Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
N

nouvelle figuration

Contrairement au mouvement Cobra, ou au Nouveau Réalisme, la Nouvelle Figuration n'a jamais été un mouvement cohérent, mais correspond seulement à une certaine vision contemporaine de l'homme. En Europe, comme aux États-Unis, elle fait suite vers 1960 à la peinture informelle et gestuelle, dont elle tire certains de ses principes d'écriture picturale libre. Picasso, avec ses déformations systématiques, Soutine, Rouault, les expressionnistes allemands, plus récemment Fautrier et Dubuffet en sont les précurseurs. La Nouvelle Figuration s'adresse à certains thèmes précis, l'homme et sa vie onirique, réalité qui s'insère dans un traitement spontané de la couleur, de la matière et à l'exclusion de toute ressemblance littérale. Les artistes principaux viennent du mouvement Cobra (Appel, Jorn, Alechinsky), mais Francis Bacon et Giacometti en sont deux représentants notoires. La jeune génération peut être représentée par Lindström, Pouget, Maryan, Saura, Lebenstein, Léon Golub, Petlin, Christoforou, Antes, Baj, Arroyo, Hockney. Il n'y a nulle communauté de style entre ces peintres, mais une évidente parenté d'esprit. Une rétrospective Figuration et Défiguration, a tenté en 1964, à Gand, de situer la Nouvelle Figuration de Picasso jusqu'à nos jours.

Nouvelle Objectivité, en allemand Neue Sachlichkeit

Cette tendance artistique, apparue en Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale et qui s'est prolongée jusque dans les années 30, fut essentiellement une réaction spontanée contre l'Expressionnisme, au moment où celui-ci n'était plus contesté et gagnait même d'autres arts (cinéma, théâtre), c'est-à-dire entre 1918 et 1925. L'historien Franz Roh, frappé par les changements survenus dans l'art européen après la guerre, définit en 1925 un " Nach-Expressionismus " (Postexpressionnisme), dont les catégories s'opposaient point par point à celles de l'Expressionnisme ; également en 1925 eut lieu à la Kunsthalle de Mannheim la première exposition de la Neue Sachlichkeit (14 juin – 13 sept.), organisée par le directeur de la Kunsthalle, Gustav Hartlaub. Parmi les principaux artistes, on relevait les noms de Max Beckmann, d'Otto Dix, de Georg Grosz, d'Alexandre Kanoldt, de Georg Schrimpf. Les trois premiers, et Dix en particulier, devaient être les chefs de file de la tendance. À l'effusion pathétique et à la volonté de participation de l'Expressionnisme succédait un art du constat froidement objectif, où le rôle de la couleur, naguère toute-puissante, était soumis à celui d'un dessin beaucoup plus analytique. Mais les diverses révolutions picturales qui s'étaient manifestées en même temps que l'Expressionnisme ou peu après lui (Cubisme, Futurisme, Dada, Purisme) empêchèrent que la Nouvelle Objectivité ne soit qu'un retour à des apparences rassurantes. Le nom de " Réalisme magique " que l'on donne aussi à celle-ci (Magischer Realismus) montre bien que des rapports inédits sont instaurés avec le personnage, le paysage ou les objets. Grosz et Dix étaient passés par le club dada de Berlin, et l'exercice de la satire des conditions politiques et sociales fut pour eux déterminant (Grosz : les Piliers de la société, 1926, Berlin, N. G.). D'autre part, au même moment, la naissance du Surréalisme en 1924 dotait le monde des formes de nouveaux pouvoirs, d'autant plus insolites que les motifs du tableau étaient plus familiers. Ce climat très complexe de l'après-guerre explique que les nuances aient été assez importantes entre les participants de la Neue Sachlichkeit. Les portraits et les autoportraits, fort nombreux, se caractérisent par la proximité inquiétante du modèle, saisi soit dans un espace raréfié (Beckmann : Autoportrait à la batte et à la trompette, 1921, Wuppertal, Von der Heydt Museum ; Carlo Mense : Portrait de Davringhausen, 1922, Cologne, W. R. M.), soit dans le lieu de son activité professionnelle (Dix : le Médecin, 1921, id. ; Davringhausen : le Profiteur de guerre, 1920, Cologne, coll. part.). Les nus, fort dépréciatifs chez Dix, sont parfois d'un érotisme qu'accentue la distinction du style, un peu à la manière de certains Vallotton (Christian Schad : Nu allongé, 1929, Wuppertal, Von der Heydt Museum). Ils participent aussi fréquemment d'un certain symbolisme, remarquable chez Anton Räderscheidt (Nu aux barres, 1925, œuvre disparue), dont on retrouve le couple (l'homme vêtu et la femme nue) dans la série contemporaine de Van den Berghe (la Femme, 1925), bien avant que Paul Delvaux n'ait généralisé l'exploitation de ce procédé. En revanche, une nette tentation classique apparaît dans les natures mortes, dont la disposition, parfaite, évoque çà et là le purisme d'Ozenfant et de Jeanneret, et notamment dans celle de Kanoldt, ancien membre de la Nouvelle Association des artistes de Munich, d'Eberhard Viegener (Nature morte au cactus et aux livres, 1927, Wuppertal, Von der Heydt Museum) et de Richard Oelze (Nature morte à l'assiette blanche, 1928). Le paysage s'étend au monde de l'industrie, de l'agglomération urbaine dévorante, et un Carl Grossberg offre des affinités avec les peintres de la " scène américaine ", comme Demuth et Hopper (les Conduites blanches, 1933) ; plus souvent, le paysage est traité d'une manière assez naïve, amoureuse du détail, suivant la leçon du Douanier Rousseau ou d'Utrillo, par Werner Heldt, Herbert Böttger, Radziwill (le Château d'eau, 1931), Bernhard Klein (les Joueurs de football, 1922, Berlin, N. G.). D'autres thèmes ont la préférence — les amants, les joueurs de cartes, l'ouvrier —, donnant ainsi un panorama de la vie sentimentale et sociale des années 20 (Greta Overbeck-Schenk : les Joueurs de cartes, 1929), comme le font au même moment les expressionnistes flamands (De Smet, Van den Berghe, Masereel) et certains Français (Gromaire). Les grandes figures monumentales et calmes de Georg Schrimpf sont un peu en marge (Au balcon, 1927, Munich, Neue Pin.) ; elles se rapprochent de celles du mouvement italien des Valori Plastici, soutenu notamment par Carlo Carrà, l'ancien futuriste. La Neue Sachlichkeit présente donc, dans sa diversité, des points communs avec des courants étrangers inscrits dans l'histoire de l'art sous d'autres dénominations (Surréalisme, Expressionnisme flamand, Purisme). À la concentration psychologique, de portée universelle, de l'Expressionnisme antérieur à 1914, elle a répondu par une volonté d'investigation (dont l'objectivité est quasi scientifique) dans tous les domaines de la vie et à une époque capitale dans l'évolution politique et culturelle de l'Allemagne. L'arrivée des nazis au pouvoir fit cesser les manifestations du mouvement, dont six s'étaient tenues de 1925 à 1933, la plus importante avec celle de Mannheim étant l'exposition du Stedelijk Museum d'Amsterdam (mai 1929), qui devait attirer bien des Néerlandais ou les confirmer dans une expression semblable. Depuis 1961 (exposition à Berlin, Haus am Waldsee), la Neue Sachlichkeit a suscité un vif regain d'intérêt ; on y a décelé en effet maintes analogies avec les diverses acceptions du Néo-Réalisme qui se sont développées depuis une dizaine d'années, en réaction, cette fois, contre la subjectivité de l'Abstraction. En France, les deux premières expositions consacrées à ce courant se sont tenues à Saint-Étienne et à Chambéry (févr.-mars et avr.-mai 1974) sous le titre de " Réalismes en Allemagne 1919-1933 ". L'exposition " Paris-Berlin, rapports et contrastes, 1900-1933 " (Paris, M. N. A. M., été 1978) a largement illustré la Neue Sachlichkeit.