Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Armando

Peintre néerlandais (Amsterdam 1929).

Après des études d'histoire de l'art à l'université d'Amsterdam, Armando trouve dans l'œuvre d'artistes comme Karel Appel ou Constant un intérêt pour la spontanéité et le caractère informel de leur peinture. Cette attirance pour un art gestuel non figuratif se marque dans les Peintures criminelles, à partir de 1954, travaillées avec une matière épaisse. Forte d'un contenu symbolique, l'œuvre d'Armando est le lieu d'évocation d'une orientation existentielle de la peinture, bien présente dans des séries comme les Espaces criminels (1956), peintures monochromes traitées avec du sable ou, à partir de 1959, les Paysages criminels. Il faut noter le caractère dramatique de ces paysages, lié au souvenir profondément ancré chez l'artiste, de la présence, près de l'habitation de son enfance, du camp de concentration d'Amersfort.

   Membre en 1958-1960 du Groupe informel néerlandais, puis en 1960 du Groupe nul, il exécute des œuvres monochromes en relief, sortes de paysages blindés où, sur des panneaux de tôle rectangulaires, sont enserrés des boulons ou des fragments de barbelés, réalisations plastiques de l'acceptation par l'artiste de la réalité, qui se manifeste également dans la création d'environnements (Eau noire, 1964, Gemeentemuseum de La Haye).

   Après s'être retiré du Groupe Nul en 1965, une interruption de sa production lui permet, quand il recommence à dessiner en 1967, puis à peindre en 1971, de renouer avec son langage pictural des années 1950 dans des œuvres monochromes chargées de sable, de petit ou de grand format en longueur, souvent composées en diptyque ou en triptyque. Tout un travail sur la ligne, réalisé dans des séries graphiques, se retrouve dans des séries de paysages empreints d'une grande force expressive, lieu du rapport entre la nature et l'être humain (l'Ennemi en marche, 1978-79, Centraal Museum, Utrecht). À travers des superpositions dynamiques de blanc et de noir, ce sont soit des masses compactes (l'Inspection du champ de bataille, 1980-1982; Drapeau, 1982), soit de grands enchevêtrements de lignes (Observation de l'ennemi, 1980) qui se répandent sur la surface du tableau. Ces paysages dramatiques se veulent témoins de l'agression que l'homme dans sa violence fait subir à la nature dans la cadre du combat (Champ de bataille, 1987 ; Paysage coupable, 1987). C'est cette même évocation du désastre dans l'espace de la nature qu'Armando avait exécutée au début des années 1970 dans des photographies retravaillées au dessin (le Soldat inconnu, 1974). Plus récemment, la photographie sert de support au thème du travail de l'histoire grâce à la réutilisation de petits portraits anciens (Notes sur le passé, 1980).

   Depuis 1979, Armando vit et travaille à Berlin. L'œuvre de l'artiste, qui a fait l'objet d'expositions rétrospectives au Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1974 et 1981, à l'Institut néerlandais de Paris, en 1984, et au musée de Bourg-en-Bresse en 1988, est également représentée dans les principaux musées néerlandais. Une nouvelle exposition lui a été consacrée (Bonn, Kunstmuseum) en 1996.

Armleder (John Michael)

Peintre suisse (Genève 1948).

Armleder suivit le cours de John Epstein en 1969 à la Glamorgan Summer School en Angleterre, après avoir étudié à l'École des beaux-arts de Genève (1966-1967). La même année, il fonde avec Patrick Lucchini et Claude Rychner le groupe Écart, un collectif d'artistes qui se donne pour tâche d'aborder tous les aspects de la réalité artistique depuis la création jusqu'à la médiation. Le groupe organise de nombreuses expositions d'artistes souvent issus du mouvement Fluxus (Joseph Beuys, John Cage, George Maciunas, Ben Vautier). À cette activité s'ajoute la réalisation de performances et concerts (Conversation pour John Cage, Genève, 1973 ; Fluxconcert pour George Maciunas, id., 1980).

   Fortement marqué par l'abstraction géométrique, John Armleder commence en 1980 à peindre des œuvres abstraites. Ses toiles géométriques sont souvent des compositions simples où la couleur et la matière jouent un rôle important (Sans titre, Dijon, F. R. A. C. de Bourgogne, 1984). Héritier des maîtres du formalisme et conscient de venir après les grandes figures de la modernité, il n'invente pas mais réactualise un style, une tendance qui fut connue sous le nom de Néo-Géo par opposition à la Nouvelle Figuration, qui dominait alors la scène internationale Sans titre/Forthe Love of Daisy, 1986 Genève, musée d'Art et d'Histoire).

   Armleder réalise également de nombreuses installations " Sculptures Furnitures " dans lesquelles il établit une relation d'équivalence entre la sculpture et la peinture (Sans titre (FS 99), 1986, Saint-Étienne, musée d'Art moderne). Il participe à de nombreuses expositions internationales : la Biennale de Venise en 1986 et la Documenta 7 en 1987. Une première exposition rétrospective a eu lieu en 1987 (Winterthur, Düsseldorf, Paris, Berlin) et en 1990, à Genève, une rétrospective de ses " Sculptures Furnitures ".

Armory Show

Nom donné à l'Exposition internationale d'art moderne qui s'ouvrit à New York dans les locaux de l'armurerie du 69e régiment, sur la 25e rue, le 17 février 1913.

   Cette manifestation, décisive pour le développement de l'art américain au XXe s., fut présentée ensuite avec quelques modifications à Chicago et à Boston. La peinture moderne européenne se trouva ainsi introduite aux États-Unis avec une ampleur sans égale. Près de 300 000 visiteurs l'avaient vue quand l'exposition ferma ses portes à Boston. Elle suscita d'innombrables controverses, voire le scandale. Organisée par un petit groupe d'artistes américains antiacadémiques et partiellement assimilés à l'Ash Can School, l'exposition pouvait représenter la version américaine du Sonderbund colonais de 1912, mais elle comprenait des œuvres de nombreux Américains aussi bien que d'artistes du début du XIXe s. (au total quelque 1 600 peintures, sculptures et dessins) et fut une révélation brutale pour un public vaste et non averti. Les œuvres des postimpressionnistes (Cézanne, Van Gogh, Gauguin) reçurent un accueil enthousiaste qui éclipsa complètement leurs timides imitateurs américains comme Hassam, Twatchman et même Glackens. Les toiles des cubistes (Picasso, Braque, Gleizes, Metzinger, Delaunay, Villon), celles encore de Matisse, particulièrement bien représenté, et surtout celles de Duchamp et de Picabia retinrent l'attention du public et frappèrent d'inanité les efforts des artistes de l'Association des peintres et des sculpteurs américains. Les organisateurs (Kuhn, Davies, Pach, Myers, Bellows) avaient tous pensé que l'exposition favoriserait la reconnaissance en Amérique de leurs propres innovations ; mais le résultat dépassait de loin leur espérance. L'Armory Show suscita en effet les premières vocations de collectionneurs d'art moderne, notamment celle de Walter Arensberg, dont la collection est aujourd'hui au musée de Philadelphie, celle de Lillie P. Bliss, noyau du futur M. O. M. A. de New York, celles encore du Dr Barnes, de Duncan Phillips, de John Quinn. C'est avec enthousiasme que ces collectionneurs et leurs amis achetèrent des tableaux fauves et cubistes, allant bien au-delà du résultat escompté par les organisateurs américains, qui voulaient seulement souligner leurs sources européennes. Stieglitz acquit, pour 500 dollars, l'une des Improvisations (n° 27, 1912) de Kandinsky. Ces achats massifs eurent pour autre conséquence l'installation aux États-Unis, pendant la Première Guerre mondiale, de peintres comme Picabia, Duchamp, Gleizes, dont la présence influencera le développement de la peinture américaine : Charles Demuth, Charles Sheeler, Joseph Stella, Niles Spenser et bien d'autres furent définitivement marqués par le Cubisme. Ainsi, la peinture américaine commença-t-elle à se libérer des poncifs académiques et à faire admettre le principe de l'exposition à jury libre. Surtout, elle entraîna la collusion irréversible de l'artiste et du collectionneur américains avec le modernisme international. Après l'Armory Show, les États-Unis ne pourraient plus longtemps se contenter du provincialisme insulaire et de l'ambiguïté des critères qui avaient prévalu durant le XIXe s. Cette intégration au courant de l'art occidental sera néanmoins lente à s'opérer. Les tendances modernistes restèrent longtemps souterraines et à la remorque de l'Europe ; il faudra attendre 1940 pour qu'apparaissent les fruits réels de cette exposition prématurée.