Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Larsson (Carl Olof)

Peintre aquarelliste et graveur suédois (Stockholm 1855  – id. 1919).

Après ses études à l'École des beaux-arts de Stockholm, il vient partager à partir de 1878 la vie communautaire de la petite colonie scandinave établie à Grez-sur-Loing (près de Fontainebleau) et, jusqu'en 1885, revient y peindre la vie de ses amis, de leurs épouses et de leurs enfants, dans des aquarelles anecdotiques sur les joies simples de la vie en plein air et dans un style proche de l'illustration anglaise. En 1885, il crée, avec notamment E. Josephson et R. Bergh, le mouvement d'opposition contre l'Académie de Suède. En 1894, il peint la Fille d'Ève (coll. Zorn, Mora), influencée par le Symbolisme et un goût à la mode du voluptueux " Belle Époque ", et, en 1900, Devant la glace, autoportrait (Göteborg, musée d'Art). Professeur à l'École d'art de Göteborg, il est l'illustrateur de Strindberg notamment, et son œuvre graphique est très abondant ; son amour du détail, des contours sombres soulignant les formes claires et leurs arabesques, révèle la double influence du Symbolisme et de l'art ancien des écoles du Nord, familier de la gravure. Il réalise des décors pour le Musée national de Stockholm, influencés par Gauguin et le " Symbolisme synthétique ", avec pour thèmes ceux des vieilles sagas ; curieusement, le passage à la dimension monumentale ne modifie en rien son style d'illustrateur, et peut gêner. Le décor lumineux et équilibré de sa propre maison en Décarélie, sujet d'une série d'aquarelles, aura des répercussions évidentes sur l'évolution de l'architecture d'intérieur scandinave. En 1882, il écrivait déjà : " Je suis suédois et —tenez-vous bien !— socialiste. Je veux faire profiter, je veux réjouir, non pas un seul être, mais tous. " Cet optimisme serein, qui inclut la fantaisie, se retrouve dans toute son œuvre. L'exposition " Lumières du Nord " (Paris, 1987) a rappelé l'importance historique de cet artiste pour la Suède.

Larsson (Simon Marcus)

Peintre suédois (Lilla Orsäter, Atvid, Östergötland, 1825  – Londres 1864).

Après des études à l'Académie des beaux-arts de Stockholm, Larsson suivit l'enseignement du peintre de marines V. Melbye, à Copenhague, et peignit ses paysages nordiques, réalistes, en compagnie de P.V. Cedergren, K. Zole et B. Nordenberg. De 1852 à 1857, il compléta sa formation auprès d'A. Achenbach, à Düsseldorf, tout en retournant l'été dans son pays natal d'où il tira les motifs de ses paysages romantiques, avec des effets de lune sur les eaux calmes de lacs ou d'étangs, et de ses marines (Naufrage sur la côte suédoise, 1853, Stockholm, Nm). Il se rendit à Paris, où sa participation à l'exposition de 1855 fut particulièrement remarquée. Là, il étudia tout particulièrement les œuvres de Ruisdael et s'orienta vers un style plus brillant et des effets plus dramatiques. Sur de grandes toiles, il peignit des paysages nordiques aux bruissants torrents et cascades (Cascade, 1856, musée de Göteborg), des rivages rocheux dans la tempête, des naufrages (Vapeur en feu, 1858, Stockholm, Nm), de majestueux fjords (Fjord norvégien, 1861, id.). L'art de sa maturité, malgré son aspect théâtral, offre souvent une atmosphère pathétique, de perdition, soulignée par des formes déchirées et de violents contrastes d'ombre et de lumière. Après quelques années en Suède, où, en 1858, il fut nommé membre de l'Académie de Stockholm, Larsson séjourna surtout à l'étranger, en 1860 en Finlande, en 1861 en Russie, où il fut membre de l'Académie de Saint-Pétersbourg, et enfin à Londres, où il passa ses dernières années. Sa production, à la fois riche et irrégulière, marque le sommet du paysage romantique en Suède. La plupart de ses œuvres sont conservées dans les musées de Stockholm, de Göteborg et de Malmö.

Lastman (Pieter)

Peintre hollandais (Amsterdam 1583  – id.  1633).

D'abord élève du maniériste Sweelinck, Lastman se rendit ensuite en Italie. Il y était déjà en 1603 et séjourna à Rome, comme l'attestent ses souvenirs directs de Caravage et d'Elsheimer, rencontre d'une importance décisive dans la formation de son style. Rentré aux Pays-Bas en 1605 au plus tôt, il devint l'un des artistes les plus représentatifs du milieu amsterdamois, accueillant dans son atelier en 1619-1621 le jeune Lievens, puis en 1624-25 Rembrandt. Ce dernier ne devait rester que six mois chez lui, mais garda toute sa vie une très vive admiration, qui devait même commencer par une imitation pure et simple. Lastman eut en effet le mérite de définir après Adam Elsheimer et les maniéristes d'Utrecht et de Haarlem une peinture d'histoire fort nouvelle dans sa tension narrative, ses accents réalistes et ses préoccupations psychologiques.

   Un certain nombre de documents d'archives permettent de suivre la présence de Lastman à Amsterdam jusqu'à sa mort. Ses plus anciennes œuvres connues ne remontent qu'à 1603 (2 dessins datés, au Rijksmuseum, peut-être déjà exécutés en Italie, mais d'un goût encore maniériste). À Rome, Lastman paraît avoir été surtout attiré par Elsheimer. De tableaux charmants mais encore trop près du pastiche comme la Fuite en Égypte de Rotterdam (1608, B. V. B.) ou le Repos de la Sainte Famille de Göttingen (musée de l'Université), on passe très vite à des créations originales comme l'Odyssée et Nausicaa de Brunswick (1609, Herzog Anton Ulrich-Museum), empreint d'une rhétorique insistante avec des gestes recherchés, un drapé aux plis très fouillés, des accords de couleurs heurtés, mais d'où il résulte une force d'expression nouvelle et efficace. Le précédent elsheimérien débouche ainsi sur une peinture d'histoire puissamment dramatique, d'une rudesse presque " barbare ", mais d'autant plus typiquement nordique. Lastman saura recueillir, à côté de l'héritage d'Elsheimer, la leçon expressive des maniéristes harlémois et celle des caravagesques : l'impressionnante Déposition de croix du musée de Lille (1612) en garde évidemment le souvenir, peut-être à travers les premières œuvres de Rubens. L'aspect caricatural mis à part, on se trouve déjà devant cet art prodigieusement narratif et psychologique qui sera la grande nouveauté de Rembrandt.

   Citons ainsi d'imposants tableaux fortement construits, riches en personnages et de coloris clair, comme l'Oreste et Pylade de 1614 (Rijksmuseum), le Jacob et Laban du musée de Boulogne-sur-Mer, daté 1622, le Massacre des Innocents de Brunswick (Herzog Anton Ulrich-Museum), le Christ et la Cananéenne de 1617 (Rijksmuseum).

   Après 1620 cependant, l'art de Lastman est en déclin, comme si l'artiste cherchait à édulcorer sa sympathique brutalité initiale : l'Abraham et les trois anges (1621, Ermitage), le Sacrifice de Junon (1630), Élisée et la Sunamite (av. 1624, Moscou, musée Pouchkine).

Lastman et Rembrandt

L'influence de Lastman sur Rembrandt est sensible dans quelques exemples frappants, comme l'Ânesse de Balaam de Lastman, daté 1622 (Clayton Revel, coll. Palmer), et la dérivation peinte par Rembrandt en 1626 (Paris, musée Cognacq-Jay) ; le Coriolan de Lastman, également de 1622 (Dublin, Trinity College), et l'énigmatique Consul Cerealis et les légions germaniques ( ?) de Rembrandt, daté 1626 (musée de Leyde) : le graphisme en hachures et lignes saccadées souvent parallèles, l'emploi privilégié du crayon noir et de la sanguine sont aussi caractéristiques de Lastman que du jeune Rembrandt. C'est dans son dessin que l'on saisit la richesse expressive que Lastman sut transmettre à Rembrandt, qui possédait justement deux recueils entiers de dessins de son premier maître.

   Dans la Pièce aux cent florins elle-même, exécutée en pleine maturité, v. 1649, se décèle toujours un fort écho lastmanien. Il n'est pas moins remarquable que dans toute l'école de Rembrandt se maintiennent les emprunts à Lastman, parfois tardivement, comme chez un Barent Fabritius (v. Répudiation d'Agar, à San Francisco, M. H. de Young Memorial Museum, et le tableau de même sujet par Lastman, en 1612, Hambourg, Kunsthalle), emprunts qui prouvent de nouveau que, pour Rembrandt, Lastman était sans doute le maître par excellence.