Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Ranc (Jean)

Peintre français (Montpellier 1674  – Madrid 1735).

Élève de son père, Antoine Ranc, et de Hyacinthe Rigaud, dont il épousa la nièce, il fut reçu à l'Académie en 1703 avec les portraits de Plattemontagne et de Verdier (Versailles), qui sont avec le Lamoignon de Basville (musée de Montpellier) et la belle allégorie de Vertumne et Pomone (id.) ses seules œuvres notables conservées en France. En 1723, sans doute sur la recommandation de Rigaud, il fut engagé comme peintre de Philippe V, à défaut des portraitistes en vogue Rigaud, Largillière ou de Troy, que le roi d'Espagne avait demandés au cardinal Dubois. Sa carrière madrilène se déroula sans grand éclat ; elle ne fut coupée que par un séjour à Séville avec la Cour et une mission au Portugal pour y faire le portrait des souverains, beaux-parents du futur Ferdinand VI ; elle devait s'achever sur un épisode pénible : c'est dans le logement de Ranc au palais, tandis qu'il réveillonnait avec des amis la nuit de Noël 1734, que débuta le terrible incendie qui devait détruire le vieil Alcazar avec une grande partie de ses précieuses peintures. Revenu à Madrid, Ranc y mourut quelques mois plus tard.

   Son œuvre, dont le Prado conserve de bons exemples, est celle d'un portraitiste habile et minutieux, mais sans personnalité. Le seul portrait conservé, celui de Philippe V à cheval couronné par la Victoire (Prado), s'inspire de compositions semblables de Rubens. Celui de la Famille de Philippe V, resté inachevé et disparu, n'est connu que par une version de petit format (Prado) qui est sans doute l'œuvre la plus agréable du peintre. D'autres portraits individuels, toujours en costumes d'apparat, fixent l'image des souverains, des infants et de leurs épouses : Philippe V et Isabelle Farnèse, la jeune Reine Louise-Isabelle d'Orléans, veuve de Louis Ier ; Ferdinand VI enfant ; Charles III enfant ; Ferdinand VI en prince des Asturies, sa femme Barbe de Bragance (tous au Prado).

Rancillac (Bernard)

Peintre et graveur français (Paris 1931).

Il abandonne tôt le professorat de dessin pour se consacrer exclusivement à la peinture et à la gravure. Il travaille en 1958 à l'atelier de Hayter et participe à de nombreuses manifestations en proposant d'abord des œuvres figuratives (gal. Saint-Placide), puis informelles (gal. le Soleil dans la tête). En 1963, il découvre un style personnel et percutant qui lui vaut d'être remarqué. Il se distingue alors par un ton nouveau de verdeur, de franchise graphique et de liberté, qui conjugue heureusement l'héritage de Cobra et les premières aspirations d'une peinture que l'on baptisera bientôt " pop art " (Un tour de clef, 1964). Rapidement, son style évolue dans l'esprit de la bande dessinée, à laquelle il emprunte, à la suite de J. Johns, Rauschenberg, Lichtenstein et Warhol, ses effets de découpage et même ses personnages ( Journal intime d'un pied, 1965 ; Où es-tu ? Que fais-tu ?, 1965). Il adapte ainsi des techniques extrapicturales et les codifie suivant un registre humoristique qu'il abandonne v. 1966 pour élaborer, à partir de documents directement empruntés au domaine de l'information (photographies de magazines), un monde dont il accentue la froide objectivité en y introduisant bientôt des éléments de matière plastique (le Dîner des collectionneurs de têtes, 1966 ; Les Gardes rouges défilent, 1966, Paris, M. N. A. M. ; Ombre et lumière sur cheval, 1967 ; Bloody Comics, Chili, 1977, musée de Dole). Outre sa participation à la Biennale de Paris (où il obtient un prix en 1963) et à de nombreuses manifestations internationales, il a exposé à la gal. Mathias-Fels ( Jazz : la contrebasse de Mingus, 1974), et deux rétrospectives lui ont été consacrées, par le musée de Vitry (1969) et par le musée de Saint-Étienne (1971). En 1985, il a présenté des travaux récents au pavillon des Arts (Paris). Après une série d'œuvres inspirées du magazine Cinémonde (les Yeux de Viveca Lindfors, 1986), Rancillac continue d'explorer le monde. Mickey, dit-il, est un agent de la C. I. A. Il est représenté en France et dans les musées de Göteborg, de Rotterdam et d'Ostende.

Ranson (Paul)

Peintre et décorateur français (Limoges 1861  – Paris 1909).

Après quelques années d'études à l'École des arts décoratifs de Limoges, puis à celle de Paris, il entra, en 1888, à l'académie Julian, où il subit fortement l'influence de Sérusier, propagandiste des idées de Gauguin et d'Émile Bernard. L'atelier de Ranson et de sa jeune femme, situé boulevard du Montparnasse, devint, autour de 1890, le centre de réunion des Nabis et prit le surnom de " Temple ". Ranson a obéi jusqu'à l'exclusive au dogme nabi de peintre-décorateur, et l'on retrouve dans son style, mêlées avec plus ou moins de bonheur, les réalisations du Modern Style et les théories de Pont-Aven sur la simplification des formes et l'aplat de la couleur. Son iconographie (Femmes en blanc, 1894, laine sur canevas, Paris, musée d'Orsay) est empruntée à un symbolisme un peu étroit, qu'avec plus d'observation et d'esprit Bonnard, Vuillard ou même Maurice Denis avaient évité dans leurs décorations.

   Le nom de Ranson resta associé à celui de l'académie fondée en 1908, peu avant sa mort précoce, et que sa femme continua de diriger. Les amis de l'artiste, en particulier Sérusier et Maurice Denis, vinrent y enseigner. Située à Paris rue Joseph-Bara, l'académie a été, en 1968, livrée à la pioche des démolisseurs.

Raoux (Jean)

Peintre français (Montpellier 1677Paris 1734).

Il fut l'élève d'Antoine Ranc à Montpellier, où il peignit Ariane à Naxos (1701, musée de Montpellier), et de Bon Boullogne à Paris, où il remporta le premier prix de l'Académie (1704). Il séjourna à Rome, à Florence, à Padoue, où il laissa l'Annonciation et la Visitation (cathédrale), à Venise, où il devint le favori de Philippe de Vendôme, grand prieur de l'ordre de Malte, qui l'hébergera au Temple (1714), faveur qui lui sera octroyée (1719) par son successeur Jean Philippe, chevalier d'Orléans, bâtard du Régent. Pygmalion amoureux de sa statue (1716, Louvre, déposé au musée de Montpellier) est son morceau de réception à l'Académie royale présenté le même jour que le Pèlerinage à Cythère de Watteau (28 août 1717). Raoux a peint quelques portraits, comme Joseph Bonnier de La Mosson (musée de Montpellier), Joachim Colbert, évêque de Montpellier (id.), Françoise Prévost, danseuse de l'Opéra (1723, musée de Tours), parfois représentés à l'antique (Mme Boucher, née Perdrigeon, en vestale (1734, Versailles). Dans des sujets de genre, comme la Jeune Fille lisant une lettre (Louvre), il imite Netscher ou Schalken, plus que Rembrandt, à qui le comparait indûment Voltaire.