Raphaël (Raffaello Santi ou Sanzio, dit)
Peintre italien (Urbino 1483 – Rome 1520).
Les débuts
La première formation de Raphaël reste obscure. Selon Vasari, l'artiste aurait débuté dans l'atelier, fort actif, de son père, le peintre Giovanni Santi (mort en 1494), qui l'aurait ensuite confié à Pérugin, mais ce récit est peu vraisemblable, Raphaël n'ayant que onze ans à la mort de son père. Les seules œuvres certaines de sa première jeunesse sont trois retables peints pour des églises de Città di Castello. Du premier, le Couronnement du bienheureux Nicolas de Tolentino, ne subsistent que des fragments, conservés à Naples (Capodimonte : Dieu le Père et la Vierge), au Louvre (Ange) et à Brescia (Pin. Tosio Martinengo : Ange), ainsi que des dessins préparatoires (musée de Lille) ; le contrat daté du 10 décembre 1500 mentionne Raphaël comme chef d'atelier (magister) en compagnie d'Evangelista di Pian di Meleto, assistant dix ans durant de Giovanni Santi. Le deuxième retable est une Crucifixion avec saint Jérôme terminée en 1503 (Londres, N. G. ; panneaux de prédelle avec des Scènes de la vie de saint Jérôme à Lisbonne, M. A. A., et à Raleigh, North Carolina Museum). Le troisième, enfin, est le Mariage de la Vierge, ou Sposalizio, de 1504 (Milan, Brera).
Si l'on admet que Raphaël est passé dans l'atelier de Pérugin, l'époque de cet apprentissage varierait selon les historiens entre 1495 et 1505. On a de bonnes raisons de penser qu'elle ne peut être postérieure à décembre 1500 et qu'il faut probablement la placer en 1499-1500. On renonce aujourd'hui à donner à Raphaël certains beaux morceaux d'œuvres de Pérugin datant des années 1500. On a aussi proposé de situer avant cette date le Couronnement de la Vierge (Vatican) peint pour l'église S. Francesco de Pérouse. Mais l'autorité des dessins préparatoires (Oxford, Ashmolean Museum ; British Museum ; musée de Lille) rend difficilement acceptable cette hypothèse, qui bouleverse la chronologie des premières œuvres.
Ces quatre grands ouvrages et quelques tableaux voisins, comme la Vierge Solly (musées de Berlin), montrent un Raphaël entièrement soumis à Pérugin. C'est seulement dans le Mariage de la Vierge, dont la composition s'inspire directement du tableau sur le même sujet de Pérugin (musée de Caen), que l'animation organique des figures et un sens nouveau de l'espace annoncent déjà nettement l'orientation que suivra l'art de Raphaël. Il semble probable que le Rêve du chevalier (Londres, N. G.) et les Trois Grâces (Chantilly, musée Condé), qui formaient un délicieux diptyque, appartiennent aussi à cette période. Il faut peut-être rapprocher cette dernière œuvre du voyage que Raphaël fit à Sienne pour aider Pinturicchio à exécuter les fresques de la bibliothèque Piccolomini. Cet épisode du récit vasarien a été contesté sans raison. Or, le prototype antique des Trois Grâces avait été envoyé à Sienne par les Borghèse en 1502. Si le diptyque est bien une commande Borghèse (" exhortatio ad juvenem " pour Scipione di Tommaso di Borghese), celle-ci a pu être exécutée à Sienne lors du passage de Raphaël dans cette ville, en 1502-1503.
Les années florentines (1504-1508)
Raphaël se rendit à Florence probablement à l'automne de 1504, et son séjour se prolongea jusqu'en 1508. Il ne faut pas, cependant, envisager cette période comme celle d'une résidence ininterrompue. Les commandes le ramenèrent en Ombrie à plusieurs reprises. Non seulement la fresque de la Gloire de la Trinité (1505-1508, Pérouse, San Severo), mais aussi trois retables durent être exécutés à Pérouse : le Retable Colonna (Metropolitan Museum : la Vierge et l'Enfant avec le jeune saint Jean et quatre saints ; à la lunette : Dieu le Père ; à la prédelle : le Christ au jardin des Oliviers ; autres panneaux de la prédelle à la N. G. de Londres et au Gardner Museum de Boston), le Retable Ansidei (la Vierge et l'Enfant avec saint Jean-Baptiste et saint Nicolas, Londres, N. G.) et la Mise au tombeau (1507, Rome, Gal. Borghèse ; prédelle avec les Vertus théologales, Vatican). Cependant, l'art florentin joua un rôle capital dans la formation de l'artiste. La suite des Vierges et des Saintes Familles de cette époque montre comment la manière encore tout ombrienne de la petite Vierge Conestabile (1504 ?, Ermitage) fait place à un classicisme profondément infléchi par l'étude de Léonard de Vinci, du jeune Michel-Ange et de Fra Bartolomeo : Vierge du grand-duc (1504, Florence, Pitti), où l'influence de Léonard est particulièrement évidente, Petite Vierge Cowper (1504-1505, Washington, N. G.), Vierge dans la prairie (1506, Vienne, K. M.), Vierge au chardonneret (1507, Offices) et la Belle Jardinière (1508, Louvre). La Sainte Famille Canigiani (1507-1508, Munich, Alte Pin.), la Grande Vierge Cowper (1508, Washington, N. G.) et la Vierge Tempi (1508, Munich, Alte Pin.) marquent l'aboutissement de ce développement au terme duquel Raphaël apparaît comme une figure capitale de la Renaissance classique. Il faut mentionner encore, pour cette période de jeunesse, un Saint Michel et un Saint Georges, considérés parfois comme des œuvres très précoces, vers 1501 (tous deux au Louvre), mais que la critique s'accorde auj. à placer plutôt v. 1505. Le Saint Georges de Washington (N. G.) est certainement postérieur à celui du Louvre. On conserve aussi quelques portraits de cette époque, en particulier ceux d'Agnolo et de Maddalena Doni (Florence, Pitti), où l'influence de la Joconde est sensible (en témoigne aussi la variante dessinée du Louvre qui a servi à la Dame à la licorne de la Gal. Borghèse, à Rome).
Époque romaine. Les décorations du Vatican (1508-1520)
Appelé par Jules II, Raphaël se rendit à Rome probablement vers la fin de 1508. Il va maintenant déployer une activité prodigieuse et s'entourer d'élèves et de collaborateurs, d'un atelier nombreux et efficace. Au cours de ces dernières années capitales, où la Renaissance arrive à sa maturité, Raphaël travaille surtout pour le Saint-Siège (Jules II, 1503-1513 ; Léon X, 1513-1521) et exécute dans le palais du Vatican toute une suite de décorations. Chacun de ces grands cycles constitue une unité, une étape et une synthèse stylistiques, Raphaël trouvant chaque fois un équilibre nouveau fait d'éléments de plus en plus tendus. Ce sont, dans l'ordre chronologique, la Chambre de la Signature (1508-1511), la Chambre d'Héliodore (1511-1514), la Chambre de l'Incendie du bourg (1514-1517), les Cartons des tapisseries de la chapelle Sixtine (Londres, V. A. M.), la Salle des palefreniers (1517, détruite), les Loges du Vatican (1517-1519), où l'intervention directe de Raphaël, au-delà du système décoratif d'ensemble, est sujette à discussion ; enfin, il est chargé de la Salle de Constantin, qui sera peinte après sa mort par ses héritiers, Giulio Romano et G. F. Penni (1520-1524).
Dans les dernières années, Raphaël fut contraint, en raison du nombre des entreprises dont il était chargé, de se fier de plus en plus à ses collaborateurs, en particulier Giulio Romano et Penni ; cependant on a tendance aujourd'hui à minimiser cette collaboration. Non seulement submergé de commandes de peintures, il avait été, en outre, nommé architecte de Saint-Pierre à la mort de Bramante, en 1514, puis chargé du contrôle des antiquités en 1515.
La Chambre de la Signature est toute sérénité avec quelques réminiscences ombriennes, en particulier dans la Dispute du Saint Sacrement, la première des grandes compositions, alors que l'École d'Athènes fait preuve d'une maîtrise complète de la grande décoration. Dans la Chambre d'Héliodore, Raphaël explore les possibilités dramatiques du style classique, non seulement par le mouvement qui anime les épisodes violents (Expulsion d'Héliodore, Attila arrêté par Léon le Grand), mais aussi en utilisant la lumière et l'espace dans la Délivrance de saint Pierre et même dans la Messe de Bolsène. Dans la Chambre de l'Incendie, l'exécution semble moins homogène, moins contrôlée, et l'ensemble moins satisfaisant que les précédents, en dépit de l'intérêt suscité par ses compositions spectaculaires (tels l'Incendie du bourg et le Couronnement de Charlemagne). Les sept cartons qui représentent des épisodes des Actes des Apôtres (Londres, V. A. M.) allient l'emphase du langage à une sévérité accrue, tandis que les Loges, en revanche, avec leur développement de " grotesques " à l'antique, sont d'un effet tout décoratif.