Véronèse (Paolo Caliari, dit le) (suite)
La dernière période
Avec la décoration des plafonds (Allégories de Venise et des Vertus) de la salle du Collège (1575-1577, palais des Doges), Véronèse s'engage dans un processus de simplification des moyens expressifs qui semble correspondre à une exigence d'approfondissement de sa conscience artistique et qui se traduit par un langage de plus en plus intime et lyrique. À cette époque, la multiplication des commandes rend inévitable une importante participation de l'atelier. Les grandes compositions complexes (dont le Triomphe de Venise [1583], au plafond de la salle du Grand Conseil au palais des Doges, est le dernier et somptueux exemple) sont progressivement abandonnées pour des représentations plus importantes, où interviennent une attention nouvelle pour le paysage, un commentaire des sentiments des personnages, traité sur une note tendre ou pathétique (l'Enlèvement d'Europe, palais des Doges). Les Scènes allégoriques pour l'empereur Rodolphe II (New York, Frick Coll.), Mars et Vénus (Metropolitan Museum), Mercure, Hersé et Aglaure (Cambridge, Fitzwilliam Museum), la Crucifixion (Venise, église S. Lazzaro dei Mendicanti), inspirée de Titien, Moïse sauvé des eaux (Prado), Vénus et Adonis (id.) témoignent de cette dernière évolution, dont l'intellectualisme implicite se déclare enfin dans les œuvres ultimes du peintre : la Lucrèce de Vienne (K. M.), étude psychologique intense et raffinée, la Pietà de l'Ermitage, le Miracle de saint Pantaléon (1587) dans l'église du même nom à Venise.
Il faut encore mentionner l'activité de portraitiste de Véronèse, suffisamment illustrée d'ailleurs par les nombreux portraits que l'on rencontre dans ses peintures. Citons, à titre d'exemple, les Portraits d'hommes du musée de Budapest et de Florence (Pitti), le Jeune Homme au chien et le Sculpteur du Metropolitan Museum, la Belle Nani du Louvre, le Portrait de femme du musée de Douai, le Comte Giuseppe da Porto avec son fils de la donation Contini-Bonacossi à Florence (Pitti), où l'intelligence psychologique est toujours tempérée par une humanité chaleureuse et cordiale.
Le maître ne laissa pas, à sa mort, une école capable d'accueillir et de développer son héritage : son atelier, véritable entreprise familiale, était formé de modestes exécutants entièrement soumis à son génie. Le plus doué de ses fils meurt en 1596 à l'âge de 24 ans. Mais la portée de son expérience, à laquelle se rattache naturellement le Baroque vénitien, dépasse les limites d'une génération et les frontières de sa ville. Pendant deux siècles au moins, nombre d'artistes parmi les plus grands, de Rubens et Velázquez jusqu'à Tiepolo, ont trouvé une source d'inspiration dans la richesse et la variété inépuisable de Véronèse. Plusieurs expositions ont été organisées en 1988 à l'occasion du quatrième centenaire de la mort de l'artiste (Vérone, Venise, Washington).