux (R. Campin, R. Van der Weyden et D. Bouts) retiennent particulièrement l'attention.

   En retour, l'influence exercée par le Maître E. S. dans le Rhin supérieur au cours de la seconde moitié du XVe s. — notamment sur la sculpture strasbourgeoise — fut considérable, au point de contribuer à la formation d'un style régional. Avant M. Schongauer, le Maître E. S. fut sans conteste le graveur du XVe s. dont l'œuvre exerça le plus grand rayonnement.