Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Véronèse (Paolo Caliari, dit le) (suite)

La dernière période

Avec la décoration des plafonds (Allégories de Venise et des Vertus) de la salle du Collège (1575-1577, palais des Doges), Véronèse s'engage dans un processus de simplification des moyens expressifs qui semble correspondre à une exigence d'approfondissement de sa conscience artistique et qui se traduit par un langage de plus en plus intime et lyrique. À cette époque, la multiplication des commandes rend inévitable une importante participation de l'atelier. Les grandes compositions complexes (dont le Triomphe de Venise [1583], au plafond de la salle du Grand Conseil au palais des Doges, est le dernier et somptueux exemple) sont progressivement abandonnées pour des représentations plus importantes, où interviennent une attention nouvelle pour le paysage, un commentaire des sentiments des personnages, traité sur une note tendre ou pathétique (l'Enlèvement d'Europe, palais des Doges). Les Scènes allégoriques pour l'empereur Rodolphe II (New York, Frick Coll.), Mars et Vénus (Metropolitan Museum), Mercure, Hersé et Aglaure (Cambridge, Fitzwilliam Museum), la Crucifixion (Venise, église S. Lazzaro dei Mendicanti), inspirée de Titien, Moïse sauvé des eaux (Prado), Vénus et Adonis (id.) témoignent de cette dernière évolution, dont l'intellectualisme implicite se déclare enfin dans les œuvres ultimes du peintre : la Lucrèce de Vienne (K. M.), étude psychologique intense et raffinée, la Pietà de l'Ermitage, le Miracle de saint Pantaléon (1587) dans l'église du même nom à Venise.

   Il faut encore mentionner l'activité de portraitiste de Véronèse, suffisamment illustrée d'ailleurs par les nombreux portraits que l'on rencontre dans ses peintures. Citons, à titre d'exemple, les Portraits d'hommes du musée de Budapest et de Florence (Pitti), le Jeune Homme au chien et le Sculpteur du Metropolitan Museum, la Belle Nani du Louvre, le Portrait de femme du musée de Douai, le Comte Giuseppe da Porto avec son fils de la donation Contini-Bonacossi à Florence (Pitti), où l'intelligence psychologique est toujours tempérée par une humanité chaleureuse et cordiale.

   Le maître ne laissa pas, à sa mort, une école capable d'accueillir et de développer son héritage : son atelier, véritable entreprise familiale, était formé de modestes exécutants entièrement soumis à son génie. Le plus doué de ses fils meurt en 1596 à l'âge de 24 ans. Mais la portée de son expérience, à laquelle se rattache naturellement le Baroque vénitien, dépasse les limites d'une génération et les frontières de sa ville. Pendant deux siècles au moins, nombre d'artistes parmi les plus grands, de Rubens et Velázquez jusqu'à Tiepolo, ont trouvé une source d'inspiration dans la richesse et la variété inépuisable de Véronèse. Plusieurs expositions ont été organisées en 1988 à l'occasion du quatrième centenaire de la mort de l'artiste (Vérone, Venise, Washington).

Veronesi (Luigi)

Peintre italien (Milan 1908-id. 1998.

Il reçut sa première formation à Milan, où il commença à peindre. En 1932, encore figuratif, il se rend à Paris où il rencontre Fernand Léger et Georges Vantongerloo. Il commence à s'intéresser à l'Art abstrait et en particulier au Constructivisme russe. En 1934, il adhère à l'association Abstraction-Création, ce qui aura une importance déterminante pour lui. En 1935, il participe à la première exposition de groupe d'art abstrait italien avec Fontana, Licini, Soldati et Reggiani. Il expose avec Albers à la Galleria del Milione à Milan en 1934. La première partie de sa carrière se rattache à l'esthétique du constructivisme, en particulier à l'art de Moholy-Nagy et de Lissitsky (Diagonale V, 1939). Sa curiosité l'amène à exploiter différentes techniques, la gravure, ainsi que la photographie (séries d'études de photographies abstraites et de photogrammes, de collages en 1935 qui lui permettent de nouer des relations avec Moholy-Nagy), le cinéma (série de films abstraits en 1939-1940) et la réalisation de décors de théâtre. En 1947, il fait partie de l'exposition Arte astratta arte concreta au Palazzo Reale de Milan et, en 1949, il adhère au groupe milanais M. A. C. (Movimento Arte Concreta). Il participe à des expositions internationales d'Art abstrait, notamment aux Biennales de Venise en 1954 et en 1966. Ses œuvres sont conservées à Milan (Museo Civico), à Moscou (musée Pouchkine) et dans de nombreuses collections particulières.

verre

Matière dure et transparente, obtenue par la fusion de corps vitrifiants, comme la silice. Le verre est utilisé par les artistes, principalement comme matériau coloré pour le vitrail. Il sert également de plaque d'impression pour les monotypes, de support pour des miniatures ou d'écran protecteur pour certaines peintures (voir FIXÉ SOUS VERRE). Les artistes de la Renaissance, et notamment Léonard de Vinci, se sont intéressés à la peinture et à la dorure sur verre. Mais, en fait, ce matériau présente une surface trop lisse pour retenir des pigments, à moins qu'ils ne soient cuits, comme dans la céramique et l'émaillage.

Verrocchio (Andrea di Cione, dit il)

Peintre italien (Florence 1435 – Venise 1488).

Sculpteur, Verrocchio a attaché son nom à des monuments fameux, comme le Tombeau de Giovanni et Piero de' Medici (Florence, S. Lorenzo), le David (Florence, Bargello), l'Incrédulité de saint Thomas (Florence, Orsanmichele), le monument équestre du Colleoni (Venise, place SS. Giovanni e Paolo). Comme Antonio Pollaiolo, qui était presque son contemporain, il se forme dans le climat culturel qui se crée autour des dernières œuvres de Donatello. Chez lui comme chez Pollaiolo, la ligne devient le moyen expressif dominant ; mais Verrocchio recherche également de subtils effets de lumière en surface, qui ont fait quelquefois même suggérer l'intervention de Léonard de Vinci, comme dans les mains de la célèbre Dame au bouquet, marbre du Bargello. Verrocchio travailla fréquemment pour les Médicis et restaura pour leur compte des " antiquités " qu'ils collectionnaient avec passion (le Marsyas de marbre rouge des Offices). Il participa en outre à l'apparat des célèbres tournois. C'est surtout à son atelier réputé, où l'on apprenait également la musique et où l'on discutait des problèmes mathématiques, qu'il doit sa renommée de peintre. De cet atelier sortirent certains des plus grands peintres de la fin du XVe s. Verrocchio fut, comme l'écrit Ugolino Verino, " maître de presque tous ceux dont le nom aujourd'hui court parmi les villes d'Italie ", et en particulier de Pérugin, de Léonard de Vinci et de Lorenzo di Credi. Aucune des œuvres peintes qui portent le nom de Verrocchio n'est absolument autographe ; en effet, dans l'atelier du maître, entre 1470 et 1480 environ, c'est-à-dire jusqu'au départ de celui-ci pour Venise, d'où il ne reviendra pas, la collaboration de plusieurs peintres pour une même œuvre semble un fait habituel. Dans le Baptême du Christ (Offices), on remarque, par exemple, la présence du jeune Léonard dans l'ange blond et dans le paysage à gauche ainsi que celle d'un autre peintre de moindre personnalité dans le palmier à gauche et dans les mains du Père éternel en haut ; dans les Madones de la N. G. de Londres et des musées de Berlin ainsi que dans le Jeune Tobie (Londres, N. G.), certains ont voulu reconnaître, sans recueillir l'assentiment des historiens, la main du jeune Pérugin ; la Madone di Piazza (dôme de Pistoia) traduit l'agencement lisse et poli du modeste Lorenzo di Credi, tandis que la prédelle avec l'Annonciation (Louvre) révèle des traits plus proches de Léonard. Vasari explique l'activité picturale restreinte de Verrocchio par une sorte de jalousie éprouvée par le maître, qui, se voyant surpassé par Léonard dans le personnage de l'ange du Baptême, " ne voulut jamais plus toucher aux couleurs ". En réalité, l'activité principale de Verrocchio fut la sculpture, et les grandes œuvres qui lui furent commandées en ce domaine ne durent lui laisser que peu de temps pour la peinture. Les commandes d'œuvres peintes furent ainsi confiées pour la plupart à ses jeunes collaborateurs. Lors de son départ pour Venise, où il était appelé pour édifier le monument de Bartolomeo Colleoni, Verrocchio donna la direction de son atelier à Lorenzo di Credi, son élève le plus dévoué et le plus fidèle, qui rapatria son corps après sa mort.