Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vallayer-Coster (Anne)

Peintre français (Paris 1744  – id. 1818).

Fille de Joseph Vallayer, orfèvre du roi, elle fut reçue à l'Académie en 1770 (Attributs de la Musique et Attributs de la Peinture, Louvre). Elle épousa en 1781 Jean-Pierre Sylvestre Coster. Nommée chef du cabinet de Peinture de Marie-Antoinette, elle se réfugia en province sous la Révolution et revint à Paris en 1796.

   Des portraits et surtout des natures mortes (Fleurs, Apprêts de repas, Bas-Reliefs feints, Trophées de chasse) constituent l'ensemble de son œuvre. Dans ses portraits, l'artiste s'inspire de Chardin dans l'étude psychologique des personnages et dans la façon de rendre très sobrement quelques détails destinés à adoucir l'austérité de l'ensemble (J. Ch. Roëttiers, 1777, Versailles). Les Néerlandais, peut-être par l'intermédiaire de l'œuvre de Largillière (Nature morte, Paris, musée Nissim-de-Camondo), lui fournissent, pour ses natures mortes, un répertoire iconographique qu'elle renouvelle peu ; mais, héritière de la tradition plus sobre des peintres de nature morte français, Anne Vallayer-Coster emploie souvent un fond neutre, une touche délicate et nerveuse qui font d'elle — après Chardin, qu'elle ne se contente pas d'imiter, et Oudry — l'un des peintres de genre les plus attachants du siècle. Son Panaches de mer, lithophytes et coquillages (1769, Louvre) est une des plus fascinantes natures mortes qui soit. L'artiste prolonge la tradition de la nature morte de Chardin jusqu'à l'aube du Romantisme (Table chargée d'un homard, de différents fruits, de gibier, 1817, Louvre). Les musées de Berlin, Genève, Le Mans, Nancy, Carcassonne, Dijon, Reims, Strasbourg, Toledo (Ohio), Paris (Nissim-de-Camondo et Arts décoratifs), Saint-Jean-Cap-Ferrat (Île-de-France). Ottawa (N.G.) et le Metropolitan Museum possèdent de ses natures mortes.

Vallin (Jacques-Antoine)

Peintre français (Paris [?] v. 1760  – ? apr. 1831).

On sait qu'il était fils d'un sculpteur et qu'il fut à l'Académie élève de Drevet (1779-1789), de Doyen (1786) et de Renou (1791). Son œuvre représente bien la complexité des courants artistiques à la charnière des deux siècles : le paysagiste rappelle parfois les recherches de Georges Michel (Bacchante, musée de Tours) ; le peintre de genre évoque Drolling et Boilly (le Jeune Violoncelliste, 1810, Paris, musée Marmottan) ; le peintre d'histoire, en revanche, mêlant à un métier lisse une touche très franche, se montre très influencé par Prud'hon, entre les formes du Néo-Classicisme et les recherches de la sensibilité des préromantiques (Hylas attiré par les nymphes, musée de Gray ; Diane et Actéon, 1810, Louvre). Il semble s'être fait une spécialité de tableaux représentant des nymphes et des bacchantes dans des paysages. On lui doit aussi des portraits, comme celui du Docteur Forlenze (Londres, N. G.). Vallin est représenté au Louvre et dans plusieurs musées de province. Ceux de Cherbourg, de Quimper et le musée Magnin à Dijon conservent chacun une série de peintures de l'artiste.

Vallotton (Félix)

Peintre suisse naturalisé français (Lausanne 1865  – Paris 1925).

Issu de la bourgeoisie protestante de Lausanne, Vallotton, qui décide de se consacrer à la peinture à l'âge de dix-huit ans, s'inscrit à Paris à l'académie Julian. Après trois ans d'une vie difficile et isolée, il expose pour la première fois au Salon des artistes français un portrait où se révèle son admiration pour Holbein (Portrait de M. Ursenbach, 1885, Zurich, Kunsthaus). Il copie assidûment au Louvre Léonard, Antonello de Messine et Dürer, mais c'est Ingres qu'il admire surtout ; on dit qu'il éclata en sanglots lorsqu'il découvrit le Bain turc (Louvre).

   Vallotton participe dès 1893 au Salon des indépendants avec un Bain au soir d'été (Zurich, Kunsthaus), qui fait scandale par son érotisme caricatural et froid, sa technique lisse et son dessin contourné. À partir de la même année, il expose avec les Nabis, ses amis de l'académie Julian, mais ne fait vraiment partie du groupe qu'en 1897. Au cours de cette période, il exécute de nombreuses gravures sur bois (technique qu'il employait depuis 1891), qui connaîtront très vite un succès international en paraissant dans le Courrier français et le Rire dès 1894, dans la Revue blanche, le Chap Book de Chicago et le Jugend de Munich l'année suivante, puis, autour de 1900, dans le Cri de Paris, la revue d'Ibels le Sifflet, le Mercure de France, le Rire, le Scribner de New York, ou dans des journaux nettement polémiques : l'Assiette au beurre, les Temps nouveaux, l'Ymagier.

   Dans la gravure sur bois, aimée des Nabis et d'Alfred Jarry, le goût de l'art naïf, de l'art pur s'appuyait sur une contrainte technique : simplification des formes et suppression des passages semblables aux formules de la peinture nabi. Vallotton, par un découpage net des plages de noir et de blanc et par d'autres moyens de simplification, transmet avec force une vision du monde amère et sans complaisance, que ce soit dans ses portraits (illustrations du Livre des masques de Remy de Gourmont) ou dans les scènes où se marque sa sympathie pour le mouvement anarchiste et sa violence contre la société bourgeoise de son temps (la Manifestation, 1883 ; Sauvons Rome et la France, 1893 ; l'Exécution, 1894 ; le Train de plaisir, 1903, Paris, B. N., cabinet des Estampes). Ses peintures de jeunesse (la Cuisinière, 1892 ; la Malade, 1892) comme celles de la période nabi (triptyque du Bon Marché, 1898) ou les œuvres plus tardives (Autoportrait, 1923, musée de Berne) sont toujours d'un réalisme quasi photographique, rendu par une technique lisse, et d'une probité devant les laideurs et les ridicules de l'humanité qui tourne à la délectation morbide : " Il ne se régale que d'amertume ", écrit de lui Jules Renard. Vallotton a laissé plusieurs écrits, le meilleur étant un roman : la Vie meurtrière, où l'observation froide, la sensibilité blessée et l'amertume recoupent et commentent sa peinture. Ses nus sont parfois de pénibles académies de ménagères, mais ils peuvent atteindre à un érotisme glacial dans la ligne de l'Angélique d'Ingres et préfigurent, par leur naturalisme halluciné, leur vision mordante, tantôt les surréalistes Delvaux ou Magritte, tantôt Balthus (l'Enlèvement d'Europe, 1908, coll. Hahnloser).

   Vallotton est représenté au musée d'Orsay, Paris (la Troisième Galerie au Châtelet, 1895 ; le Dîner, 1899 ; la Partie de poker, 1902 ; Madame Vallotton ; le Ballon, 1899), aux musées de Besançon, de Bagnols-sur-Cèze, d'Albi, de Grenoble, de Lille, de Lyon, de Nantes, de Nice, de Rouen, de Strasbourg, de Bâle, de Berne, de Lausanne, de Neuchâtel, au Kunsthaus de Zurich, à la fondation Ghez (Petit Palais) de Genève et à la Neue Pin. de Munich.