Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Campagnola (Domenico)

Peintre et graveur italien (Padoue [ ?] v.  1500  – id. v.  1564).

Considéré par ses contemporains comme un élève de Titien, il faut plutôt l'identifier avec " Domenico Veneziano ", qui fut l'élève de Giulio Campagnola. Ses gravures de 1517 – 18 sont de toute évidence inspirées par ce dernier. Dans la peinture, sa principale activité, il montre d'abord des affinités avec Pordenone (Miracle de saint Antoine, Padoue, Scuola del Santo) et se rapproche ensuite de Romanino et de Moretto (Prophètes, 1531, Padoue, église S. Maria del Parto ; Baptême de sainte Justine, 1562, Padoue, Museo Civico). On lui attribue un assez grand nombre de dessins, en général de grands paysages à la plume avec des figures dans la tradition de Giorgione et très voisins de ceux de Titien (Louvre ; British Museum ; Offices).

Campagnola (Giulio)

Graveur et peintre italien (Padoue 1482  – apr. 1522).

En 1495, il est mentionné comme " érudit " en langues et en 1515 son nom est cité dans le testament d'Aldo Manuzio. Si l'ensemble de son œuvre accuse des réminiscences de son éducation mantégnesque et bellinienne, il fut profondément marqué par la connaissance de Giorgione, sans doute lors d'un voyage à Venise en 1507. Il lui revient ainsi le mérite d'avoir introduit dans sa ville les nouveautés vénitiennes, notamment la peinture " tonale ", qu'il essaya de traduire dans ses gravures en mettant au point une technique de son invention, une sorte de pointillisme : Femme nue allongée dans un paysage, Concert, Jeune Berger, Nativité, l'Astrologue (1509). On lui attribue parfois, mais sans que la critique soit unanime sur ce point, certains petits panneaux peints, de caractère nettement giorgionesque. Les meilleurs dessins qui lui sont attribués (Louvre ; Offices ; Paris, E. N. S. B. A.), notamment des paysages de la terra ferma, avec des collines boisées et des " fabriques " pittoresques, évoquant la poésie arcadique du jeune Titien et de Giorgione, sont considérés par K. Oberhuber comme des œuvres de ce dernier artiste.

Campaña (Pedro)
ou Peter de Kempener

Peintre flamand (Bruxelles 1503  – id. 1580).

Attiré par la prospérité de Séville, il vint s'y établir, avant 1537, après avoir étudié en Italie les sciences et les arts et participé en 1530 à la décoration de l'arc de triomphe élevé à Bologne lors du couronnement de Charles Quint. Son principal mérite, selon ses contemporains, est d'avoir introduit en Espagne le style de Raphaël, mais l'observation directe de la nature tempère l'imitation des modèles classiques, dont il ne s'inspire jamais servilement. Son tempérament dramatique s'exprime dans ses premières œuvres importantes peintes sur bois comme l'est toute sa production : Crucifixion (Louvre), Flagellation (musée de Varsovie), Saint Antoine et saint Paul ermite (Séville, S. Isidoro), Christ à la colonne (Séville, S. Catalina). La Crucifixion du Louvre, en particulier, par le groupement dense des figures aux visages tourmentés, offre des affinités avec certaines œuvres siciliennes de Polidoro da Caravaggio, qui permettent de conclure à une probable collaboration entre les 2 artistes à Messine, avant que Campaña ne parte pour l'Espagne. Dans la Descente de Croix (av. 1547, musée de Montpellier), Campaña développe la scène sur un paysage violemment éclairé d'où se détachent, au premier plan, les silhouettes sombres des personnages. Une lumière oblique vient frapper les visages dans un effet saisissant de clair-obscur. L'artiste s'engagea, en 1547, à reprendre le même thème pour l'église Santa Cruz (auj. à la cath. de Séville) en promettant d'exécuter une œuvre supérieure à la précédente, alors conservée dans le couvent sévillan de S. Maria de Gracia. Campaña tint parole et intensifia l'aspect dramatique de la scène, grâce à la suppression de certains personnages et à une composition plus rigoureuse s'ordonnant autour du corps du Christ ; les réminiscences italiennes se sont estompées, et le tempérament flamand a inspiré l'expression pathétique des visages. Le retable de la Purification (cathédrale de Séville) est surtout redevable aux grandes compositions peintes par Raphaël pour le Vatican ; certains détails réalistes animent les tableaux d'un accent particulier et les portraits des donateurs échappent à toute convention.

   Les dernières peintures de Campaña à Séville furent exécutées pour un retable de l'église S. Ana de Triana. Un élan lyrique anime chaque scène, grâce aux effets de lumière, qui concentrent l'attention sur l'expression des visages. Certains épisodes ont été traités par des disciples ; mais le style propre de Campaña atteint à sa plénitude dans le Départ de Joachim, la Rencontre à la porte Dorée et la Nativité du Christ.

   D'étonnants effets de perspective et de clair-obscur, l'apparition de la réalité quotidienne dans l'histoire sacrée ouvrent la voie aux peintres sévillans du Siècle d'or. Campaña exécuta aussi un retable pour la chapelle Saint-Nicolas de la cathédrale de Cordoue. En 1563, il avait regagné Bruxelles, où il succéda à M. Coxcie comme peintre de cartons pour la manufacture de tapisseries (tapisserie de l'Histoire de saint Paul, coll. part ; ensemble de la Chiesa Madre, Marsala). Dans une série d'œuvres de petits formats, aux compositions plus dépouillées et traitées presque en grisaille, il reprend le thème de la Descente de Croix (musée de Prague, New York, coll. part., coll. Despujol) auquel s'apparente un triptyque (Barcelone, coll. part.).

Campano (Miguel Angel)

Peintre espagnol (Madrid 1948).

Il étudie l'architecture et les beaux-arts à Madrid et Valence, puis réside à la Cité des arts de Paris en 1976-77. À partir de 1971, il réalise des expositions personnelles en Espagne. En 1974, ses œuvres sont d'inspiration constructiviste (gal. Iolas-Velasco, Madrid). À partir de 1980, il s'installe à Paris et participe en 1982 à la XIIIe Biennale de Paris. Aux côtés de Barceló et de Sicilia, avec qui il va peindre " sur le motif ", il représente en France l'actualité de la jeune peinture espagnole. Il est un abstrait aux confluences de l'Expressionnisme américain et des courants non-figuratifs qui, en Espagne, le rapprochent de Broto et de Grau.

   Ses références, cependant, l'écartent de la tradition espagnole, car elles l'inscrivent dans une mémoire de la culture française : Poussin, Cézanne, Rimbaud, dont le poème " Voyelles " lui inspire, en 1979-80, une série de peintures (gal. Juana de Aizpuru, Séville, 1980). Campano saura user, au cours des années 80, du renouveau de la peinture figurative sans pour cela renier son projet pictural (Triptyque, 1983-84). Fasciné par les romantiques Delacroix et Géricault, il réalisera la suite des " Naufrages " (gal. Egam, Madrid, 1984) puis le cycle des " Omphalos ", hommage explicite aux paysages grecs.

   Il est présent dans les coll. du M. N. A. M. de Paris, du musée de Cuenca, du British Museum de Londres, du musée des Beaux-Arts de Bilbao et de la fondation Hastings de New York. Une exposition lui a été consacrée (Valence, I. V. A. M.) en 1990.