Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

surréalisme (suite)

Influence du Surréalisme

Reste que cette influence est également considérable sur le plan de la spontanéité. L'activité des surréalistes en Amérique pendant la guerre est à l'origine du renouveau de la peinture aux États-Unis à cette époque. Matta présente André Breton à Robert Motherwell vers 1942. La spontanéité " automatique " stimule l'Expressionnisme abstrait de la future école de New York et renouvelle l'œuvre d'Arshile Gorky. Déjà Tobey — comme Hartung en Europe — pratiquait de la sorte. Mais les " drippings " de Max Ernst et de Masson seront repris systématiquement par Jackson Pollock, dont on peut dire que la grande période (1946-1948) est directement influencée par les préceptes surréalistes.

   Sans doute, dans le Matiérisme et l'Abstraction lyrique, le Surréalisme aura de bonnes raisons de ne pas reconnaître sa descendance : il reprochera à ces mouvements d'être revenus à une certaine musique impressionniste dépourvue de merveilleux.

   Que le Surréalisme en peinture se soit accommodé de tous les styles — de la figuration " naïve " ou fantastique à la pureté " abstraite " de Hans Arp en passant par l'expressionnisme d'Ernst ou de Masson, voire d'Alechinsky, et par le lyrisme gestuel des " drippings " — n'a pas lieu d'étonner : le Surréalisme n'est pas une école esthétique, ni une formule plastique. C'est essentiellement un rappel aux préceptes de la spontanéité romantique, une prise de conscience plus aiguë des conditions morales de la création.

Survage (Léopold Sturzwage, dit)

Peintre français d'origine russe (Moscou 1879  – Paris 1968).

Il porta son véritable nom jusqu'à la Première Guerre mondiale. Il vint se fixer à Paris en 1908, attiré par la peinture française moderne, qu'il connaissait par la collection Chtchoukine. D'abord élève de Matisse, il subit l'influence de Cézanne puis celle du Cubisme. Employant des éléments figuratifs schématisés, il les associa à des perspectives contradictoires, comme si elles étaient perçues à travers un prisme, vision qui lui avait été suggérée par un spectacle urbain se reflétant dans les miroirs recouvrant la colonne intérieure d'un magasin (Usines, 1914 ; Villefranche-sur-Mer, 1915, Paris, M. N. A. M. ; la Ville, 1921). Cette esthétique devait rester caractéristique de l'art de Survage, encore que le peintre l'ait, à certaines époques, notablement assouplie ou, plus rarement, transgressée. L'artiste a expliqué ses recherches dans un " Essai sur la synthèse plastique de l'espace et son rôle dans la peinture ", publié dans Action (1921).

   Ce sont ses " Rythmes colorés " de 1912-1914 (New York, M. O. M. A. ; Paris, M. N. A. M., signalons notamment 20 aquarelles sur papier, dation de la famille Survage en 1979) qui constituent toutefois sa plus intéressante contribution à l'art du XXe s. Exécutés en vue de former les premiers éléments d'une sorte de dessin animé que Survage proposa en 1914 à la société Gaumont — qui retint le projet, mais ne le réalisa pas —, ils représentent en effet une des toutes premières tentatives d'exploitation des possibilités plastiques du cinéma, qui annoncent les expériences de V. Eggeling et H. Richter.

   Survage fut également l'auteur de décors pour Mavra, ballet de Diaghilev, et de grands panneaux décoratifs pour le pavillon des Chemins de fer à l'Exposition internationale de 1937, panneaux pour lesquels il reçut une médaille d'or. Survage participa à la Biennale de Venise en 1954. En 1960, il se vit décerner le prix Guggenheim pour sa toile Maternité (1958). Plusieurs expositions lui furent consacrées, au musée de Nîmes (1969), aux musées de Saint-Étienne, des Sables-d'Olonne (1973), de Nice (1975), et, plus récemment, une rétrospective a eu lieu (Troyes, M. A. M.) en 1993.

Sustermans (Justus)

Peintre flamand actif en Italie (Anvers 1597  – Florence 1681).

Il fut élève d'abord de Willem de Vos à Anvers (1609), puis de Frans II Pourbus à Paris (1616). À partir de 1619, il vécut à Florence, où il vint, appelé par le grand-duc Cosme II, avec le tapissier R. Ferere. À partir de 1620, devenu peintre de la cour, il est aussi l'artiste attitré des derniers Médicis, peignant pour la famille grand-ducale (sous les règnes de Cosme II, Ferdinand II et Cosme III) et les membres de la cour florentine des dizaines de portraits officiels, ce qui ne l'empêcha pas de voyager entre-temps et de séjourner à Pise, Milan, Parme, Modène, Ferrare, Vienne (1622). Il était ainsi à Rome en 1627 et en 1645. Parmi ses nombreux portraits, dont la plupart sont restés en Italie (Florence, Lucques, Parme), citons l'incomparable série de Florence (Pitti), le portrait de Galilée (Offices), les 2 versions de celui de Christine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane (Bruxelles, M. R. B. A. ; Rome, G. N., Gal. Corsini), celui de Vittoria della Rovere (Rome, id.). La manière de Sustermans dérive, au départ, du type de portrait de cour de Pourbus et des Flamands, mais l'artiste s'enrichit au cours de sa longue carrière d'inflexions empruntées au milieu florentin (Empoli, Giovanni da San Giovanni, Volterrano) qui adoucissent d'un clair-obscur vaporeux et dramatisant son naturalisme originel. Rubens, qui fut l'ami du peintre, Van Dyck et Velázquez, dont Sustermans put voir des œuvres à Rome, colorèrent enfin le style de sa maturité, après 1650, achevant de donner à son style aisance et vigueur. Son très grand succès et l'atelier qu'il dut entretenir entraîneront beaucoup de suiveurs et de répliques. On peut voir un ensemble dans une série de Portraits de dames anonymes, donation Fouques au musée de Douai.

Sustris (Lambert) , dit Lambert d'Amsterdam

Peintre néerlandais (Amsterdam 1515/1520 – Venise 1568).

Formé à Utrecht ou à Haarlem dans l'entourage de Van Scorel ou de Maerten Van Heemskerck, il partit très tôt, mais à une date indéterminée, pour l'Italie. Il est possible qu'il faille l'identifier avec le Lam. Amster dont le nom apparaît gravé à côté de ceux de Heermskerck et de Postma à la grotta nera de la Domus Aurea, mais le séjour romain que cette identification supposerait demeure hypothétique. Il dut gagner Venise dès avant 1540 et y fréquenta immédiatement l'atelier de Titien. On a proposé de reconnaître son intervention dans le paysage de la Présentation au Temple de ce maître (v. 1538, Venise, Accademia). L'influence de la Vénus d'Urbin (Offices) de Titien est flagrante dans sa Vénus couchée (v. 1538-1543, Amsterdam, Rijksmuseum). Entre 1543 et 1548, Lambert Sustris apparaît dans plusieurs documents padouans. Vasari fait état du décor de la villa Pellegrini, entre Chioggia et Monselice, où Sustris aurait collaboré avec Gualtieri et Schiavone ; et on a récemment reconnu sa main dans les fresques de la villa Vescovile de Lurigliano di Torreglia, près de Padoue, où sa conception du décor, mêlant de vastes paysages à des architectures peintes, anticipent sur les créations de Véronèse vers 1560. De cette période padouane date aussi la Vierge en trône avec saint Jérôme et saint Antoine (Padoue, S. M. in Vanzo) qui s'inspire de la Pala de Pesano de Titien. En 1548, Sustris accompagne Titien à la diète d'Augsbourg ; il y peint, sur le modèle de Charles Quint assis de son maître, le Portrait de Wilhem IV von Waldburg-Trauchburg (Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlung) ; en 1552, ; il retourne à Augsbourg et multiplie les portraits : Erhard II Vöhlin von Frickenhausen (1552, Cologne, WRM), Hans Christoff et Veronika Vöhlin (1552, Munich, Alte Pin.). Il noue des relations avec des mécènes germaniques dont les armoiries se retrouvent sur plusieurs compositions religieuses peintes soit à Augsbourg même, soit dès le retour à Venise : pour Otto Truchsess von Waldburg, dont il fait le portrait (1553, château de Zeil), il peint le Baptême du Christ (musée de Caen) ; pour le Freiherr Fugger von Kirchberg, un Noli me tangere (musée de Lille). Ces œuvres témoignent clairement de la séduction exercée sur Sustris par Titien comme de son inclination à peindre de vastes paysages traités librement dans une palette claire. L'évolution stylistique de Sustris est difficile à dégager faute d'œuvres précisément datées. À son vénétianisme fondamental s'est mêlée une importante influence du Maniérisme émilien (Parmesan, Niccolo dell' Abate) qui marque, probablement assez tôt le Paysage avec Jupiter et Io (Ermitage) longtemps attribué à Andrea Schiavone, et qui n'a cessé de s'affirmer en même temps que l'exemple de Tintoret a pris le pas sur celui de Titien : le Bain de Vénus (Vienne, K. M.), Vénus et l'Amour attendant Mars (Louvre), Vénus et Vulcain (Munich, Alte Pin.), Diane et Actéon (Oxford, Christ Church College) témoignent de ce maniérisme raffiné et composite où la tradition septentrionale s'efface au profit d'un italianisme radical et maîtrisé. On ignore à quelle date mourut Sustris et son activité tardive est par conséquent sujette à caution. Son identification probable avec " Alberto de Ollanda " (mentionné dans les archives vénitiennes entre 1572 et 1591), sur la foi de signature " Alberto " portée sur la Montée au calvaire (Milan, Brera), impliquerait qu'il peignit à la fin de sa vie de nombreux portraits de notables vénitiens, dans un style nettement dépendant de la manière de Tintoret (Giac. Foscarini, Venise, musée de l'Arsenal ; Giac. Emo, Venise, palais Ducal).

 
Il forma son fils Friedrich (Padoue [ ?] v. 1540 – Munich 1599) , qui fut aussi graveur et architecte. De 1563 à 1567, celui-ci vit en Italie, notamment à Florence, où il est l'élève et le collaborateur de Vasari (1564). Appelé à Augsbourg par le banquier Hans Függer, il y reste de 1565 à 1569. Il entre en 1573 au service du duc Guillaume V et s'installe en 1580 à Munich, où il est nommé architecte en chef de la Cour. Il jouera, jusqu'à sa mort, un rôle de premier plan auprès de Guillaume V. On lui attribue quelques peintures, comme la Chambre d'une accouchée (Florence, Pitti), les deux tableaux de l'Histoire de Darius (Munich, château de Schleissheim) ou bien l'Adoration des bergers (château de Compiègne), dont le style se rapproche de celui de Hans von Aachen.