Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Starnina (Gherardo)

Peintre italien (Florence v.  1345  – mort avant 1413).

Le nom de " Maestro del Bambino vispo " (Maître à l'Enfant turbulent) fut donné par O. Siren en 1904 à un artiste qui représenta à plusieurs reprises l'enfant dans une attitude fort animée. Plusieurs historiens aujourd'hui considèrent que ce peintre, dont on a regroupé un grand nombre d'œuvres et qui fut certainement l'un des plus importants artistes florentins de son temps, n'est autre que Starnina. On doit notamment à l'artiste un grand retable aujourd'hui démembré : des fragments du panneau central (Madone aux Anges) sont conservés à la Gg de Dresde et au B. V. B. de Rotterdam ; les deux volets (Saints) sont respectivement aux musées de Berlin et de Stockholm ; les panneaux de la prédelle sont partagés entre le musée de Douai, le musée Poldi-Pezzoli de Milan et des coll. part. italiennes ; les pinacles (Annonciation et Christ) sont au Städel. Inst. de Francfort. Parmi les autres œuvres essentielles du peintre, on peut citer un retable (Madone aux anges et saints) au musée Wagner de Würzburg, auquel s'apparente la Vierge et l'ange de l'Annonciation d'Avignon (Petit Palais) ; une Dormition et Assomption (en deux parties : Philadelphie, Museum of Art, Johnson Coll., et Cambridge, Fogg Art Museum), une Madone avec des saints et des anges à l'Accademia de Florence, et un " cassone " (Bataille) au musée d'Altenburg. Ces œuvres font du Maître du Bambino vispo le représentant le plus original du Gothique international à Florence, avec Lorenzo Monaco, dont l'artiste partage le goût pour les couleurs brillantes et acidulées et un faire lisse et précis, et désignent vraisemblablement un artiste formé dans le cercle d'Agnolo Gaddi. Son tempérament irréaliste et fantaisiste, son exubérance narrative et ses caprices linéaires se tempèrent dans ses œuvres tardives (le retable Orsini et celui de Würzburg). Le style de l'artiste présente parfois une affinité assez forte avec certains aspects de la manière illustrée par l'école de Valence, au point qu'on a un moment proposé de l'identifier avec l'Espagnol Miguel Alcaniz ; ce qui s'explique parfaitement depuis que l'identification du Maître du Bambino vispo avec Starnina est généralement acceptée.

   La présence de Starnina est documentée à Valence (Espagne) entre 1398 et 1401 et à Tolède en 1395. En 1409, l'artiste peint à fresque une chapelle à l'église S. Stefano à Empoli. Il reste aujourd'hui deux fragments de cette décoration au musée diocésain d'Empoli ; ils s'apparentent fort bien aux restes de celle de la chapelle S. Girolamo de l'église du Carmine à Florence, achevée en octobre 1404 et toujours mentionnée par les anciens auteurs comme étant l'œuvre de Starnina.

   Cet ensemble de fragments nous montre un peintre fortement marqué par cette forme particulière du Gothique international, qui s'était élaborée à Valence sous l'influence du peintre d'origine allemande Marzal de Sax.

   Tout à fait dans l'esprit des œuvres que l'on attribue au Maître du Bambino vispo, ces fragments sont en revanche fort éloignés tant des fresques de la chapelle Castellani de S. Croce à Florence (qui ont toujours été attribuées à l'artiste sur la foi des auteurs anciens, mais qui mettent en évidence les caractères de l'atelier d'Agnolo Gaddi) que de la fameuse Thébaïde des Offices, souvent attribuée à Starnina, mais dans laquelle apparaît déjà l'écho des premières innovations de la Renaissance dues à Masaccio.

Staźewski (Henryk)

Peintre et théoricien polonais (Varsovie 1894  – id. 1988).

Il fit ses études à l'Académie des beaux-arts de Varsovie (1914-1920). Il fut l'un des principaux protagonistes de l'art abstrait géométrique en Pologne. Il a participé à tous les mouvements d'avant-garde dans son pays : groupe Blok et revue du même nom (1924) avec W. Strzemiński et K. Kobro ; groupe Praesens (1926) et groupe a.r. (artistes révolutionnaires), à Łódź, en 1930, pour devenir, avec Strzemiński et Kobro, le troisième représentant de l'Unisme. Ses tableaux présentent alors des surfaces géométriques simples solidaires les unes des autres et peintes de couleurs primaires. Lors d'un de ses séjours à Paris en 1925, il se mit en rapport avec Mondrian, Arp, Seuphor, Van Doesburg. Avec le poète Jan Brzekowski, il participe à la constitution de la collection du groupe a.r., qui fut ensuite donnée au musée de Łódź. En 1927, il connut Malevitch au cours du séjour de ce dernier en Pologne. Il prit part à The Machine-Age Exposition à New York (1927) et à l'exposition Cercle et carré à Paris (1930). Il est resté fidèle à la peinture abstraite constructive après 1945, poursuivant ses recherches notamment dans le domaine du relief. Ses œuvres se trouvent conservées dans les musées de Varsovie, de Łódź et de Saint-Gall (Composition, 1929).

Steen (Jan Havicksz.)

Peintre néerlandais (Leyde v. 1626  – id. 1679).

Par la qualité et par l'abondance de son œuvre, Jan Steen tient une place marquante parmi les peintres néerlandais du XVIIe s. Fils d'un brasseur, d'abord immatriculé à l'université de Leyde en 1646, il fut l'élève de N. Knupfer à Utrecht, d'Adriaen Van Ostade à Haarlem, puis, à La Haye, de Jan Van Goyen, dont il épousa la fille en 1649 ; il résida dans cette dernière ville de 1649 à 1654. Il est cité de 1654 à 1656 à Delft, de 1656 à 1661 à Warmond (petit village près de Leyde), de 1661 à 1669 à Haarlem et enfin de 1669 jusqu'à sa mort à Leyde, où il est président de la gilde de Saint-Luc de 1671 à 1673 et doyen en 1674. Il est le peintre de la vie grouillante, des scènes populaires et libertines, traitées non sans une certaine vulgarité ; cependant, dans certains de ses tableaux, comme la Mauvaise Compagnie du Louvre, à la peinture vulgaire et comique de certaines scènes un peu lestes s'ajoute très nettement une intention moralisatrice : l'homme y est dépeint aveuglé par ses vices et devenant l'instrument de son propre malheur ; c'est ainsi que Steen illustra souvent des proverbes, tradition héritée de Bruegel : Comme les vieux chantent, les petits piaillent (musée de Montpellier). Sa production fut très importante ; signalons les séries de tableaux très complètes de Londres (N. G., Wallace Coll. et Wellington Museum), du Rijksmuseum et du Mauritshuis. Cette peinture à la fois, ironique et objective, ce pittoresque réaliste et populaire, plus pesant que chez un Metsu ou un Ter Borch, se retrouvent aussi dans les scènes religieuses (dont il existe un catalogue raisonné), traitées exactement avec le même esprit que les " divertissements " ; citons le Festin d'Assuérus (Ermitage), Moïse frappant le rocher (Philadelphie, Museum of Art), Samson et Dalila (Cologne, W. R. M.), le Retour de David (Copenhague, S. M. f. K.), Jésus et les docteurs (musée de Bâle), avec un très curieux effet de nuit, Jésus chassant les marchands du Temple (1675, musée de Leyde), le Mariage de Sara et de Tobie (1667, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum), les Pèlerins d'Emmaüs (Rijksmuseum). Si l'on met à part ses portraits (Bakker Oostwaard et sa femme, id. ; Marguerite Van Goyen au luth, Mauritshuis ; Autoportrait, Rijksmuseum ; Autoportrait au luth, Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza) et quelques tableaux où peu de personnages sont mis en place (la Femme malade, Philadelphie [Museum of Art], Édimbourg [N. G.], Rijksmuseum, Mauritshuis, Ermitage, Londres [Wellington Museum] ; la Musique sur la terrasse, Londres, N. G. ; la Leçon de musique, id. ; la Leçon de clavecin, Londres, Wallace Coll. ; la Mangeuse d'huîtres, Mauritshuis ; la Toilette du matin, 1663, Londres, Buckingham Palace ; l'Alchimiste, Francfort, Städel. Inst.), la plupart de ses œuvres mettent en scène une foule animée, colorée, et souvent gaiement attablée (le Repas de baptême, 1664, Londres, Wallace Coll. ; le Gâteau des rois, 1668, musée de Kassel ; la Fête flamande dans une auberge, 1674, Louvre ; la Joyeuse Compagnie dans une taverne, Londres, Wallace Coll.), participant à des noces (les Noces villageoises, 1653, Rotterdam, B. V. B.), se divertissant (Couple de danseurs, 1663, Washington, N. G. ; le Jeu de quilles, Londres, N. G.) ou bien titubant après un très bon repas ou une beuverie trop prolongée (la Femme ivre, Mauritshuis).

   Ainsi, par la qualité de sa couleur chaude et de ses effets de lumière, mais aussi par la verve inépuisable et humoristique de ses scènes d'orgies, de beuveries ou de cabaret, traitées avec un sens aigu de l'observation et une notion assez théâtrale de la mise en page, Jan Steen est l'une des figures les plus marquantes de cette peinture populaire héritée de Brouwer et également illustrée par Adriaen Van Ostade, Cornelis Dusart, Jan Miense Molenaer et Cornelis Bega. Une exposition lui a été consacrée (Washington, N. G. of Art. ; Amsterdam, Rijksmuseum) en 1996-97.