Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
J

Judd (Donald Judd, dit Don)

Artiste américain (Excelsior Spring, Missouri, 1928  – New York 1994).

Après avoir servi en Corée, Judd suit les cours de l'Art Students League de New York, de l'université de Williamsburg (Virginie) puis de l'université Columbia (New York) [1948-1953] ; diplômé de philosophie, il obtient en outre en 1959 une maîtrise d'histoire de l'art. Tout en pratiquant la critique d'art (il enseignera également à plusieurs reprises, dont au Brooklyn Institute of Arts, en 1962-1964, et à Yale en 1967), il abandonne la peinture pour les reliefs (1960-61) puis pour les objets en trois dimensions (1962). Il commence à exposer avec C. Andre, R. Morris, et rédige le texte fondateur du Minimal Art, Specific Objects (1965) ; ni peinture ni sculpture, l'objet d'art se tient dans l'espace réel du spectateur, sur lequel il agit directement. Les pièces sont fabriquées industriellement de manière à éviter tout affect, les formes géométriques régulières — parallélépipèdes rectangles, fermés ou ouverts, en " piles " ou en successions — disposées selon des intervalles mathématiques ; sans titre, elles mettent l'accent sur la scansion de l'espace réel : ainsi, le nombre de " boîtes " disposées verticalement au mur dépend de la hauteur du plafond du lieu. Enfin, le matériau et la couleur varient selon la situation recherchée : tantôt en Plexiglas rouge — le rouge étant de l'avis de Judd la couleur qui adhère le plus à la forme —, tantôt en contreplaqué, en acier inoxydable, etc., certains matériaux provoquant des effets de leurre étudiés par Judd depuis quelques années. Trop facile à résumer, ce travail conquiert une existence physique et totale qui réalise l'ambition de Judd : qu'une œuvre ne soit rien de plus, mais rien de moins, que la somme de ses parties.

   Judd a participé à la plupart des grandes expositions (Biennale de Venise en 1980, Documenta de Kassel en 1982, Art minimal à Bordeaux, C. A. P. C., en 1985, " Qu'est-ce que la sculpture moderne ? ", Paris, M. N. A. M., 1986, rétrospective au M. A. M. de la Ville de Paris, 1988. Judd, qui a créé en 1986 le Chinati Foundation (New York et Texas) pour l'art contemporain, est représenté dans tous les grands musées internationaux (Paris, M. N. A. M., musées de Pasadena, de Detroit, etc.).

Juel (Jens)

Peintre danois (Balslev, Fionie, 1745  – Copenhague 1802).

Formé à Hambourg chez Michael Gehrmann et, à partir de 1765, à l'Académie de Copenhague, il obtint le prix de Rome (1771) et fit des séjours à Rome (1773-1776), à Paris (Portrait de J. F. Clemens, 1776, Copenhague, S. M. f. K.), à Dresde et à Genève (1777-1780) [Portrait de Mme de Prangin, 1777, Portrait de Tronchin, 1779, Copenhague, S. M. f. K.], avant de se fixer à Copenhague, où il fut portraitiste de la Cour (1780) [Portrait du roi Christian VII, 1780-1785, Pederstrup, Lolland] et professeur à l'Académie (à partir de 1786), dont il devint directeur (1795-1797 et 1799-1801). Paysagiste de talent, attentif à la vérité des effets lumineux (Paysages, Copenhague, S. M. f. K. et musée Thorvaldsen), et peintre de fleurs, il fut surtout un portraitiste de renom, dont le style se modifia conformément à l'évolution de l'époque, passant du style " à la française " d'un Pilo ou d'un Tocqué à la manière plus internationale de Batoni, de Graff et des peintres de " Conversation pieces ", et enfin au Néo-Classicisme davidien. Ses meilleurs portraits ainsi que ses esquisses se distinguent par l'harmonie de la couleur et du dessin (Comtesse Charlotte Louise Scheel, 1781, Gammel Estrup, Jutland ; Princesse Louise-Augusta, 1787, château de Frederiksborg).

   Juel est bien représenté au S. M. f. K. de Copenhague (la Famille Ryberg, 1796-97 ; l'Artiste avec sa femme, id.).

jugendstil

Nom donné en Allemagne au mouvement artistique de rénovation des arts graphiques et décoratifs des dernières années du XIXe s., et tiré du titre de la revue illustrée Jugend. Le terme fut sans doute utilisé pour la première fois en 1899 dans un texte paru dans la revue Insel de Rudolf Alexander Schröder. On peut le considérer comme l'acception allemande, avec ses caractères propres, de l'expression Art nouveau.

Julien (Jean-Antoine) , dit Julien de Parme

Peintre et dessinateur français (Cavigliano, Suisse, 1736 - Paris 1799).

Jean-Antoine Julien, que l'on confond fréquemment avec Simon Julien, parcourut la France de 1747 à 1760 comme portraitiste ambulant. Il séjourna de 1760 à 1773 en Italie, où il devint peintre attitré du duc de Parme, ce qui lui valut son surnom. De retour en France, il semble avoir plutôt vécu du commerce que de ses nombreux dessins et de ses toiles (Caracalla tuant Geta, musée d'Aix-en-Provence).

Julien (Simon)

Peintre français (Toulon 1735  – Paris v. 1800).

Élève de Dandré-Bardon à Marseille et de Carle Van Loo à Paris, Simon Julien obtint en 1760 le grand prix de Rome avec le Sacrifice de Manucé, père de Samson (musée du Mans). Il semble alors avoir longuement séjourné à Rome. Reçu à l'Académie en 1783 avec Tithon et l'Aurore (tableau, esquisse et dessin préparatoire au musée de Caen), il exposa ensuite régulièrement au Salon. Les toiles que conserve le musée de Toulon ainsi que l'exceptionnel Martyre de saint Hippolyte de la cathédrale de Lyon (1762) sont d'un habile coloriste, composant avec aisance et fantaisie.

jus

Terme de métier désignant un diluant (essence de térébenthine, benzines) très peu chargé de couleurs et avec lequel s'exécutent les dessous.

Juste de Gand

Peintre flamand (mentionné à Urbino de 1473 à 1475).

C'est avec une grande vraisemblance qu'on l'identifie au peintre gantois Joos Van Wassenhove, connu de 1460 à 1469. Ce dernier est d'abord reçu franc maître à Anvers en 1460, puis à Gand le 6 octobre 1464. Il apparaît plusieurs fois ensuite dans les archives de la confrérie des peintres de Gand, notamment en 1467 pour se porter garant de Hugo Van der Goes et, en 1469, d'Alexandre Bening. Il paraît avoir été protégé par la riche famille bourgeoise des Van der Zickele, qui lui fait un don d'argent au moment de son départ pour l'Italie, probablement en 1469. Une série de textes de la confrérie du Corpus Domini d'Urbino, échelonnés de 1473 à 1475, concerne le paiement d'un tableau consacré à la Communion des apôtres à " maestro Giusto ", qui peut être identifié avec lui grâce aux témoignages de Guicciardini et de Vasari, qui parlent de " Juste de Gand, qui fit le tableau de la communion du duc d'Urbino ". Il paraît également pouvoir être assimilé au " maestro solenne " que le duc Frédéric d'Urbino fit venir des Flandres et auquel il fit exécuter, selon Vespasiano da Bisticci, les portraits d'hommes célèbres de son studiolo. Grâce à ces données, l'œuvre du peintre peut être reconstituée. La Communion des apôtres (1474, Urbino, G. N.) est un tableau surprenant pour un maître flamand par l'ampleur de ses proportions et son style monumental. Mais aujourd'hui en assez mauvais état, il est probablement resté inachevé, et seuls deux anges, dans la partie supérieure, ont le modelé et la délicatesse des peintures septentrionales. À cause de la parenté de certaines attitudes de personnages et de certains types avec ce tableau, de nombreux critiques ont cru pouvoir attribuer à Juste de Gand, avant son voyage en Italie, le Triptyque de la Crucifixion de l'église Saint-Bavon de Gand. Cette idée séduisante a longtemps été admise sans discussions. Il convient cependant de remarquer que l'exécution et l'esprit des deux œuvres sont si éloignés qu'il paraît difficile de se contenter d'analogies de détail pour conclure à une identité de main. Quant aux 28 Portraits d'hommes célèbres provenant du studiolo du duc Frédéric d'Urbino (Louvre et Urbino, G. N.), ils sont cités au début du XVIIe s. par Pablo de Cespedès comme l'œuvre du peintre espagnol Pedro Berruguete, qui paraît bien avoir travaillé à Urbino au temps de leur exécution et s'est inspiré de leur composition dans des portraits de saints, plus tardifs. Par ailleurs, la présentation des personnages à mi-corps comme leur ampleur monumentale ont une résonance italienne qui a incité certains auteurs à les attribuer à Melozzo da Forlì. Le problème reste difficile à résoudre, bien que les textes parlent plutôt en faveur de Juste de Gand et soient confirmés par l'unité de facture, sensible au stade de la préparation, révélée par la photographie à l'infrarouge. Le Portrait du duc et de son fils (Urbino, G. N.) qui complétait la décoration du studiolo a vu également son attribution contestée. Il est probable que son auteur — Juste de Gand ou un autre — a également repris les mains du duc dans la Sainte Conversation de Piero della Francesca de la Brera (la Madone adorée par Frédéric de Montefeltre). Du même ensemble, on a également rapproché 4 Allégories des Arts (2 à Londres, N. G., et 2 autref. au musée de Berlin, détruites en 1944) qui proviennent probablement d'une autre décoration commandée par le même mécène. Le caractère italien en est cependant beaucoup plus marqué, notamment dans les jeux complexes de perspective. C'est également le cas d'un panneau fort ruiné représentant le Duc Frédéric écoutant la leçon d'un humaniste (Hampton Court). La personnalité de Juste de Gand reste donc cernée de mystère : elle se situe à un carrefour d'influences entre le Nord et le Midi.