Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vasarely (Victor)

Peintre français d'origine hongroise (Pécs 1908-Paris 1997).

Il se forma en Hongrie à l'Académie Pololini-Volkmann, puis à l'académie Muhely de Budapest sous la direction de Sandor Bortnyk, en 1929. Établi à Paris en 1931, il travaille dans la publicité (Havas, Draeger) et, de 1936 à 1944, conçoit une œuvre graphique importante d'où il tire sa propre sémantique. Il participe en 1944 à la fondation de la gal. Denise René, qu'il inaugure avec sa première exposition. Une série de portraits (Autoportrait, Antonin Artaud) exécutés en 1946 témoignent de ses préoccupations dans un esprit postcubiste, mais parfois curieusement " éclaté " : Sept Ans de malheurs. Très rapidement, à partir de 1952, Vasarely aborde l'Abstraction. Le champ chromatique est réduit à quelques couleurs, et la ligne, élégante et souple, y joue un rôle dynamique. Un séjour à Belle-Île-en-Mer (1947) et la découverte du galet ayant affermi l'artiste dans son idée, dès lors constante, que " les langages de l'esprit ne sont que les supervibrations de la grande nature physique ", la période " cristal " (Gordes, Vaucluse, 1948) repose sur le même passage d'une réalité à la synthèse.

   La conquête du Cinétisme apparaît en filigrane dans l'œuvre de Vasarely. Elle n'est pas subite et accidentelle, mais elle est le terme d'un labeur constant et acharné. Ces jalons du Cinétisme, Vasarely les a lui-même situés dans Étude bleue (1930), Folklore, où il reprend les particules colorées d'un Klimt, de caractère Modern Style, suivant un processus d'organisation dynamique de la surface. La série des Zèbres (1932-1942) définit enfin l'esprit de toutes les recherches ultérieures. Dès lors, l'artiste a progressé à partir de ses données anciennes, passant de la peinture de chevalet au mur et de la surface au volume, introduisant enfin des matériaux nouveaux (aluminium, verre) en vue de préparer l'intégration de ses œuvres à l'architecture, qui est finalement son but suprême : cité universitaire de Caracas, avec un décor mural en hommage à Malevitch, compositions en céramique et lames d'aluminium, réalisation dans le cadre des constructions de Jean Ginsberg (à Paris, immeubles du boulevard Lannes, de l'avenue de Versailles, de la rue Camou ; H. L. M. de la ville de Meaux), sculpture polychrome à Flaine (Haute-Savoie), tapisseries tissées à Aubusson. Vasarely a réalisé aussi une importante œuvre graphique : Chell (1949), Album Vasarely (1958), Album III (1959), Constellations (1967), sérigraphies. Parce qu'il est à la fois peintre et sculpteur, il est plutôt un plasticien, un metteur en scène de la couleur et de l'espace. Il a ardemment milité pour la création d'un espace mural animé par des effets d'optique, l'abandon du tableau de chevalet et vise à renouer avec la tradition de la Renaissance, qui ambitionnait un art total. L'artiste a défini sa méthode dans de nombreux ouvrages, en particulier Plasti-Cité paru en 1970. Il est représenté dans de nombreux musées d'art moderne. Une exposition Vasarely, 50 ans de création a été présentée à Lausanne, musée Olympique, en 1996, et à Libourne, M. B. A., la même année.

Vasari (Giorgio)

Peintre et historien italien (Arezzo 1511  – Florence 1574).

La formation et la carrière brillante de Vasari comme peintre sont bien connues grâce à l'autobiographie qu'il publia à la fin des Vite (éd. de 1568), à sa correspondance avec les personnalités les plus en vue et à son livre de comptes. À Arezzo, Vasari passa dans l'atelier du verrier français Guillaume de Marcillat. À partir de 1524, il fréquenta les grands ateliers florentins d'Andrea del Sarto et Michel-Ange et rencontra Rosso (1528). S'il travailla aussi chez un orfèvre de Pise (1529), toute sa formation est tournée vers l'étude du dessin. Les voyages à Rome en 1532 et en 1538, au cours desquels il copia systématiquement les œuvres les plus célèbres de la Renaissance (copies au Louvre), furent déterminants. Tout jeune, l'artiste participa aux grands " apparati " des fêtes princières (couronnement de Charles Quint, Bologne, 1532 ; venue de l'empereur à Florence, 1536) et lia son nom à celui des Médicis (Portrait du duc Alexandre, 1534, Florence, Palazzo Medici). Dispersion géographique, mais fidélité farouche à une origine toscane, variété des genres et rapidité d'exécution caractérisent sa production. Plusieurs œuvres religieuses à Arezzo (Déposition du Christ, S. Annunziata), la décoration " a olio e a fresco " de l'église des moines de Camaldoli (1537-1540), celle du réfectoire du couvent de S. Michele in Bosco (1539, Bologne) précèdent l'Immaculée Conception (1541, Florence, SS. Apostoli). Reprise plusieurs fois par Vasari lui-même, largement copiée par la suite, cette œuvre est sans doute la peinture religieuse la plus connue de l'artiste. Un voyage à Venise (où l'Arétin le fait inviter pour créer le décor d'une de ses pièces, l'Atalanta, représentée pour le carnaval de 1542), l'introduction à Rome dans le cercle des humanistes réunis autour du cardinal Alexandre Farnèse, pour qui Vasari exécute une Allégorie de la Justice (Naples, Capodimonte), diverses peintures pour Naples (la Manne dans le désert) jalonnent cette période, qui s'achèvera en 1546 par la décoration de la Cancelleria (Rome), répartie en de vastes peintures célébrant les actions du pape Paul III Farnèse. Entre 1546 et 1554, Vasari travaille aussi bien en Toscane, à Ravenne et à Rimini qu'à Rome, où il décore avec Ammannati la chapelle del Monte (S. Pietro in Montorio, 1550) pour le pape, Jules III. À cette occasion, il est en rapport étroit avec Michel-Ange.

   Appelé en 1554 à Florence par Cosme Ier pour organiser l'aménagement de l'ancien palais de la Seigneurie, devenu résidence princière, il est, pendant vingt ans, au centre de la vie artistique florentine. Peintures mythologiques (Quartiere degli Elementi, 1555-1559) et historiques (Quartieri di Leone X, 1555-1562), salle d'apparat (Sala Grande, 1563-1572 ; Studiolo, 1570-1573) sont l'expression d'un art de cour comparable à celui qu'illustrent les décorations de T. Zuccaro à Caprarola. Entre 1560 et 1584, il restaure aussi l'église Santa Croce à Florence, qu'il décore d'autels classiques selon le vœu de Cosme Ier. Vasari travailla également pour Pie V à la fin de sa vie (Vatican, Sala Regia, 1572-73). Il n'eut pas le temps d'achever les fresques de la coupole du dôme de Florence, mais laissa un important ensemble d'études (Louvre), plus ou moins suivies par Federico Zuccaro et ses aides.

   Plus encore que par la peinture, où le souci du contenu (" invenzione "), de la variété et de l'effet paralyse l'inspiration, Vasari s'exprime par la plume, le lavis et la pierre noire. Défenseur du dessin, il fut l'un des fondateurs de l'Accademia degli arti del disegno (1563), qui devait favoriser la cohésion du style de la deuxième génération maniériste. Collectionneur de dessins, il fut le premier à les présenter dans des encadrements de son invention.

   Il travailla toujours avec des aides nombreux : d'abord Gherardi, dont l'œuvre est difficile à séparer de celle de Vasari, puis après 1556, Stradanus, Sabbatini, Zucchi, Naldini, Poppi. Architecte (Offices), organisateur de fêtes (noces de Francesco I, 1565), il fut aussi l'un des premiers et l'un des plus célèbres collectionneurs de dessins.

Les " Vite "

Toutefois, la célébrité de Vasari repose surtout sur son œuvre d'historien, Le Vite de' più eccelenti architetti, pittori e scultori italiani da Cimabue insino a'nostri tempi (Florence, Torrentino, 1550), première somme systématique, sous forme de biographies à la manière des " éloges " humanistes, des documents composant à l'époque l'histoire des arts figuratifs italiens.

   En 1568, Vasari publia une seconde édition de son œuvre, augmentée de nombreuses notices, sous le titre Le Vite de' più eccelenti pittori, scultori e architettori (Florence, Giunti). Par l'abondance du matériel, la richesse des observations directes sur les œuvres, la vigueur des synthèses, les Vite restent le chef-d'œuvre de l'historiographie artistique italienne et aussi un instrument de travail irremplaçable pour la compréhension de l'art et de la société de la Renaissance. Une édition française complète des Vies, sous la direction d'André Chastel, a été achevée en 1987.