Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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fleurs (suite)

La Renaissance

À la fin du XVe s. apparaissent de véritables natures mortes de fleurs peintes au revers d'un tableau. L'artiste isole de la scène religieuse les symboles usuels pour leur donner une existence indépendante ; certes, ces natures mortes ne cesseront pas d'être des tableaux religieux, mais le changement est capital. Au revers d'un Portrait d'homme en oraison par Memling (v. 1490, Madrid, coll. Thyssen), on voit, dans une niche, une table recouverte d'un tapis sur lequel est posé le vase de l'Annonciation contenant des lis et des iris. Le Vase de fleurs de lis et d'iris de Ludger Tom Ring (musée de Münster), quoiqu'il ne participe pas du même climat artistique, est une manifestation tardive (1562) de fleurs peintes pour leur signification religieuse.

   Les initiatives de Memling et des peintres de cette époque sont un reflet de l'art des manuscrits enluminés. À la fin du XVe s., les enlumineurs ganto-brugeois donnent aux bordures le même caractère de relief et de profondeur qu'à la scène principale ; le grand novateur qu'est le Maître de Marie de Bourgogne décore les bordures du Livre d'heures d'Engelbert de Nassau (v. 1485-1490) de vases de fleurs dans des niches, traitées en trompe-l'œil avec l'ombre projetée derrière les vases. Simon Bening suivit le style du Maître de Marie de Bourgogne dans le Bréviaire Grimani (v. 1514), célèbre pour le décor de sa bordure, délicatement fleurie de corolles éparses sur fond d'or et, quelquefois, de petits bouquets.

   Un troisième exemple de la peinture de fleurs au début de la Renaissance est fourni par les portraits, du Portrait de jeune homme attribué à Memling (v. 1485, New York, coll. Sachs) aux portraits d'Érasme par Dürer (gravure, 1526), de la Famille More et de Georg Gisze (musées de Berlin) par Holbein le Jeune (1532). Plus importants deviennent au XVIe s. les vases de fleurs qui embellissent les portraits (de Vos). Ces derniers noms nous placent sous le signe de l'humanisme. Le fait que la peinture de fleurs existait à Anvers et ailleurs en tant que spécialité, v. 1550, est en partie explicable quand on la replace dans un contexte scientifique. On peut en voir les prémices dans les premiers travaux du Maître de Marie de Bourgogne et de Simon Bening ; à partir de ce moment, la peinture de fleurs ne peut pas être séparée de la passion des botanistes qui étudient la nature, des curieux qui collectionnent les fleurs et les herbiers, des horticulteurs, des artistes et des artisans au service des imprimeurs de livres scientifiques. De nouvelles variétés de fleurs apparaissent ; tel est le cas de la tulipe, importée de Turquie v. 1560. On crée des jardins botaniques, des jardins d'agrément. Des progrès scientifiques résulte l'emploi croissant des verres grossissants qu'utilisèrent certainement les artistes pour l'étude des plantes et l'exécution de leurs ouvrages. Le rendu exact des herbes et des fleurs, commençant avec les admirables études à l'aquarelle de Dürer, suivies par celles de Hoefnagel, fut stimulé par la publication de l'herbier de Léonard Fuchs (1542), intitulé De historia stirpium, qui précéda celle de nombreux autres herbiers et ouvrages de botanique médicinale, souvent imprimés à Anvers ou à Francfort. Ces ouvrages scientifiques entraînèrent des publications spécialisées pour les artistes, tel le Florilegium de Plantin, publié à Anvers, qui utilisa des dessins de Pieter Van der Borcht copiés par des artistes dont l'intérêt pour les fleurs n'était pas spécialement scientifique ; et l'une des raisons du succès de la peinture de fleurs à partir de 1550-1560 fut, en dehors d'une réponse aux nombreuses commandes d'une clientèle aristocratique, qu'elle exigeait des peintres sens de la couleur et originalité pour produire des effets nouveaux et inattendus.

   Deux noms d'artistes, v. 1550, illustrent l'importance du courant. Lodewijk Jan Van den Bosch fut actif dans le nord des Pays-Bas ; c'est seulement par le témoignage de Van Mander que l'on sait qu'il peignit des fleurs et des fruits, avec tant de patience qu'ils semblaient naturels. Le second est Georg Hoefnagel.

   Il faut reconnaître alors le rôle primordial de l'Italie : les bouquets d'Hoefnagel et de Van den Bosch sont le reflet de ce qui se faisait en Italie avec Giovanni da Udine, qui peignit, à partir des grotesques récemment découverts de la Domus Aurea, le premier tableau de fleurs de chevalet.

   À la même époque, en France, la peinture de fleurs se rattache à la peinture décorative ; des peintres décorateurs utilisèrent certains éléments de nature morte pour les compartiments des lambris. Les décors dans les châteaux d'Oiron (salle des gardes), de Tournoël (oratoire, v. 1564), de Beauregard sont un témoignage du goût des lambris à compartiments ornés de paysages, bouquets ou corbeilles de fleurs et de fruits.

XVIIe siècle

Flandres

Plus qu'une autre catégorie de nature morte, le bouquet de fleurs du début du XVIIe s. garde les caractéristiques essentielles de la période précédente. La grande vogue des tableaux de fleurs apparaît v. 1600 ; aucun bouquet daté de Jan Bruegel ni de ses contemporains, J. de Gheyn, A. Bosschaert, R. Savery, n'est antérieur aux premières années du XVIIe s. Au même moment, ces artistes se mettent à peindre des fleurs, comme des artistes plus jeunes, tels B. Van der Ast, Clara Peeters et J. Vosmar, élève de De Gheyn.

   On connaît bien l'art d'un des plus grands peintres de fleurs, J. Bruegel de Velours. Son activité fut telle dans ce domaine qu'on peut distinguer dans sa production des vases, des coupes, des corbeilles et des guirlandes de fleurs. Il se libère du caractère intensément naturaliste, correspondant à la séculaire passion des botanistes ; sa vision de la fleur est avant tout picturale. On s'accorde à reconnaître que les meilleurs bouquets du peintre sont de l'époque de sa collaboration avec Rubens (1615-1618). Un aspect intéressant de l'activité de Bruegel réside dans les guirlandes de fleurs. Création originale du peintre, elles servent parfois à décorer un motif central, chrétien ou mythologique, peint par Rubens ou d'autres peintres, tels H. Van Balen ou P. Van Avont. La guirlande avec la Vierge à l'Enfant (Louvre), résultat de la collaboration de J. Bruegel et de Rubens, en est un bon exemple. Le thème des guirlandes, où l'on retrouve la vocation première de la fleur, l'hommage, sera illustré par de nombreux artistes flamands, tel le deuxième chef de file de la peinture flamande de fleurs, Daniel Seghers, qui peignit principalement des guirlandes et des vases de fleurs. Les collaborateurs de Seghers pour le motif central ont été des Italiens, Dominiquin pour la Guirlande de fleurs avec le triomphe de l'Amour, peint en 1625-1627 (Louvre), ou des Flamands, artistes anversois, E. Quellinus, T. Willeboirts, J. Van den Hoecke, G. Coques ; mais le collaborateur le plus fréquemment cité est C. Schut. Comme Bruegel de Velours, Seghers eut de nombreux élèves et imitateurs qui contribuèrent à répandre le genre de la peinture de fleurs en Flandre. On peut citer parmi les premiers ses fils et petits-fils, Abraham Govaerts, Isaac Van Osten, Adriaen Van Stalbemt et, parmi les suiveurs de Seghers, J. P. Van Thielen, Frans Ykens, Jan Van Kessel, petit-fils de Bruegel de Velours, Nicolas Van Veerendael, Johannes Antonius Van der Baren, Jan Van den Hecke l'Ancien, Pieter Gaspar Verbruggen l'Ancien et, le plus grand, Jan Davidsz de Heem, qui n'est pas à proprement parler un suiveur, mais qui s'est inspiré de Seghers dans ses guirlandes.

   Dans le courant de la nature morte internationale de type archaïque diffusée par les Flamands en Europe au début du XVIIe s., l'art d'O. Beert et de C. Peeters est plutôt rattaché à l'utilisation de la formule des repas servis. O. Beert l'Ancien peignit des fleurs dans des natures mortes égayées d'un bouquet, dans des corbeilles et dans des vases ; C. Peeters, dans des tableaux indépendants et dans des natures mortes de verreries, vases précieux, fruits et desserts. Comme C. Peeters, Flegel peignit des fleurs dans des desserts et dans des tableaux indépendants. D'autres peintres allemands ont travaillé dans ce climat artistique, Peter Binoit et Isaac et Jan Soreau, fils de Daniel Soreau.

   Au milieu du siècle, F. Snyders et surtout son élève J. Fyt apportent dans la nature morte les leçons de Rubens. Fyt s'impose comme un très grand peintre de fleurs, et c'est peut-être dans ce genre qu'il se montre le plus personnel. Cependant, il ne s'est consacré qu'exceptionnellement à cet art. Ses bouquets et ses compositions enrichies de fleurs traduisent une vigueur du coup de pinceau, une gamme chaude et profonde. On les a souvent rapprochés des bouquets de Courbet. Fyt et son élève Boel eurent une grande influence sur la peinture génoise et la peinture française (Fyt est documenté à Paris en 1633-34).